Honneur 2018 de la Cause Littéraire
Ce qui reste après la lecture du recueil sibérien d’Ismaël Billy, est d’un ordre à la fois organique et lyrique. Nous sommes témoins du voyage de l’auteur dans le nord de la Russie, où la neige et les eaux sont valorisées comme appartenant au régime symbolique de l’amour. D’ailleurs, le poète croise le cours du fleuve Amour, qui à lui seul donne le sentiment de sédimentation en soi de la force lyrique des lieux. Ainsi, on traverse à la fois dans la chaleur des corps et le piquant de la salive par exemple, les plateaux alluviaux de la Sibérie et peut-être pouvons-nous nous diriger vers le détroit de Béring, point le plus oriental de ce voyage. Donc l’amour ici est décrit comme une pulsion, comme une pulsation, comme un chant, et encore comme une sorte de trace de sel organique, un goût violent, où toutes les neiges forment une émulsion physiologique propre à la consommation du désir et de l’amour.
Il ne faut pas oublier où nous sommes. Car les poèmes prennent leur naissance dans un territoire, territoire recréé pour appartenir au régime du poème, car c’est sans doute la vision de l’auteur qui compte, se trouvant confronté aux images saisissantes de la Sibérie, son énigme, sa violence. D’ailleurs, Tchékhov voulait écrire une pièce après La Cerisaie, qui se serait déroulée au Pôle. Donc on voit combien est attractif ce territoire balayé par les neiges et riche de figures.