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Les Chroniques

Ainsi parlait (Thus spoke) Herman Melville, Dits et maximes de vie, Thierry Gillybœuf (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mardi, 02 Octobre 2018. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Ainsi parlait (Thus spoke) Herman Melville, Dits et maximes de vie, Thierry Gillybœuf, Édition bilingue, Arfuyen août 2018, trad. américain Thierry Gillybœuf, 176 pages, 14 €

 

A nouveau, un volume de cette petite collection (florilège chronologique de courts extraits d’un auteur) est une bénédiction. Je ne connaissais de Melville (1819-1891), comme presque tout le monde, que Achab et Bartleby, qu’un jeune marin orphelin, déserteur, évadé et mutin, un quadragénaire – romancier reconnu – qui d’un coup tombe dans l’oubli, la poésie, la dépression et l’alcool, et le tardif petit inspecteur des douanes enfin qui, le soir, dort à son bureau. Cette nette et sobre anthologie (parfaitement présentée, calibrée et traduite par Thierry Gillybœuf) révèle, derrière le génie littéraire, un penseur particulièrement inquiet et subtil.

C’est que Herman Melville a la tête spontanément métaphysique – voyons-le sur trois exemples – car il ne généralise pas ses observations, il universalise (sous l’égide d’être et néant, de vie et mort) ses intuitions. Ainsi, parlant banalement des insomnies du vieillard, il décide aussitôt du point le plus profond :

Prix de la Vocation 2018 (4) - Bicyclettres, Jean-Acier Danès et Le croque-neige, Antoine Janot (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Mardi, 02 Octobre 2018. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

 

Bicyclettres, Jean-Acier Danès, Seuil, janvier 2018, 224 pages, 17 €

 

C’est un itinéraire de littéraire, de khâgneux amoureux des lettres. On y démarre à Sète et au cimetière marin de Valéry, puis on se rend à Annecy avec Rousseau et Madame de Warens, dans les Flandres de Marguerite Yourcenar…

Nous assistons, presque en instantané, à ces pérégrinations littéraires à dos d’une bicyclette nommée Causette, homophone de Cosette : « Loin de la recherche de la performance à tout prix, j’ai voulu faire cela : être heureux quelques semaines avec la candeur de cet enfant, les rêves d’un littéraire et d’un vagabond qui grandit ».

L’or saisons, Colette Daviles-Estinès, par Clément G. Second

Ecrit par Clément G. Second , le Lundi, 01 Octobre 2018. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

L’or saisons, Colette Daviles-Estinès, Éditions Tipaza, mai 2018, ill. Philippe Croq

Une Orpailleuse de finitudes

Qui, avant de le tenir enfin entre ses mains puis d’y engager ses regards, ne le connaissant pas encore mais l’ayant un peu deviné par assiduité aux Volets ou vers, le riche blog accueillant de la poète, et aux revues, au chaleureux Lichen d’Élisée Bec en particulier dont chaque numéro publie de ses textes – qui donc ne s’ennuyait souvent, impatiemment, de L’or saisons ?

Dans cet ouvrage aux pages végétales, branches-feuilles souples accolées au tronc du dos, les poèmes de Colette Daviles-Estinès fascinent par une constante beauté diffractée en inflexions menant très loin, et l’art de Philippe Croq intercale des peintures polysémiques comme autant de superbes jalons et relais complices.

Sa découverte, lexique et picturale, procure un multiple plaisir, un enchantement. Étrangère au virtuose, au péremptoire, au savant, mais au contraire amie des présences et signes, les apprivoisant, les creusant, s’y apprivoisant aussi, proposant en partage tout un cheminement parmi eux, la parole inspirée de Colette Daviles-Estinès suscite ce rare bonheur.

Toutes les femmes sauf une, Maria Pourchet (par Sandrine Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Vendredi, 28 Septembre 2018. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Toutes les femmes sauf une, Maria Pourchet, Pauvert, septembre 2018, 136 pages, 15 €

 

Ce livre s’adresse à toi, le livre que tu prends en pleine figure, parce que tu es une femme. Parce que d’abord, tu es une femme blessée par ta naissance. Celles de toutes les femmes qui t’ont précédée. Tu n’as pas qu’une mère, tu en as des milliers.

Femme, tu portes les maux et le poids des morts, le poids du sang, le poids des mots. Tu enfanteras dans l’angoisse. La terreur de l’éventration. N’oublie pas la racine des mots. Ce n’est pas douleur qu’il fallait traduire mais angoisse.

Les mots qui déchirent.

Les hommes vont entrer dans ce livre avec malaise, précaution, curiosité, avec effroi. Ils seront à l’étroit.

L’entrée en matière. Ton arrivée au monde. Tu t’écrases sur une toile cirée, c’est à peu près ça, la salle de travail. La salle de travail. Il fallait une femme pour enquêter, il fallait Maria Pourchet pour raconter et dépasser le récit, le genre de livre qui se fout du réel ou de la fiction, il est au-delà du genre.

Si quelqu’un écoute, Béatrice de Jurquet (par Pierrette Epsztein)

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Jeudi, 27 Septembre 2018. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Si quelqu’un écoute, Béatrice de Jurquet, éditions La rumeur libre, novembre 2017 (Prix Max Jacob 2018. Préface Gérard Chaliand), 128 pages, 16 €

 

Un territoire à soi

Voici comment Béatrice de Jurquet définit elle-même son écriture : « J’ai capté des bribes de phrases attrapées dans le temps suspendu hors du bruit assourdissant du quotidien. J’ai cherché la juste place, la vibration, la résonance, l’attention aux choses minuscules, le rythme intérieur, la musique intérieure, le silence, le souffle ».

Le silence est indispensable pour savourer la poésie. Alors, un conseil, choisissez l’intimité, enfoncez-vous douillettement dans le fauteuil le plus confortable de votre maison, attendez tranquillement que vienne le crépuscule, à l’orée de l’automne quand les jours raccourcissent, allumez une lampe pour créer juste une lumière tamisée. Vous voilà préparé à savourer Si quelqu’un écoute de Béatrice de Jurquet, recueil de poèmes paru en 2017 dans les éditions La Rumeur libre. Dans ce recueil, vous retrouverez beaucoup de thèmes chers à l’auteur et déjà explorés dans son roman La Traversée des lignes : Les paysages et les maisons d’enfance,

« Un pays qui n’existe que d’être écrit ».