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Les Chroniques

Socrate et Jésus. Passeurs d’universel, Anne Baudart, par Gilles Banderier

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 13 Septembre 2018. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Socrate et Jésus. Passeurs d’universel, Anne Baudart, Le Pommier, février 2018, 364 pages, 10 €

 

Deux innocents condamnés à mort et exécutés. Quelle que soit la manière dont on scrute et retourne les textes qui nous sont parvenus, on ne peut résumer autrement la mort de Socrate et celle de Jésus. Des morts aux modalités différentes : Socrate absorbe dans sa cellule un poison insidieux, entouré de ses fidèles (l’absence de Platon, qui n’est pas sans évoquer les reniements de Pierre, est troublante) ; Jésus meurt seul, à la vue de tous mais abandonné de tous et dans des souffrances indicibles : la crucifixion, que les Allemands ont redécouverte dans les camps de la mort, avant que l’État islamique ne la pratique à son tour, est, avec le bûcher et la pal, un des plus monstrueux supplices inventés par l’être humain, dont l’imagination en ce domaine (comme en d’autres) est fertile. L’agonie sur la croix durait plusieurs heures, voire plusieurs jours, et si celle de Jésus fut relativement brève (quelques heures), ce fut parce qu’il avait été réduit à l’état de loque sanguinolente par les tortures qui avaient précédé la mise en croix. Deux morts dont l’ombre s’est étendue sur toute l’Histoire à venir. Des bibliothèques ont été remplies de commentaires sur les moindres faits et propos qui nous ont été rapportés, en particulier les derniers mots de Socrate et de Jésus.

Marches III, Bernard Fournier, par Murielle Compère-Demarcy

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Jeudi, 13 Septembre 2018. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Marches III, Bernard Fournier, éd. Aspect, 2017, 113 pages, 14 €

 

Après Marches en 2005 et Marches II en 2009, le poète Bernard Fournier signe ce troisième volet composé de IV parties dont les titres résonnent déjà comme peuvent résonner des marches entreprises au sein du monde naturel ou au cœur d’un univers à la fois étrange et familier, mi-onirique mi-fantastique, tel qu’on en trouve l’atmosphère dans la poésie de Jean Joubert, ou Michel Cosem (pour ne citer qu’eux).

La première partie semble, ainsi que l’annonce son titre, attester d’une quête de « Réponses » correspondant à une écoute de la part du poète. Écoute du monde naturel qui l’environne, dépositaire de voix enfouies auxquelles l’on ne prête pas toujours attention et que l’on évoque parfois sans les connaître, dans notre « monde interprété » pour reprendre l’expression de Rilke dans les Élégies deDuino. Ces Réponsesse lèvent à l’unisson des voix de l’aube, que le regard et le langage cherchent, depuis les premières lignes des aurores, dans la brume et les « brouillards (préalables) de mai ».Et ce rendez-vous, poétique en ses postes d’affût, constitue une « entreprise » (« La premièreentreprise fut, dans le sentier déjà empli de frais et blêmes éclats, une fleur qui me dit son nom »), à l’instar de celle du poète Rimbaud dans ses Illuminations, dévoué à la rencontre de l’Aube. Le poète Bernard Fournier écrit ainsi :

Prix de la Vocation 2018, les livres en lice (1) : Nage libre, Boris Bergmann et Les Nougats, Paul Béhergé, par Sylvie Ferrando

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Mercredi, 12 Septembre 2018. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

 

Nage libre, Boris Bergmann, Calmann-Lévy, janvier 2018, 308 pages, 18,90 €

 

Il était une fois Issa, jeune Français malien d’origine, qui habitait la Zone et qui venait de rater son bac. Issa se sent illégitime, ne pas appartenir au groupe, quel qu’il soit. Issa veut sortir du syndrome de l’échec des « fils de Zone » mais n’y parvient pas. Issa est arrivé en France à l’âge de 7 ans, à la « Cité du Parc », au « Bâtiment B, escalier 2, 3eétage, apt 24C. Son équation sans inconnue ».

Il était une fois Elie, le seul et meilleur ami d’Issa, un jeune juif dont la mère était battue par un beau-père cruel, et qui lui aussi venait d’échouer au baccalauréat. Une histoire sombre de banlieue, de losers, de violence et de maltraitance.

Échos d’étreintes sauvages, Nasser-Edine Boucheqif (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 10 Septembre 2018. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Échos d’étreintes sauvages, Nasser-Edine Boucheqif, éditions Polyglotte, 2018, 20 €

 

Hic et nunc

Pour aborder ce gros recueil de poésie de l’écrivain et éditeur Nasser-Edine Boucheqif, il faut tout de suite évoquer la morphologie de l’ouvrage. Car, sans savoir avec précision si le livre a été écrit tous les jours d’une année bissextile, à chaque poème correspond une date du calendrier, un poème chaque jour sans exception, ce qui laisse entrevoir une remarquable ténacité – sachant qu’écrire un poème journellement durant une année civile est un tour de force. D’autre part, le cours de ces poèmes est agencé selon quatre chapitres – dépeints sous le nom de « géopoétique » – qui renvoient à chaque trimestre, et plus concrètement aux quatre saisons qui jouent sur les couleurs et les impressions du poète, ce qui me permet de considérer comme avérée mon idée d’un poème quotidien. Donc, cette poésie saisit la Loire et la nature environnante, marquées bel et bien par les éléments climatiques du pays angevin.

Une nouvelle édition des Misérables dans La Pléiade : un événement (1 sur 2), par Matthieu Gosztola

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 07 Septembre 2018. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

 

Les MisérablesVictor Hugo, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, n°85, février 2018, édition Henri Scepi, Dominique Moncond’huy, 1824 pages, 65 € (prix de lancement jusqu’au 30 juin 2018)

 

En octobre 1839, Hugo visite le bagne de Toulon et note peu de temps après cette phrase parmi d’autres qui seront prêtées à Mgr Myriel : « Je suis en ce monde non pour garder ma vie mais pour garder les âmes » [1]. En février 1846, alors qu’il se rend à la Chambre des pairs, l’auteur de Claude Gueux croise un homme « pâle, maigre, hagard », accusé d’avoir volé un pain, et accompagné en conséquence de deux soldats. Aussitôt, la scène se fait image, et le profil de l’homme accablé « se dote d’une lisibilité inédite », pour reprendre la formulation d’Henri Scepi dans sa passionnante préface. « Cet homme n’était plus pour moi un homme, écrit Hugo, c’était le spectre de la misère, c’était l’apparition, difforme, lugubre, en plein jour, en plein soleil, d’une révolution encore plongée dans les ténèbres, mais qui vient » (Choses vues, souvenirs, journaux, cahiers [2]).