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Les Chroniques

Le Plein Silence, Marion Muller-Colard (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Vendredi, 12 Octobre 2018. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Le Plein Silence, Marion Muller-Colard, Editions Labor et Fides (Genève), mars 2018, Aquarelles de Francine Carrillo, 88 pages, 16 €

 

Tout ici, dans ce recueil, est fin, utile et juste :

 

« Dans le silence et la douce ivresse du jeûne

il semble que ma vie

petit hérisson farouche

que je n’avais plus vu apparaître depuis si longtemps

trottine gaiement vers moi

et c’est une fête de retrouvailles » (p.46)

Les Mirages de la certitude, Essai sur la problématique corps/esprit, Siri Hustvedt (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 11 Octobre 2018. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Les Mirages de la certitude, Essai sur la problématique corps/esprit, Siri Hustvedt, Actes-Sud, mars 2018, trad. anglais (USA) Christine Le Bœuf, 408 pages, 23,50 €

 

À plusieurs reprises, George Steiner a constaté – pour le déplorer – que les écrivains composaient leurs œuvres sans le moins du monde tenir compte des avancées scientifiques considérables accomplies au cours des dernières décennies : « Aujourd’hui, la grande aventure de l’âme, ce sont les sciences qui se trouvent placées devant les trois portes – ne disons pas ultimes mais phénoménales : réussir à créer de la vie humaine complètement in vitro, et à la cloner ; comprendre ce qu’est le moi, la conscience […] ; découvrir les limites de l’univers en déterminant quand a commencé le temps (les recherches comme celles de Stephen Hawking). Devant de telles questions, que voulez-vous, j’éprouve un certain ennui à lire un roman sur le thème d’un adultère à Neuilly. Les écrivains de nos belles-lettres ne veulent pas suer un peu, faire le boulot pour avoir une approche, même la plus rudimentaire, de l’univers de l’imagination dans les sciences et de cette poétique de l’énergie pure qu’on y trouve » (Le Monde de l’éducation, décembre 1999, p.19a-b ; repris dans Pierre Boncenne, Faites comme si je n’avais rien dit, Le Seuil, 2003, p.537-538).

Mordre l’essentiel, Christophe Esnault (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Jeudi, 11 Octobre 2018. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Mordre l’essentiel, Christophe Esnault, Tinbad-Poésie, mai 2018, 332 pages, 26 €

Dans la vie après tout, tout n’est-il pas question de syntaxe (désaxée, normative ou transgressée) et de style ? Avec le don, ou pas, d’une voix singulière. Nous en avons une ici, la voix singulière de Christophe Esnault. Étonnante, décalée, pour la meilleure envergure. Amplifiée par ses ratures, pour « rater encore » ; augmentée par ses vomissures ; ses raclures où morfler, renifler / expectorer (plus que respirer, « respirer, c’est déjà cautionner un système »).

« Ce que vous avez pris pour mes œuvres, écrivait Artaud, n’étaient que les déchets de moi-même, ces raclures de l’âme que l’homme normal n’accueille pas ». Nous y sommes.

Quand le lecteur recevra ce livre il y replongera, forcément, pour « rater mieux » sa vie ordinaire. Y reviendra, se retournera tous ses sens déréglés, biffera peut-être l’ambition secrète de devenir un jour « un écrivain » si ce n’était qu’écrivain « raté ordinaire » ou reverra sa posture en crevant la baudruche de ses illusions. Les autres souriront de découvrir, dans le style de Christophe Esnault, l’invisible d’évidences tues au quotidien surgir ici la tête de l’eau, une succession de situations absurdes nommée Vivre, une « altérité du ratage. Ou l’inverse ».

Peaux d’écriture (3) Une marqueterie intérieure (par Nathalie de Courson)

Ecrit par Nathalie de Courson , le Mercredi, 10 Octobre 2018. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

A propos d’Eclat du fragment de Bai Chuan (L’Amourier, 2002, 13 €)

Quelle peau d’écriture se fabrique un écorché ? Comment une effraction physique s’inscrit-elle dans la chair des mots ? Quel contenant donner à des lambeaux ? Des écrivains aussi divers qu’Antonin Artaud, Primo Levi, Paul Celan, et plus récemment Philippe Lançon apportent chacun à ces questions leur réponse particulière. L’originalité d’Eclat du fragment tient à ce que son auteur, Bai Chuan, s’efforce d’enduire soigneusement son texte d’une laque qu’il s’emploie simultanément à faire sauter.

Victime dans son adolescence d’un viol, Bai Chuan ne nous l’apprend que dans le dernier quart de ce livre qui, disons-le tout de suite, n’appartient en rien à la littérature de témoignage. Bai Chuan est le pseudonyme dont s’enveloppe un auteur qui écrit en français, vit à Taiwan, et tient à donner à ce petit livre de 72 pages un contenant solide en l’inscrivant dans un genre littéraire chinois, le « sanwen », ensemble de proses brèves d’une composition très libre et à la croisée des genres : essais « à sauts et gambades », souvenirs de famille, portraits, impressions, récits de voyages. L’éclat du fragment, c’est donc d’abord la mise en valeur de la beauté rayonnante des formes brèves chinoises.

À propos de Symptômes, Lectures transversales de l’art contemporain, Éric Suchère (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Lundi, 08 Octobre 2018. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Symptômes, Lectures transversales de l’art contemporain, Éric Suchère, L’Atelier contemporain, septembre 2018, 168 pages, 20 €

Notes légères

La bonne maison d’édition L’Atelier contemporain publie l’ouvrage récent d’Éric Suchère, intitulé Symptômes, Lectures transversales de l’art contemporain accompagné de photographies de qualité. Éric Suchère aborde des définitions de l’art dit contemporain, en pointant ses manifestations tautologiques. Mais la tautologie n’est-elle pas un des aspects de l’art, de ses fables et de ses affabulations ? Sachant que tout art est affabulation, toute forme d’art, qu’il soit figuratif, abstrait ou performatif, constitue une fable, un prélèvement subjectif du réel, une reconfiguration narrative (même si elle parle pour elle-même). L’auteur introduit en rappel l’importance des mouvements de mode, se référant en cela à Georg Simmel (1858-1918), célèbre penseur de l’interdisciplinarité des formes sociales. Ou pour le dire autrement, la prééminence du hic et nunc qui gomme l’Histoire et l’avenir, dans un va-et-vient de nécessité du changement permanent [qui] implique que la mode s’épargne en réactualisant sans cesse ce qui est déjà passé de mode – et, en cela, la mode perd son rapport de pertinence avec le présent, avec le temps. Un ruban de Moebius…