Les Misérables, Victor Hugo, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, n°85, février 2018, édition Henri Scepi, Dominique Moncond’huy, 1824 pages, 65 € (prix de lancement jusqu’au 30 juin 2018)
Court en silence – et il faut être à l’écoute de cette course silencieuse –, sous la plume de Hugo, dans la courte préface des Misérables, le terme d’Anankè. En écho de ce mot grec gravé par Claude Frollo en lettres capitales sur la muraille au cœur de Notre-Dame de Paris [1]. Hugo nous le répète, la mort est toujours une échéance redoutée et infiniment douloureuse dans la façon qu’elle a, aura, de séparer, délier les êtres, les êtres et les choses, les regards et le visible. Face à la fragilité de la terre, de l’innocence (ainsi l’enfance), face aux morsures (crocs apparents, pour qui sait voir) des sociétés, et face à l’inéluctabilité de la mort, il y a les liens, les liaisons plutôt (Les Misérables nous le signifie, au fil des pièces d’étoffes diverses qui constituent, cousues ensemble, le grand ensemble noir et de fête de ce roman)…, les liaisons que l’on peut reconnaître – plus que tisser – avec les choses, avec les êtres. Hugo oppose à la pesanteur qui écrase et aliène les hommes l’envol de l’amour. C’est une façon de s’extraire de l’enfer de la fatalité. Une manière qui consiste à dénouer la clôture constrictive de l’Anankè au profit « d’une nouvelle espèce d’enchaînement, qui vaut libération », ainsi que le résume Henri Scepi dans sa stimulante préface.