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Recensions

Insomnies intimes, De l’ombre à la lumière, Valérie Fauchet (par Marjorie Rafécas Poeydomenge)

Ecrit par Marjorie Rafécas-Poeydomenge , le Jeudi, 02 Mai 2024. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres

Insomnies intimes, De l’ombre à la lumière, Valérie Fauchet, KDP Amazon, février 2024, 222 pages, 18 €

Les insomnies sont-elles des invitées inattendues, redoutables, comme des mantes religieuses nocturnes prêtes à nous piquer dans le vif de nos blessures ? Ou au contraire, des intimités enfin retrouvées, comme la « Flamme d’une chandelle » (1), pour réveiller le clair-obscur de notre chambre. Après Une voyante passe aux aveux et La vie est une affaire personnelle (trilogie romanesque, Editions Ipanema), Valérie Fauchet nous invite dans ce nouveau livre à apprivoiser nos insomnies de façon créative et poétique, et envisager nos lieux, nos objets autrement, pour mieux nous comprendre et nous surprendre. L’auteure nous livre sans tabou des bouts de sa vie intime romancés, avec poésie et authenticité, en résonnance avec des lieux qui l’ont marquée. Toutes sortes de lieux : des terrasses de café, des chambres d’hôtel, la plage, « des maisons prisons », « des maisons tristesse », « des maisons closes », « des maisons pop », « des maisons sans enfants », « des maisons hantées », « des maisons souvenirs », « des maisons château en Espagne », « des maisons comme des moulins, des maisons vides, des maisons où il ne se passe jamais rien, des maisons sans amour, des maisons en plein carrefour, des maisons qu’on ne voit pas, des maisons qu’on n’aime pas, et des maisons du bonheur ».

Aujourd’hui, Amos, Anne Cortey, Janik Coat (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mardi, 30 Avril 2024. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Grasset, Jeunesse

Aujourd’hui, Amos, Anne Cortey, Janik Coat, Grasset-Jeunesse, 2016, 40 pages, 13 € Edition: Grasset

 

Instants de vie, instants de poésie

Ce livre délicieux donne l’illusion d’un carré, de par ses dimensions (16,7x17,6 cm), et comme il est indiqué, est « fait avec amour en pays de poésie ». Anne Cortey (née en 1966 à Avignon, ayant étudié l’histoire de l’art), et Janik Coat (née en 1972 à Rennes, diplômée de graphisme des Beaux-arts de Nantes), ont conçu à elles deux ce charmant album jeunesse très onirique.

Il s’agit ici du récit d’une journée d’Amos, un jeune garçon hybride bleu et rouge, à la fois koala et lapin, aux belles oreilles rouges, doté de grands yeux jaunes et d’une drôle de petite truffe noire toute ronde. Ce dernier est sage, rêveur et appliqué. Par ailleurs, il adore la campagne, l’odeur de la terre et des trésors qu’elle renferme et fait pousser… Doué d’inspiration, Amos écrit des poèmes !

Jonas, Le requin mécanique, Bertrand Santini, Paul Mager (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mercredi, 24 Avril 2024. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Grasset, Jeunesse

Jonas, Le requin mécanique, Bertrand Santini, Paul Mager, Grasset Jeunesse 2023, 15,90 € Edition: Grasset

 

Les automates en danger

Bertrand Santini (né en 1968, auteur reconnu pour la jeunesse, notamment pour Yark) signe ici un roman illustré qui a obtenu les Prix Libbylit et Millepages Jeunesse – une parodie des Dents de la mer. À MonsterLand, aux États-Unis, tout est artificiel : décors de plastique, spectacles faussement effrayants et interprètes en ferraille. Le parc d’attraction dépérit un peu dans une atmosphère de fête foraine bon marché. Là, « le vent dispersait des odeurs tièdes de barbe à papa et de pralines grillées. Les lumières du parc s’éteignaient une à une, métamorphosant les manèges en sortes d’immenses squelettes figés dans la nuit ». Les copies de vedettes du cinéma fantastique qui furent jadis célèbres peuplent cette réplique de Disneyland désenchanté, mais n’intéressent plus un public blasé et avide de violence plus crue. Fin d’un rêve américain et constat de notre monde actuel et de sa brutalité. Pourtant, entre les dinosaures et les anciens monstres de films de genre recyclés, l’amitié est bien réelle – une valeur.

Ozane, Claude Donnay (par Parme Ceriset)

Ecrit par Parme Ceriset , le Mardi, 23 Avril 2024. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Ozane, Claude Donnay, éditions M.E.O, février 2024, 250 pages, 22 €

 

Lorsqu’on ouvre un livre dont on sait qu’il aborde le thème de la Shoah, il y a toujours cette étrange sensation de glace qui envahit le corps, se répand de la page aux doigts du lecteur, et ne le lâche pas. Des images nous viennent à l’esprit ; des mots aussi ; ceux de Primo Levi notamment, qui résonnent dans le vide avec force et gravité : « Considérez si c’est un homme / Que celui qui peine dans la boue / Qui ne connaît pas de repos / Qui se bat pour un quignon de pain / Qui meurt pour un oui pour un non. / Considérez si c’est une femme / Que celle qui a perdu son nom et ses cheveux / Et jusqu’à la force de se souvenir / Les yeux vides et le sein froid / Comme une grenouille en hiver… ».

Il est très difficile d’écrire sur ce thème après cela, après ces mots gravés sur les murs du temps. Et Claude Donnay a su le faire, dans le roman Ozane, avec sobriété, humilité, dans une écriture à la fois poétique et dure, avec des mots justes, pour rendre hommage à Eliane Gillet et sa famille, et à tous les autres aussi, pour que l’on n’oublie pas…

Indigne, Cécile Chabaud (par Marjorie Rafécas-Poeydomenge)

Ecrit par Marjorie Rafécas-Poeydomenge , le Lundi, 22 Avril 2024. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Récits

Indigne, Cécile Chabaud, éditions Écriture, 2023, 230 pages, 20 €

Scandé par l’écriture vive et élégante de Cécile Chabaud, Indigne relate le procès complexe de Georges Despaux, figure énigmatique et contrastée de la seconde guerre mondiale. L’auteure avait déjà eu l’audace de ressusciter Rachilde lors de son premier roman publié en 2022. Elle se penche cette fois-ci sur un sujet complexe : la face cachée des hommes en période de guerre. Ce roman nous démontre à quel point les visions manichéennes peuvent nous éloigner de la vérité. Comment avoir des certitudes entre les faux-semblants et les arrangements ? Qu’y a-t-il au plus profond des hommes ? Sont-ils prêts à tout pour sauver leur peau ou au contraire, sauver leur dignité ?

Ce roman nous renvoie à la réflexion de Sartre sur ce qu’est au fond un « salaud ». Dans L'Être et le Néant, l’exemple du garçon de café qui joue au « jeu » d’être un garçon de café et qui finit par y croire lui-même nous dérange. « Le salaud est celui qui, pour justifier son existence, feint d’ignorer la liberté et la contingence qui le caractérisent essentiellement en tant qu’homme ». Le « salaud » est celui qui n’assume pas sa liberté. Souvent, il est plus confortable, plus lâche, d’imaginer que l’on n’est pas libre pour se convaincre que l’on n’a pas le choix. Alors, Georges Despaux était-il libre ?