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Les Chroniques

Dustan Superstar, Raffaël Enault, par Arnaud Genon

Ecrit par Arnaud Genon , le Jeudi, 19 Avril 2018. , dans Les Chroniques, La Une CED

Dustan superstar, Raffaël Enault, Robert Laffont, février 2018, 324 pages, 21 €

 

Docteur Baranès & Mister Dustan

Guillaume Dustan fut une comète médiatico-littéraire qui traversa (trop) rapidement la fin des années 90 et le début des années 2000. On garde aujourd’hui de lui la réductrice image d’un jeune homme provocateur, séropositif, se rendant sur les plateaux télé (en des temps anciens où l’on n’attendait pas la messe annuelle du Sidaction pour parler du sida), coiffé d’une perruque blonde, pour défendre – ou plus précisément, expliquer – les pratiques de baise bareback (sans capote) qui étaient les siennes… Les journalistes ne se focalisant que sur les révélations sexuelles que contenaient ses livres, on en oubliait la littérature, la force de ses textes qui faisaient de lui, selon Thomas Clerc, universitaire et écrivain ayant entrepris la réédition de l’ensemble de ses livres chez P.O.L, « l’un des écrivains les plus forts de la littérature contemporaine, celle qui prend des risques parce qu’elle n’est pas formatée » (1).

À propos de Tous des oiseaux de Wajdi Mouawad, par Didier Ayres

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 18 Avril 2018. , dans Les Chroniques, La Une CED

Tous des oiseaux de Wajdi Mouawad, éd. Leméac/Actes-Sud, mars 2018, 96 pages, 14 €

 

Identité

En quatre actes et 26 scènes, Wajdi Mouawad dresse le portrait violent d’un problème éthique et interroge le spectateur/lecteur. Avec cette question : qu’est-ce que l’identité ? Et même s’il faut taire le dénouement et le coup de théâtre qui clôt la pièce, tout confine à la plasticité en relation avec l’identité, notamment religieuse ou nationale.

Énonçons quand même deux mots de l’histoire, laquelle rejoint celles des grands mythes de notre patrimoine théâtral. Et ici, nous revisitons l’amour impossible de Roméo et Juliette, dont les familles respectives ennemies traversent des douleurs et des batailles historiques. Là, le conflit israélo-palestinien qui se calque sur l’amour de Wahida et Eitan. Donc l’amour impossible entre un Israélien et une Palestinienne, nœud gordien que ne tranche pas vraiment la pièce.

Dans la tête de Recep Tayyip Erdoğan, Guillaume Perrier, par Gilles Banderier

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 17 Avril 2018. , dans Les Chroniques, La Une CED

Dans la tête de Recep Tayyip Erdoğan, Guillaume Perrier, Solin/Actes Sud, janvier 2018, 236 pages, 19 €

 

 

La photographie a fait le tour du monde en suscitant l’hilarité des réseaux « sociaux », ces caisses de résonnance de la bêtise et de la vulgarité universelles. Le cliché a été pris début janvier 2015, dans l’escalier d’honneur du palais de Beştepe, immense construction de mille cent cinquante pièces et deux cent mille mètres carrés, édifiée à Ankara. On y voit la silhouette longiligne et plutôt fluette du président Erdoğan (qu’on imagine difficilement se livrer aux mêmes démonstrations de force physique que Vladimir Poutine – peut-être n’en éprouve-t-il pas le besoin, après tout), entouré d’une garde prétorienne en costumes anciens, représentant les seize empires, plus ou moins mythiques, fondés par les Turcs au fil du temps. Il faut ne rien connaître à la Turquie, à ses équilibres profonds, mais aussi à ses déchirements, à ses contradictions, pour trouver cette photographie amusante. Comme la Russie, la Turquie est un pays en longueur, à cheval sur deux continents, pourvu – comme la Russie – de deux « capitales », l’une côté européen, l’autre côté asiatique ;

Œuvres romanesques I, II, Mario Vargas Llosa, La Pléiade, par Marc Ossorguine

Ecrit par Marc Ossorguine , le Vendredi, 13 Avril 2018. , dans Les Chroniques, La Une CED

Œuvres romanesques I, II, Mario Vargas Llosa, Gallimard, La Pléiade, mars 2016, trad. espagnol Bernard Lesfargues, Albert Bensoussan, Anne-Marie Casès, 3872 pages, 145 €

 

Un monument relié à lire et relire

Que peut-on dire ou écrire au sujet de l’œuvre de Mario Vargas Llosa qui n’ait pas déjà été dit ou écrit ? Rien, a priori. Ecrivain phare de la littérature latino-américaine et de la littérature mondiale, couronné du Prix des prix, le Nobel, maintes fois commenté, interviewé, encensé, cité… L’édition française lui a en outre accordé ce prix qui n’en est pas un mais qui est peut-être pour beaucoup encore plus qu’un prix : la publication dans la bibliothèque de La Pléiade. Un honneur et un bonheur dont l’auteur dit lui-même qu’ils l’ont plus touché que le Nobel. Que peut-il rester à ajouter ? Pour ma génération, il lui manquerait peut-être l’entrée dans le Lagarde et Michard, ce manuel qui a officialisé et institutionnalisé la culture littéraire de quelques générations de lycéens. Dès lors, il ne reste plus qu’à le lire. Tout simplement. Car il n’est pas impossible qu’à l’instar de certains auteurs dont tout le monde parle, dont tout le monde a entendu parler, ceux qui en parlent ne l’ont pas toujours lu, voire toujours pas lu. Ou l’ont mal lu. Nous avouons très humblement être de ceux-là.

La religion de ma mère, Karim Akouche, par Fawaz Hussain

Ecrit par Fawaz Hussain , le Mardi, 10 Avril 2018. , dans Les Chroniques, La Une CED

La religion de ma mère, Karim Akouche, Editions Ecriture, octobre 2017, 174 pages, 16 €

 

On m’a volé ma patrie

Comme dans L’Etranger de Camus, La religion de ma mère, de Karim Akouche, commence par le décès de la mère. Le narrateur ne reçoit pas de télégramme de l’asile de vieillards lui annonçant avec des termes laconiques, « Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués », mais un coup de fil du bled. C’est le « frangin » devenu inspecteur de police à Blida qui lui demande de rentrer pour les funérailles de leur génitrice. Mirak (Karim en lisant à l’envers) se trouve à huit heures de vol d’Algérie. Il est au Canada, un pays où la glace couvre les croix des tombes et les écureuils grimpent sur les érables. Devant al-Nakba, le grand désastre, la mort de la mère, il bâcle son odyssée en quelques phrases lapidaires : « J’ai fui le pays des vautours et des dégénérés. J’ai opté pour la France, puis, déçu par ses enfants arrogants, j’ai bifurqué vers Montréal. J’ai chaviré au large de l’Amérique ».