La poésie de Werner Lambersy est chant épique. Résistance et tentative de sauvegarder le « chant perdu ». Comment continuer de recharger la force de frappe poétique des mots ? Le chant augural, fondateur, ouvrait des perspectives de lignes hautes où l’horizon s’offrait dans le champ infini des possibles. Mais à présent que « l’épopée est morte » et que « nous ne sommes plus à la hauteur » de nous hisser à la grandeur terrible et splendide de dieux et de défis qui nous transcendaient, où allons-nous puiser « la dimension d’âme nécessaire » à la réalisation des exploits (littéralement « hauts faits ») qui devraient pour la motiver animer nos existences d’errants voyageurs en quête d’un Graal authentique, audacieux, courageux, opiniâtrement recherché ? La poésie de Werner Lambersy, vaste chant épique déroulé en une bibliothèque vivante, nous console en nous apportant la preuve par les mots que l’épopée, si elle se meurt, n’est pas tout à fait morte. Comme Ulysse revint vers Ithaque recommencer l’ambitieuse volonté des départs, le poète déroule et reformule incessamment la lumière du Verbe pour coudre, de sa tisserande parole poétique, le métier de vivre ; d’écrire ; d’exister. Écrire l’acmé de l’écume depuis les Lignes de fond, leurs lames, jusqu’aux crêtes du vertige et des ressacs renouvelés dans chaque retour, tel est le défi incessamment porté par le poète. Mais encore faut-il, pour que le retour en éternel recommencement s’exécute, que l’aller veuille s’amorcer, que les Hommes désirent retrouver l’élan des quêtes audacieuses et ambitieuses, humanistes.