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Les Chroniques

Réarmement lumière, Alexandre Desrameaux (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Jeudi, 08 Novembre 2018. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Réarmement lumière, Alexandre Desrameaux, Ed. Des Vanneaux, Coll. L’Ombellie, mars 2018, 58 pages, 15 €

 

Le titre à première lecture interpelle : Réarmement lumière, mais encore ? Signalétique d’un opus poétique, le lecteur l’interprète d’emblée en son sens figuré et se souvient que le réarmement a pu historiquement désigner un mouvement de rénovation spirituelle fondée sur des valeurs pacifiques et altruistes, « réforme du monde par une réforme de la vie personnelle ». Gandhi en fut un représentant avec sa doctrine de non résistance fondée sur des moyens pacifiques. Est-ce de cela que nous parle ici le poète Alexandre Desrameaux ? Appliqué à la poésie nous devinons que le réarmement désigne ici un rechargement des batteries pour « transformer la vie » au sens rimbaldien. Du moins le supposons-nous de prime abord. L’illustration de couverture qui représente un détail d’une œuvre picturale signée du poète d’envergure Bernard Noël, confirme cette orientation par sa légende « Les soupirs de la méthode » et nous conforte dans l’idée que nous nous ouvrons là à la lecture d’un cheminement, cognitif et créatif très probablement, les deux se complétant, formant la dimension non systémique mais totalisante de notre intégration au monde ici pulvérisé pour souffler le carcan de remparts transfigurés en « fumées d’escaliers, montant Babel de chiffres et prouvant dieu malgré eux ».

La Cartothèque, Lev Rubinstein (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 07 Novembre 2018. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

La Cartothèque, Lev Rubinstein, Le Tripode, novembre 2018, trad. Hélène Henry, 288 pages, 22 €

 

 

J’avoue que j’ai été surpris par l’originalité de ce livre que publient les éditions du Tripode, maison que je ne connaissais pas du reste. Surpris, mais pas perdu ; étonné, mais participant comme liseur à la ligne esthétique de l’ouvrage ; déstabilisé, dans le sens où c’est la liberté d’abord qui se donne à lire ici, liberté du mouvement des vers, liberté de ton, liberté formelle, liberté de l’invention textuelle. Car si l’on en croit les dates de production des recueils, qui s’échelonnent de 1976 à 2006, l’on voit combien cette façon d’inventer, de créer du moderne (au sens de Rimbaud, c’est-à-dire « absolument »), parfois avec humour, gravité souvent mais sans emphase, conduit à ne pas tremper sa plume dans la veine lyrique ou très peu, et à nous livrer ainsi un univers typique, sans faux-semblants, entêtant et entraînant.

Le Triomphe de la bêtise ou Le gâteau au chocolat du président Donald Trump, Armand Farrachi (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 06 Novembre 2018. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Le Triomphe de la bêtise ou Le gâteau au chocolat du président Donald Trump, Armand Farrachi, Actes-Sud, mai 2018, 112 pages, 12,50 €

Pétrarque (1304-1374) fut l’inventeur d’une rhétorique amoureuse qu’on imita durant près de cinq siècles, jusqu’au Romantisme. Ceux qui feuillètent encore son Canzonierene remarquent pas toujours que le recueil est composé de deux parties, les « Sonetti et Canzoni » et les « Trionfi », qu’on lit encore moins que le reste, poèmes allégoriques en tercets (comme la Divine Comédie), mettant en scène successivement le Triomphe de l’Amour, de la Chasteté, de la Mort, de la Gloire, du Temps et de l’Éternité. Les Trionfi suscitèrent des épigones, pas autant, toutefois, que les sonnets amoureux, qui ont placé une bonne part de la poésie française du XVIesiècle sous le signe d’un pétrarquisme de série.

Armand Farrachi proposerait-il un septième triomphe, celui de la Stupidité, qui engloberait les six autres (sans doute la bêtise n’est-elle pas éternelle, mais ne serait-elle pas immortelle ?) ? Lointaines héritières de Joachim de Flore, les Lumières avaient formulé la croyance à un progrès infini (ou à des progrès, le XVIIIesiècle employant plus volontiers le terme au pluriel). De manière visible, Armand Farrachi ne partage pas (ou plus) cette foi :

En lieu et place, Olivier Domerg (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Vendredi, 02 Novembre 2018. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

En lieu et place, Olivier Domerg, L’Atelier contemporain, juin 2018, postface Michael Foucat, 144 pages, 20 €

 

Obsession

Obsession est le mot qui m’est venu très vite à l’esprit pour titrer ces quelques lignes que je veux consacrer au dernier livre d’Olivier Domerg. En effet, c’est pour moi le mot convenable pour résumer le livre et éclairer ainsi un principe en littérature que je trouve essentiel. Oui, comme en musique, j’aime l’ostinato, qui correspond pour ce qui me concerne à la tentative et à la méthode les plus difficiles, car ces dernières jouent sur des contraintes très fortes. Ici, l’obsession qui fait le thème principal, c’est la place Ducale de Charleville-Mézières. Car hormis quelques débordements vers des rues adjacentes, la totalité des 15 mouvements de l’ouvrage revient à décrire et à partager par écrit cette place emblématique de la ville de Rimbaud. Obsession de la place, qui fait place, la place au poème, qui s’en fait le lit, son foyer, sa focale. En ce sens, la construction de ce recueil reprend, je crois, les formes musicales d’un certain minimalisme américain, où le thème est développé jusqu’à produire de simples éléments d’expression répétés et qui varient peu.

Nass El Ghiwane, Merveilleux colporteurs des poétiques populaires (par Mustapha Saha)

Ecrit par Mustapha Saha , le Mercredi, 31 Octobre 2018. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

 

Concert de Nass El Ghiwane à Epinay-sur-Seine dans la région parisienne. Je retrouve Omar Sayed avec sa canne d’inépuisable pèlerin, sa gestuelle chaleureuse, sa parole savoureuse, sa pudeur valeureuse. La mémoire partagée se promène dans le backstage comme une ombre. S’interpellent en quelques mots les décennies claires et sombres. Se rappellent le terrain Hofra (le trou), sa fameuse équipe de football et son école franco-musulmane, Derb Moulay Cherif et son cinéma niché dans une misérable bâtisse, les baraques du marché ravagées par des incendies récurrents, les vendeurs à la sauvette pourchassés comme indésirables concurrents. Se convoque le souvenir des fertilisantes pépinières, Dar Chabab (La Maison des Jeunes), ses ateliers de création artistique, et la troupe de théâtre pionnière, Hilal Dahabi (La Lune dorée), les spectacles éphémères dans les terrains vagues, les folles illuminées échappées de la mer, les poètes vagabonds prophétisant les lendemains amers. Des vocations exceptionnelles germinent, en ces lendemains de l’indépendance, dans le terreau des souffrances.