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Les Livres

Ne le dites à personne, Patrick Devaux (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mercredi, 15 Octobre 2025. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Poésie, Le Coudrier

Ne le dites à personne, Patrick Devaux Editions Le Coudrier – Mars 2025 Illustrations : Catherine Berael 68 pages – 18 € Edition: Le Coudrier

 

Suivant le titre de son recueil, Patrick Devaux a des secrets à nous confier. Du moins, c’est l’idée qu’il voudrait nous glisser. La vérité est contraire : en passant par les phases de l’écriture et de la publication, Patrick Devaux a plutôt des secrets à dévoiler. Et ces secrets (on peut les désigner comme tels, considérant que les éléments en question ne sont pas suffisamment remarqués) sont liés aux mots, à la place et à la définition de la poésie dans le monde actuel : « la poésie s’essaie à quelques audaces artificielles / l’intelligence en transpire » (p. 47) ; « sans aucun doute faudrait-il remettre / les pendules à l’heure / nous vivons un épisode de cendres / et / les mots n’en peuvent plus / mais surtout / ne le dites à personne » (p. 48/49)

Nous retrouvons ici le style du poète, qui apprécie les vers courts : ceci amène à une lecture fluide, un peu rapide, qui nous fait d’autant mieux entrer dans l’objet principal du livre. Cependant, une question s’impose : le poète idéalise-t-il un monde désormais fermé ? La part nostalgique attachée à ce recueil est assumée par une phrase mise en exergue.

Éloge du livre et autres textes sur la littérature et les œuvres de l’esprit, Stefan Zweig (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 15 Octobre 2025. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Éloge du livre et autres textes sur la littérature et les œuvres de l’esprit, Stefan Zweig (1920-1940), Paris, Archipoche, 2025, 192 pages, 12 €.

 

Stefan Zweig fut un homme du monde d’avant, c’est-à-dire – à Vienne ou ailleurs – d’un monde où la présence quotidienne, rassurante, des livres et l’existence d’abondantes bibliothèques privées allait de soi. Même s’il était déjà un produit industriel, le livre demeurait un objet précieux, quasiment sacré, relié, encaustiqué, transmis. Il ne s’agit pas de dire que la métropole viennoise, comme toutes les grandes cités d’Europe et même les campagnes, n’abritait pas un prolétariat, voire un lumpenproletariat (Hitler en sortit), à qui des charlatans promettaient l’émancipation sociale et où, en attendant un Grand Soir qui n’est toujours pas venu, on recrutait les domestiques qui permettaient aux classes sociales plus élevées de se livrer aux travaux de l’esprit, quels qu’ils soient. Il est aujourd’hui difficile d’imaginer l’existence quotidienne de Zweig, qui pouvait écrire toute la journée et tous les jours (ce qui explique en partie le caractère profus de son œuvre) sans jamais se soucier de l’intendance, du ménage, des repas, etc.

Nu & continu, Textes et illustrations : Christoph Bruneel & José Vandenbrouke (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Mardi, 14 Octobre 2025. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Arts

Nu & continu, Textes et illustrations : Christoph Bruneel & José Vandenbrouke Editions de l’Âne qui butine - 1er juillet 2025, 166 pages, 22 Euros

 

Après Pubers, pietenpakkers, Pubères, putains de Jean-Pierre Verheggen, Quand le merle blanc d’Anne Letoré, Quemhrf en manège de Christoph Bruneel,  Moby Dark de Jacques Cauda, ouvrages hors normes édités chez L’Âne qui butine, recensés dans La Cause Littéraire, voici NU&continu (sic), de Christoph Bruneel et José Vandenbroucke publié chez le même éditeur butineur aux grandes oreilles.

Sont-ce braiements d’ongulés que les auteurs déclinent poétiquement et prolifiquement sur plus de cent trente pages ?

On peut l’admettre, sous condition de vouloir bien reconnaître que les ânes ne sont pas des ânes, mais des êtres doués de la remarquable faculté de percevoir avec acuité, tout en butinant le pissenlit dans leurs pâtures, la folle sarabande des paysages et le délirant tournicotis de l’agitation humaine.

Le bastion des larmes, Abdellah Taïa (par Abdelmajid Baroudi)

Ecrit par Abdelmajid Baroudi , le Mardi, 14 Octobre 2025. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Maghreb, Julliard

Le bastion des larmes, Abdellah Taïa Editions Julliard, Paris 2024 . Ecrivain(s): Abdellah Taïa Edition: Julliard

 

Le bastion des larmes est une vengeance. L’auteur remue la plume dans la plaie afin de se venger d’une souffrance dont le corps est le seul témoin. Comment oublier ce que la chair a subi ? La cicatrice est indélébile.  Se venger, c’est acheter le silence de la doxa. Donne-leur de l’argent, tu vas sûrement éviter leurs médisances. C’est donc le matériel qui détermine leur conscience, le reste n’est que pure hypocrisie. Qui a dit que la justice est faite pour les faibles ?  Nous ne sommes pas toutes et tous égaux devant la loi, car être homosexuel dans une société où la religion et le pouvoir politiques sont complices est anormal et contre-nature. La liberté individuelle, vous dites ? Allez vendre ce discours aux mécréants. Seules les sœurs comprennent ce que veut dire efféminé.

Dans Le bastion des larmes, les narrations s’écrivent en larmes.  Des larmes qui font mal au défunt. Plus on pleure, plus le corps brûle dans l’au-delà. Et puis, il y a des larmes qui réparent. Elles confirment le lien sacré avec celle qu’on aime, en l’occurrence la mère.

Tribut pour un homme libre, Jean-Paul Michel (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 14 Octobre 2025. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Tribut pour un homme libre, Jean-Paul Michel, frontispice, Jacques Le Scanff, éd. fario, 80 p., 2025, 15 €

L’écriture, l’écrivain

Qu’est-ce que la littérature ? Quel est le rapport de l’écrivain à l’image ? Quelle est sa relation à l’archive, à la durée ? Quel regard l’auteur jette sur lui-même à travers son travail ? Que produit-il ? À mon sens, par exemple, Proust est écrit par la Recherche, plus qu’il ne l’écrit. En tout cas, le livre de Jean-Paul Michel convient à cette définition : il est le corps historique de son écriture. Il réfléchit a posteriori sur ce qu’il a noté il y a 20 ans, notamment à Rome ou à Florence. Au début du XXIème siècle.

Et l’ouvrage ouvre sur la trace écrite d’un voyage, où J.-P. Michel cherche l’éclat (comme le préconise Jean-Marie Pontévia au sujet de la peinture). Cette littérature est donc « traversante », elle passe au milieu d’elle-même comme une marque, une empreinte entêtante, capiteuse. Elle cerne le mystère de la peinture grâce à un vocabulaire de géomètre, presque scientifiquement. Et de là s’engage le rythme, la prosodie.