Dans la vie après tout, tout n’est-il pas question de syntaxe (désaxée, normative ou transgressée) et de style ? Avec le don, ou pas, d’une voix singulière. Nous en avons une ici, la voix singulière de Christophe Esnault. Étonnante, décalée, pour la meilleure envergure. Amplifiée par ses ratures, pour « rater encore » ; augmentée par ses vomissures ; ses raclures où morfler, renifler / expectorer (plus que respirer, « respirer, c’est déjà cautionner un système »).
« Ce que vous avez pris pour mes œuvres, écrivait Artaud, n’étaient que les déchets de moi-même, ces raclures de l’âme que l’homme normal n’accueille pas ». Nous y sommes.
Quand le lecteur recevra ce livre il y replongera, forcément, pour « rater mieux » sa vie ordinaire. Y reviendra, se retournera tous ses sens déréglés, biffera peut-être l’ambition secrète de devenir un jour « un écrivain » si ce n’était qu’écrivain « raté ordinaire » ou reverra sa posture en crevant la baudruche de ses illusions. Les autres souriront de découvrir, dans le style de Christophe Esnault, l’invisible d’évidences tues au quotidien surgir ici la tête de l’eau, une succession de situations absurdes nommée Vivre, une « altérité du ratage. Ou l’inverse ».