Identification

Stéphane Sangral - Le Je d’un poète… (par Claire-Neige Jaunet)

Ecrit par Claire-Neige Jaunet le 21.01.19 dans La Une CED, Les Chroniques

Stéphane Sangral - Le Je d’un poète… (par Claire-Neige Jaunet)

 

C’est un Je interrogateur qui se met à l’œuvre dans chaque recueil de Stéphane Sangral. Un Jequi questionne et le monde et le moi, tout ce qui fait la dimension de l’univers où nous nous trouvons : nos émotions, notre pensée, ce que nous rêvons, ce que nous voyons et ce que nous entendons, ce que nous ne comprenons pas et que nous essayons d’ordonner pour échapper au non-sens. Le Je suis rencontre alors le Néant, le Rien, le Tout, le Temps, la Mort. La métaphore de la nuit, ou du labyrinthe, et parfois des nuages ou de la brume, disent la difficulté à démêler le chaos confus de la vie, tissé d’oppositions et de concomitances secrètes. La conscience s’aventure dans des itinéraires qui tracent des chemins en boucles ; seules les déclinaisons du cercle peuvent rendre compte du vertige qui saisit l’esprit explorant les filiations cachées et les impasses de la réflexion, des impasses en forme de béances sur l’infini des possibles.

Pour entrer au plus profond de cette recherche, en questionner l’outil, c’est-à-dire le langage et le texte, devient indispensable. Le recueil Circonvolutions (soixante-dix variations autour d’elles-mêmes) s’y consacre tout entier. Cependant c’est toute l’écriture de Stéphane Sangral qui en rend en compte dans chacune de ses œuvres. Les codes usuels sont bousculés (statut de la phrase, du mot, de la versification) pour pousser la langue jusqu’à ses limites et faire apparaître des liens informulés auparavant. Chiffres et mots peuvent se mêler pour suggérer une expression nouvelle. La sonorité participe pleinement à l’expression : échos, reprises, viennent rythmer et réorienter le message, et parfois un mot en dévoile un autre pourvu qu’on sache l’entendre : « sens / sang », « né en / néant »… Le non-verbal vient relayer la parole pour ouvrir d’autres chemins ; l’image quelquefois, mais le plus souvent les ressources visuelles de l’écriture. Les jeux de caractères typographiques, les signes (linguistiques ou mathématiques), la rature ou la biffure, les espaces et même la page blanche, se chargent soudain  de signification, et permettent de faire entendre plusieurs textes en un seul, à l’image de cet univers surchargé de présences – et pourtant saturé d’absence.

Où est l’objet, où est le sujet, qui est l’objet et qui est le sujet… La poésie de Stéphane Sangral nous introduit dans ce doute existentiel porteur d’angoisse ; mais le temps de la lecture, comme celui de l’écriture, nous rend momentanément maîtres de nous-mêmes.

 

Claire-Neige Jaunet

 


  • Vu: 1513

A propos du rédacteur

Claire-Neige Jaunet

 

Claire-Neige Jaunet écrit régulièrement des chroniques de poésie pour Mobilis (pôle régional de coopération des acteurs du livre et de la lecture en Pays de la Loire).