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Les Chroniques

Prix de la Vocation 2018, les livres en lice (1) : Nage libre, Boris Bergmann et Les Nougats, Paul Béhergé, par Sylvie Ferrando

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Mercredi, 12 Septembre 2018. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

 

Nage libre, Boris Bergmann, Calmann-Lévy, janvier 2018, 308 pages, 18,90 €

 

Il était une fois Issa, jeune Français malien d’origine, qui habitait la Zone et qui venait de rater son bac. Issa se sent illégitime, ne pas appartenir au groupe, quel qu’il soit. Issa veut sortir du syndrome de l’échec des « fils de Zone » mais n’y parvient pas. Issa est arrivé en France à l’âge de 7 ans, à la « Cité du Parc », au « Bâtiment B, escalier 2, 3eétage, apt 24C. Son équation sans inconnue ».

Il était une fois Elie, le seul et meilleur ami d’Issa, un jeune juif dont la mère était battue par un beau-père cruel, et qui lui aussi venait d’échouer au baccalauréat. Une histoire sombre de banlieue, de losers, de violence et de maltraitance.

Échos d’étreintes sauvages, Nasser-Edine Boucheqif (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 10 Septembre 2018. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Échos d’étreintes sauvages, Nasser-Edine Boucheqif, éditions Polyglotte, 2018, 20 €

 

Hic et nunc

Pour aborder ce gros recueil de poésie de l’écrivain et éditeur Nasser-Edine Boucheqif, il faut tout de suite évoquer la morphologie de l’ouvrage. Car, sans savoir avec précision si le livre a été écrit tous les jours d’une année bissextile, à chaque poème correspond une date du calendrier, un poème chaque jour sans exception, ce qui laisse entrevoir une remarquable ténacité – sachant qu’écrire un poème journellement durant une année civile est un tour de force. D’autre part, le cours de ces poèmes est agencé selon quatre chapitres – dépeints sous le nom de « géopoétique » – qui renvoient à chaque trimestre, et plus concrètement aux quatre saisons qui jouent sur les couleurs et les impressions du poète, ce qui me permet de considérer comme avérée mon idée d’un poème quotidien. Donc, cette poésie saisit la Loire et la nature environnante, marquées bel et bien par les éléments climatiques du pays angevin.

Une nouvelle édition des Misérables dans La Pléiade : un événement (1 sur 2), par Matthieu Gosztola

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 07 Septembre 2018. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

 

Les MisérablesVictor Hugo, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, n°85, février 2018, édition Henri Scepi, Dominique Moncond’huy, 1824 pages, 65 € (prix de lancement jusqu’au 30 juin 2018)

 

En octobre 1839, Hugo visite le bagne de Toulon et note peu de temps après cette phrase parmi d’autres qui seront prêtées à Mgr Myriel : « Je suis en ce monde non pour garder ma vie mais pour garder les âmes » [1]. En février 1846, alors qu’il se rend à la Chambre des pairs, l’auteur de Claude Gueux croise un homme « pâle, maigre, hagard », accusé d’avoir volé un pain, et accompagné en conséquence de deux soldats. Aussitôt, la scène se fait image, et le profil de l’homme accablé « se dote d’une lisibilité inédite », pour reprendre la formulation d’Henri Scepi dans sa passionnante préface. « Cet homme n’était plus pour moi un homme, écrit Hugo, c’était le spectre de la misère, c’était l’apparition, difforme, lugubre, en plein jour, en plein soleil, d’une révolution encore plongée dans les ténèbres, mais qui vient » (Choses vues, souvenirs, journaux, cahiers [2]).

À propos de Une journée d’automne, William Stegner, par Yasmina Mahdi

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 07 Septembre 2018. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Une journée d’automne, William Stegner, Gallmeister, septembre 2018, trad. américain Françoise Torchiana, 160 pages, 7,60 €

 

 

Souvenirs de l’Ouest

Le titre original du premier roman de William Stegner (1909-1993), inédit en France, Remembering Laughter, datant de 1937, traduit par Françoise Torchiana comme Une journée d’automne, pourrait également s’intituler Rires perdus. Dès le prologue, je retrouve l’univers de l’Ouest américain cher à William Stegner, la rudesse de ses éléments – soleil brûlant, sécheresse, poussière, labeur des moissons, et vieillesse avant l’heure. Quelque chose reflue, entre la joie et le chagrin, le temps qui passe. Il s’agit aussi d’infiltration d’un monde autre qui pénètre un monde séculaire, figé depuis des décennies, mais possédant néanmoins une origine européenne commune.

Souviens-toi de nos enfants, Samuel Sandler (avec Émilie Lanez), par Gilles Banderier

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 06 Septembre 2018. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Souviens-toi de nos enfants, Samuel Sandler (avec Émilie Lanez), Grasset, mars 2018, 126 pages, 14 €

 

Ingénieur aéronautique, Samuel Sandler n’avait pas vocation à écrire des livres et surtout pas ce livre-là. Mais il arrive un moment où il faut savoir rompre le silence et briser l’oubli. Le patronyme de Sandler est entré brutalement dans l’actualité le 19 mars 2012, lorsque Jonathan Sandler et ses deux fils, Arié et Gabriel, furent exécutés (il n’y a pas d’autre verbe qui corresponde aux faits) devant une école de Toulouse, par un mystérieux individu juché sur un scooter. Cet individu, Samuel Sandler refuse de le nommer, mais chacun sait de qui il s’agit. Quelques jours plus tôt, ce lâche avait également exécuté des militaires, désarmés, cela va de soi. Puis, notre intrépide soldat du Prophète, soucieux de mériter les soixante-dix ou soixante-douze vierges que sa religion lui a promises au bout de sa route, et n’écoutant que son courage, dirigea sa haine des Juifs et de la France contre l’école Ozar Hatorah de Toulouse. Outre Jonathan Sandler et ses fils, le viril et valeureux héros de l’islam (religion de paix et de tolérance, comme l’actualité le montre régulièrement), abattit encore une petite fille de neuf ans, Myriam Monsonego, qui avait fui moins vite que les autres car elle avait voulu récupérer le cartable contenant ses chaussons de danse.