La maison de Jakub
« Mon cher généralissime, Hartmann bouillonne comme bouillonnait Boris, – des sons et des idées sont suspendus en l’air, je suis en train de les absorber et tout cela déborde, et je peux à peine griffonner sur le papier ; je suis en train d’écrire le n°4. Les transitions sont bonnes (la promenade). Je veux travailler plus rapidement et de manière plus sûre. Mes états d’âme peuvent être perçus durant les interludes. Jusqu’à présent, je pense que c’est bien tourné… » (Lettre de Moussorgski à Stassov en juin 1874, durant la composition des Tableaux d’une exposition).
Un recueil est tout à la fois un faisceau de textes, un lieu de refuge et, par translation sémantique, l’occasion d’un recueillement, d’une plongée en soi, un soi qui ne serait pas seulement le point nodal d’une subjectivité restreinte, mais le centre de gravité d’un peuple disparu, celui d’une Europe à peine remise de ses traumatismes, orpheline de ses Juifs d’avant-guerre et pourtant riche de réminiscences, d’œuvres et de témoignages qui la font sempiternellement revivre après toutes ses morts. « Grâce à l’art, au lieu de voir un seul monde, le nôtre, nous le voyons se multiplier, et autant qu’il y a d’artistes originaux, autant nous avons de mondes à notre disposition » disait fort justement Marcel, dans son Temps retrouvé.