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Les Chroniques

Lettre coup de cœur pour La Reine Alice de Lydia Flem, par Pierrette Epsztein

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Mercredi, 04 Juillet 2018. , dans Les Chroniques, La Une CED

La Reine Alice, Lydia Flem (Ed. Points)

 

Comment a-t-on un coup de foudre pour l’œuvre d’un écrivain ? Comment celui-ci s’y prend-il pour vous conduire à lire presque tous ses livres ?

Depuis plusieurs mois, comme vous à l’égard de Claire Lejeune, à qui vous rendez un vibrant hommage dans votre discours à l’Académie Royale de Belgique en novembre 2010, je pourrais vous dire : « J’ai vécu en [votre] compagnie dans une proximité quotidienne, emportée par [votre] révolte, pas [vos] élans, [votre] insolente liberté ». Ces mots conviennent parfaitement à ce que j’ai découvert de votre univers.

Depuis plusieurs mois, vous ne me quittez pas. J’ai fait un voyage extraordinaire dans vos livres, un peu dans tous les sens. J’ai commencé par Lettres d’amour en héritage dont je me suis délectée, puis j’ai poursuivi avec Paniquequi m’a allégée de mes angoisses. Et j’ai enchaîné avec votre Discours de réception à l’Académie Royale de Belgique qui m’a éclairée sur votre écriture. Enfin, j’ai osé aborder La Reine Alice, sans savoir à quel point j’allais être happée. Et pour boucler mon tour de piste, j’ai terminé par L’homme Freud, une biographie intellectuelle qui m’a tant fait réfléchir sur ma propre histoire.

Meryem sous le dattier - À propos du roman de Sinan Antoon, Ave Maria, par Yasmina Mahdi

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mardi, 03 Juillet 2018. , dans Les Chroniques, La Une CED

Sinan Antoon, Ave Maria, Sindbad Actes Sud, mai 2018, trad. arabe (Irak) Philippe Vigreux, 192 pages, 21 €

 

« À côté du Christ, Marie est la plus grande gloire du peuple juif »

Cardinal Francis Arinze

 

L’originalité du titre de ce roman de Sinan Antoon, Ave Maria indique l’orientation spirituelle de l’ouvrage, sous-entend les problématiques multiconfessionnelles entre les communautés religieuses orientales, remettant en question les préjugés qui induisent l’adage simpliste, arabe égal musulman. Néanmoins, Meryem/Marie est largement mentionnée dans le Coran (trad. Jean Grosjean) dans la Sourate XIX, Marie, de l’Annonciation et de l’enfantement de Jésus, et à la Sourate IV des femmes, « Oui, parce qu’ils n’ont pas cru – qu’ils ont horriblement calomnié Marie », et fait partie du culte musulman. Traité émouvant de rites catholiques distincts selon les églises syriaque ou chaldéenne.

Monde arabe : les racines du mal, Bachir El-Khoury, par Gilles Banderier

Ecrit par Gilles Banderier , le Vendredi, 29 Juin 2018. , dans Les Chroniques, La Une CED

Monde arabe : les racines du mal, Bachir El-Khoury, Actes Sud Sindbad, février 2018, 252 pages, 22 €

 

On peut à présent le déclarer avec l’absolue sûreté du coup d’œil rétrospectif, le « printemps arabe » a été un échec cuisant, à la mesure des espoirs qu’il a suscités. L’étincelle qui mit le feu aux poudres fut (sans mauvais jeu de mots) le suicide, dans des circonstances atroces, d’un jeune marchand de légumes ambulant, Mohamed Bouazizi. De ce personnage, un des plus importants de l’histoire arabe contemporaine, il n’existe guère de photographies, si ce n’est celle d’une momie agonisante allongée sur un lit d’hôpital, partiellement recouverte d’une sorte de plaid rouge, qu’on imagine bien dans une maison de campagne, mais qui apparaît étrangement incongru dans un service des grands brûlés. Présent sur le cliché, le président Ben Ali se doutait-il que ce corps détruit le ferait chasser du pouvoir, aussi efficacement que des milliers de soldats armés fomentant un coup d’État militaire ? Le geste de Mohamed Bouazizi a peut-être d’autant plus frappé les esprits que l’immolation par le feu est un mode de suicide et de protestation étranger au monde arabe. Ce geste désespéré fit des émules à travers la Tunisie, par un phénomène mimétique, avant que la contestation ne s’étende bien au-delà.

Vinegar Girl, Anne Tyler, par Yasmina Mahdi

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mercredi, 27 Juin 2018. , dans Les Chroniques, La Une CED

Vinegar Girl, Anne Tyler, Phébus, mai 2018, 224 pages, 19 €

La dernière musaraigne

Vinegar associé à d’autres termes comme piss and vinegar est la transcription familière de « désagréable, arrogante, aigre », et nous pouvons traduire vinegar girl comme fille à mauvais caractère. En quelques phrases, le décor est planté, et là est tout l’art de ce roman. Ainsi, dès les premières lignes de Vinegar Girl, l’on part de la partie traditionnellement réservée aux femmes, la maison, le jardin, la cuisine – l’espace domestique –, et plus tard, la petite école. Anne Tyler, l’auteure, détaille les occupations humaines et les relations interpersonnelles et met en perspective les rapports père-fille tranchants, leurs rangs sociaux inégaux : un spécialiste des maladies auto-immunes et une simple assistante maternelle ; anatomie d’un ratage ? Je cite ce passage touchant qui me semble partagé par toutes les écoles du monde : L’école occupait le sous-sol (…) les salles étaient ensoleillées et agréables, dotées de doubles portes donnant directement sur la cour. Tout au fond du bâtiment, à l’opposé des portes, une cloison avait été montée pour créer une salle des professeurs où les vieilles dames passaient de longs moments à siroter des tisanes en échangeant sur la diminution de leurs capacités physiques. Les assistants s’aventuraient parfois dans cette salle pour s’autoriser eux-mêmes une tasse de thé ou utiliser les toilettes réservées au corps enseignant, avec leurs lavabos et leurs sièges à hauteur d’adulte.

Graffiti Palace, A.G. Lombardo, par Yann Suty

Ecrit par Yann Suty , le Lundi, 25 Juin 2018. , dans Les Chroniques, La Une CED

Graffiti Palace, A.G. Lombardo, Seuil, mai 2018, trad. anglais (USA) Charles Recoursé, 400 pages, 22 €

 

La mythologie reste une source d’inspiration inépuisable pour nombre de romanciers, cinéastes ou scénaristes. Elle est si riche, elle semble avoir inventé toutes les situations possibles et imaginables que le rôle d’un créateur n’est plus que d’en donner son interprétation, en tentant de se la réapproprier avec plus ou moins de talent. Parfois, l’emprunt est subtil et ne se découvre qu’après avoir détricoté les fils de la narration. D’autres fois, les allusions sont particulièrement flagrantes, voire insistantes, comme un graffiti beaucoup trop chargé (pour établir un lien avec la thématique du roman de A.G. Lombardo). Graffiti Palaces’inscrit clairement dans la seconde catégorie en s’emparant du mythe d’Ulysse pour une nouvelle odyssée qui se déroule cette fois-ci en 1965 à Los Angeles, au cours d’un été qui n’en finit pas, alors que la ville vient de s’embraser suite à une arrestation un peu trop musclée d’un Noir par les forces de police.

« J’essaye de rentrer chez moi et des gens essayent de m’en empêcher ».