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Les Chroniques

À propos de La signature du temps, poèmes, Annie Dana, par Michel Host

Ecrit par Michel Host , le Jeudi, 15 Mars 2018. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

La signature du temps, poèmes, Annie Dana, Editions Vincent Rougier, Coll. Plis Urgents 47, septembre 2017, 48 pages, 13 €

De temps en temps

 

« en cette fin d’été / j’apprenais à résister à l’automne / pas à pas / édifiant la fable / d’un temps figé / où les heure ne seraient qu’une feinte de l’horloge », A.D.

« Ils sont légions / les intervalles / entre les instants / gorgés / de fragments de verbe », A.D.

 

Le temps est matière subtile ou très lourde, fugace ou pesante. Plomb ou vapeur, brume ou lumière crue. En langue française, il s’écoule, mais on ne voit pas le lit de son fleuve, on oublie de sauter dans ses eaux peut-être pas si héraclitéennes qu’on le penserait et auxquelles il advient de retrouver l’amont des souvenirs, des regrets… :

« J’ai cru aimer à en mourir / et me suis surprise vivante / Arpentant avec amertume / le pont chevauchant la Seine / d’où j’ai oublié de sauter ».

L’Autre, par Kamel Daoud

Ecrit par Kamel Daoud , le Mercredi, 14 Mars 2018. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

L’Autre, j’en ressentais le creux, la trace creuse en moi, le besoin de me mouvoir vers lui, la calcination quand il me brûla ou l’endroit endolori par son arrachement. Brusquement, je me suis senti en déséquilibre, sans l’autre, un peu chancelant dans mon humanité, bref et sans direction dans l’espace quand ce n’est pas une direction vers un visage, tournant dans l’affolement ou en orbite autour d’une énigme. L’Autre n’était pas ma moitié mais mon véritable moi. J’y allais dans toutes les directions, j’y venais, j’en revenais. Tout s’expliquait par mes gestes vers ce centre inachevé quand il n’est pas totalement voulu. Le désir, l’offrande faite au ciel, le sacrifice, l’invention du feu pour deux mains et pas pour une seule, la sexualité qui en était le cri et l’art qui en est le soupir, ou le sens de toutes les rivières du monde qui en sont la confession, la narration, le récit qui vient et s’en va.

À propos de Conversation avec le torrent, Henry Bauchau, par Didier Ayres

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 12 Mars 2018. , dans Les Chroniques, La Une CED

Conversation avec le torrent, Henry Bauchau, Actes Sud, février 2018, 288 pages, 23 €

 

 

Un journal de l’âme ou de L’Être

Il y a le beau titre du roman de Joyce, Portrait de l’artiste en jeune homme, qui conviendrait parfaitement à l’émotion que j’ai ressentie à la lecture du premier tome du Journal d’Henry Bauchau (lequel compte pour finir 3000 pages et s’arc-boute sur la vie entière de l’auteur). Car c’est bien ce sentiment qui s’est installé en moi au fur et à mesure, en voyant comment s’instaure la création artistique en une vie d’homme – qui par ce détour devient artiste. Je dis cela d’autant que ce n’est pas tout à fait un jeune homme qui écrit ce journal, mais un homme mûr, qui va devenir psychanalyste et qui doit se débattre comme tout adulte avec les difficultés matérielles inhérentes justement à ce choix de la vie d’artiste – mais est-ce un choix délibéré ou un destin ? je n’ai pas la réponse.

André Velter : trois livres, par Philippe Chauché

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 09 Mars 2018. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

Les Solitudes, André Velter, Gallimard, octobre 2017, 176 pages, 18 €

N’Importe où, André Velter, Le Castor Astral, novembre 2017, Livre récital avec Jean-Luc Debattice, Philippe Leygnac, dessins Ernest Pignon-Ernest, 128 pages, 18 €

Nu(e) 64, André Velter, septembre 2017, 20 €

 

« Dérivons lentement dans un rayon de lune

Jusqu’au cœur de l’étang

Avant de partir pour une autre dérive

En trinquant,

Ivres de notre vin et du parfum des fleurs »

(Dérive, L’ivresse des immortels, Les Solitudes)

Mohammed Khaïr-Eddine, le poète médusé, par Mustapha Saha

Ecrit par Mustapha Saha , le Vendredi, 09 Mars 2018. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

Mohammed Khaïr-Eddine, foudroyé par la camarde en pleine force de l’âge, traverse la littérature comme une étoile filante, emportant, dans son auto-consumation flamboyante, ses révoltes épidermiques, ses transgressions pathologiques, ses arborescences stylistiques. L’éternel adolescent atrabilaire taille très tôt, à coups de néologismes ravageurs, sa statue d’enfant terrible, cuirassé dans la carapace d’arthropode, cerné d’indomptables antipodes, halluciné de tragiques apodes. De métamorphose en métempsychose, l’ombre de Kafka veille sur son écritoire. La nausée s’éclabousse en échappatoire. Entre verve accusatoire et sentence abrogatoire, la stance, infusée d’oralité prosaïque, multiplie semonces et réquisitoires. Les rafales de mots, dissociés de leur structure sémique, médusent la critique. Le sens s’engloutit dans la bétoire anaphorique. La plume injecte sa glaire polychrome dans l’incandescente blessure butinée par des abeilles sauvages. La cruauté se constelle dans l’entrechoc des syntagmes. Les paradoxes s’étouffent dans le diaphragme. L’indéfinissable souffrance se dénaturalise dans la vocalise. Les sinuosités significatives s’entremêlent jusqu’à l’électrocution libératrice. Une écriture parodique, taraudée par l’oubli, allergique aux prérogatives établies, destructrice des paradigmes prosodiques. L’insubordination systématique s’idéalise.