Réel
J’ai abordé le livre de Pierre Vinclair comme un recueil de textes dont j’ai aimé la forme claire de sonnet, lequel imprime sa scansion, sa cadence, et produit des poèmes parfois versifiés, mais pour la plupart en vers libres. Ainsi, hormis le prétexte contingent d’une installation de l’auteur et de sa femme à Singapour puis à Shanghai, le travail d’écriture reste égal, tourné vers le récit tout autant que vers la langue. C’est la réalité qui fait le fond du poème, avec sa nature à la fois matérielle – le découpage en quatorze vers – et désincarnée, narrative ou arrêtée, mouvante comme le suppose la lutte pour le poète à décrire des déambulations, comparables à celles de Debord, Joyce ou Homère.
C’est donc la vie en creux que l’on aperçoit au travail dans le texte, comme si elle venait affleurer à l’instar d’une écume au milieu de la page, dans le rectangle blanc du poète qui s’achève dans la page imprimée pour le lecteur – lequel s’identifie, comme au cinéma, à cette aventure spatiale, en rupture avec l’ordre ordinaire de nos vies, et qui laisse supposer aussi une rupture dans la continuité de la vie du poète, qui évoque en peu de traits sa fonction de professeur, de lettres ?, de philosophie ? Oui, cela fait coupure, rompt le cercle habituel de la littérature, même par éclats, par petits fragments qui sont autant de petites scènes de l’existence qui prennent dès lors une dimension littéraire.