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Les Chroniques

À propos de Des dalles posées sur rien, Stéphane Sangral, par Didier Ayres

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 27 Novembre 2017. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

Des dalles posées sur rien, Stéphane Sangral, Galilée, octobre 2017, 208 pages, 17 €

 

Écrire en boucle

Avant d’en venir aux propos liés au dernier livre de Stéphane Sangral, je voudrais faire une réflexion au sujet de la différence entre la poésie et la philosophie. Cette dernière, œuvre en faisant système, quand la première cherche une langue. C’est pour cela que je fais balancer Des dalles posées sur rien du côté de la langue poétique – même si au détour du livre, surtout vers la fin, on est affronté à la création de concepts, plus propres ceux-ci du domaine de la philosophie, notamment en rapport avec Hegel ou la philosophie matérialiste. D’ailleurs, pour ma part, je considère Heidegger ou Nietzsche presque plus comme des poètes que comme des philosophes, car moins attachés au régime mystérieux et minutieux d’un système, qu’à rendre le monde poétiquement – et l’on sait l’attachement d’Heidegger, par exemple, à Hölderlin.

L’école coranique, une bombe à retardement !, par Amin Zaoui

Ecrit par Amin Zaoui , le Vendredi, 24 Novembre 2017. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

Chez nous, comme partout dans les pays musulmans et dont la société est islamisée, la réconciliation avec la modernité, l’adhésion à l’ère du temps, le respect de la raison commencent, d’abord, par une profonde et courageuse réforme de l’école coranique. Une école discrète mais décisive ! Oubliée mais hautement réveillée ! Marginalisée mais efficace !

Les écoles coraniques ne sont pas naïves, ni innocentes d’ailleurs. Elles sont directement ou indirectement le nid propice des partis salafistes et l’oxygène favori des frères musulmans. Les partis islamistes misent beaucoup sur cette institution pédagogique avec son idéologie stricte et précoce. Pour avancer dans la réforme politique ou pédagogique, il faut revoir, et avec courage, les programmes, les méthodes et les sources de financement de ces écoles et des associations qui sont derrière. L’Histoire nous a appris que le nazisme se basait sur tout un programme spécial destiné aux enfants, qui ensuite deviendront les durs soldats défenseurs des idées nazies.

A propos de Ainsi parlait (Thus spoke), H. D. Thoreau, par Didier Smal

Ecrit par Didier Smal , le Jeudi, 23 Novembre 2017. , dans Les Chroniques, La Une CED

Ainsi parlait (Thus spoke), H. D. Thoreau, Arfuyen, septembre 2017, trad. anglais (USA) Thierry Gillybœuf, 184 pages, 14 €

« Selon moi, une sorte de liberté est perdue pour toujours ou pour longtemps. C’est la liberté qui vient de la capacité à posséder son propre élément. Le poisson possède le sien, de même que l’oiseau et que l’animal terrestre. Thoreau avait encore la forêt de Walden – mais où est maintenant la forêt où l’être humain puisse prouver qu’il est possible de vivre en liberté en dehors des formes figées de la société ? »

C’est sur cette question terrible que se conclut l’ultime écrit de Stig Dagerman (1923-1954), ce bref texte comme une déchirure dans les illusions, cette injonction à trouver un sens à la vie loin de toute « fausse consolation », ce Notre besoin de consolation est impossible à rassasier (1955) qui remue les tripes comme peu de textes en sont capables, provoquant une douleur, un désespoir d’une beauté fractale infinie dont jaillit une force existentielle faisant mentir la modernité. A cette question, Dagerman répond d’un lapidaire « nulle part », puis laisse entendre que cet « élément » est peut-être à trouver en nous désormais que le monde est quadrillé, désormais que la nature est soumise en apparence (mais prend des revanches dignes de la mythologie, biblique, grecque, aztèque ou autre) – désormais que le rapport unifiant à cette nature semble perdu.

A propos de Entre deux mondes, Olivier Norek, par Mélanie Talcott

Ecrit par Mélanie Talcott , le Mardi, 21 Novembre 2017. , dans Les Chroniques, La Une CED

Entre deux mondes, Olivier Norek, Michel Lafon, octobre 2017, 416 pages, 19,95 €

 

Là-bas, ça pue le sang, les coups, la torture, le meurtre, le viol, la putréfaction des corps abandonnés à même le sol. Une terreur cataleptique fait de vous une victime, un bourreau ou encore un collaborateur. Les machettes anatomisent, les balles déchiquètent, les bombes pulvérisent. La folie porte le masque de la mort.

Ici, ça pue la pisse, la merde, les ordures qui croupissent, « le bois humide brûlé ». Machettes, barres de fer, armes à feux, mains qui étranglent. Une peur insidieuse vous tient aux aguets, la nuit comme le jour. Celle de se faire bouffer par la teigne, la malaria, la gale et autres saloperies refilées par les rats et les chiens errants, celle de se faire voler, celle de se faire violer, celle de se faire kidnapper, celle de se faire tuer et la moindre, celle de se faire prendre par les forces de l’ordre, police calaisienne, CRS, gendarmerie, douaniers. Ici aussi, la vie ne vaut rien. Ou si peu. Les mafias claniques y veillent, bien qu’elles doivent composer avec d’autres nouvellement rapportées dont l’albanaise qui dispute à l’afghane « le marché des passeurs» vers l’Angleterre.

A propos de Dé-coïncidence, D’où viennent l’art et l’existence ?, François Jullien, par Fedwa Bouzit

Ecrit par Fedwa Ghanima Bouzit , le Vendredi, 17 Novembre 2017. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

 

Dé-coïncidence, D’où viennent l’art et l’existence ?, François Jullien, Grasset, septembre 2017, 162 pages, 16,50 €

 

La dé-coïncidence, c’est cette fissuration avec soi et avec le monde, c’est cette désadaptation qui ouvre sur l’inaliénable ambiguïté de l’existence. En cela, elle crée un malaise, car elle nous positionne en dehors et nous laisse orphelins de toute attache, de toute stabilité, de toute assurance. C’est ainsi qu’au moment d’un succès tant attendu, on se sent déjà propulsé hors de lui, de nouveau insatisfait et inaccompli. Lorsqu’on regarde du côté de son amoureux ou de son ami et que les regards ne coïncident plus, que le langage secret qui unissait deux personnes est désappris et que l’on retourne à l’étrangeté de l’autre.