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Les Livres

Portraits d’insectes, Jean-Henri Fabre

Ecrit par Philippe Chauché , le Lundi, 29 Mai 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Arts, Anthologie, Le Castor Astral

Portraits d’insectes, mai 2017, Edition présentée par Philippe Galanopoulos, Dessins de Pierre Zanzucchi, 14 € . Ecrivain(s): Jean-Henri Fabre Edition: Le Castor Astral

 

« Que de fois aux dernières lueurs du soir, ne m’arrive-t-il pas de le rencontrer lorsque, faisant la chasse aux idées, j’erre au hasard dans le jardin ! Quelque chose fuit, roule en culbutes devant mes pas. Est-ce une feuille morte déplacée par le vent ? Non, c’est le mignon Crapaud que je viens de troubler dans son pèlerinage ».

Merveille des merveilles, plaisir absolu de relire ces portraits d’insectes de Jean-Henri Fabre, le poète scientifique, l’entomologiste du roman de la nature, le génie de l’observation, du détail, l’homme qui se penche dans son jardin de l’Harmas à Sérignan-du-Comtat et voit tout, tout un univers en mouvement permanent, comme sa pensée qui virevolte telle une abeille. Dans sa préface éclairante, Philippe Galanopoulos note : « Fabre conserve (au contraire) le plaisir d’écrire et fait du style une marque de distinction. Il ne se soumet pas à l’orthodoxie du siècle : jamais il n’oppose la littérature à la science ». Jean-Henri Fabre a bouleversé la science, l’observation, et son style, sa manière, cette matière vivante, a passionné ses lecteurs depuis leur première édition en 1879, les scientifiques du monde entier, les lettrés et les écrivains – Victor Hugo, Remy de Gourmont, Maurice Maeterlinck, mais aussi André Breton et Roger Caillois sans oublier le subtil Gilles Deleuze, et Edmond Rostand : « Ce grand savant pense en philosophe, voit en artiste, sent et s’exprime en poète ».

Lénine 1917, Le train de la révolution, Catherine Merridale

Ecrit par Gilles Brancati , le Lundi, 29 Mai 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Histoire, Payot

Lénine 1917, Le train de la révolution, mars 2017, trad. anglais Françoise Bouillot, 280 pages, 24 € . Ecrivain(s): Catherine Merridale Edition: Payot

La première chose à dire sur ce livre est la richesse de sa documentation. Trente-huit pages de renvois vers d’autres œuvres attestent que ce récit historique fait partie des livres majeurs sur le sujet et que rien n’a été laissé au hasard. C’est bien une synthèse de ce qui a été écrit que Catherine Merridale nous propose.

Le train de la révolution est celui dans lequel Lénine a voyagé pour rentrer en Russie depuis la Suisse où il est en exil depuis 1905. Un long, un très long voyage à travers l’Allemagne, la Suède, la Finlande et son achèvement à Petrograd. Le révolutionnaire exilé, assez peu connu en Russie, n’a pas participé au début de la révolution populaire. Quand il revient en Russie, le Tsar a déjà abdiqué et un gouvernement provisoire a été constitué.

La ligne de fracture entre les deux camps – Mencheviks et Bolcheviks – est avant tout le maintien ou le retrait des troupes russes dans la guerre contre l’Allemagne. Ce qui veut dire que tous sont instrumentalisés par les puissances étrangères concernées. L’Allemagne a intérêt à ce qu’une paix séparée soit signée pour porter son effort de guerre sur le front de l’ouest, et les alliés veulent le contraire. De là à dire que les Allemands ont aidé Lénine, partisan de la paix, c’est une évidence. De là à dire qu’ils ont financé les bolcheviks, rien n’est vraiment avéré, mais probable.

La pitié ne coûte que dix gourdes, Edna Blaise

Ecrit par Marc Ossorguine , le Mercredi, 24 Mai 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles

La pitié ne coûte que dix gourdes, C3 éditions, 2016, 53 pages, 3,50 € (250 HTG) . Ecrivain(s): Edna Blaise

 

Depuis près de 100 ans l’île d’Haïti s’est révélée terre de haute littérature, bien au-delà des générations et des écoles. Poésie, roman, théâtre, contes ou nouvelles… les auteurs haïtiens, sans vraiment faire « école », sont présents quasiment dans tous les coins et recoins de la littérature. Haïti terre littéraire où écrire est la chose la plus partagée ? Visiblement oui. Mystère du climat, réponse aux souffrances imposées par la nature et l’histoire ? Sans doute un peu de tout cela.

En voilà une nouvelle preuve avec ces nouvelles d’une auteure de 23 ans qui publie ici son premier livre : Edna Blaise. Un volume aussi court (une cinquantaine de pages) que prometteur. En quatre nouvelles nous découvrons une ironie mêlée d’onirisme et d’une élégance cruelle qui fait mouche. Tout cela en nous parlant, mine de rien, de la réalité haïtienne. Dans Le résultat de mes tests, des symptômes qui pourraient être inquiétants révèlent la plus improbable des maladies. C’est l’impossibilité de se connaître et de se reconnaître qui est le fil du Rendez-vous, semblant nous dire que depuis janvier 2010, à Jacmel et ailleurs, il y a des fois où le présent rend le passé illisible. L’ironie s’y fait ici cruelle et troublante. Inquiétante même.

Douleur, Zeruya Shalev

Ecrit par Anne Morin , le Mardi, 23 Mai 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard, Israël

Douleur, février 2017, trad. hébreu Laurence Sendrowicz, 401 pages, 21 € . Ecrivain(s): Zeruya Shalev Edition: Gallimard

 

 

La douleur emplit ce magnifique roman sur le prix à payer, se propage, montre toutes ses facettes, jusqu’à s’incarner dans l’amour retrouvé d’Iris, trente ans après la séparation. Douleur du corps meurtri, douleur de la brèche, de l’impossible remise en situation, du temps qui passe, d’une partition qui refuse de se laisser jouer…

Douleur, c’est le nom qu’Iris donne à Ethan, son amour de jeunesse retrouvé, et pas seulement parce qu’il est médecin chef d’un centre antidouleur : « Elle repense à la robe rayée que portait la jeune joueuse d’échecs, de nouveau des éléments fortuits s’assemblent en une image provocatrice et menaçante, étrange comme des vies parallèles se heurtent soudain alors qu’elles n’auraient jamais dû se croiser, mais doit-elle vraiment y lire une menace ? » (p.119-120).

Milon de Crotone ou l’invention du sport, Jean-Manuel Roubineau

Ecrit par Jean Durry , le Mardi, 23 Mai 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Histoire, PUF

Milon de Crotone ou l’invention du sport, 359 pages, 22 € . Ecrivain(s): Jean-Manuel Roubineau Edition: PUF

 

Une biographie de Milon de Crotone ? S’y atteler ne manque pas de courage, étant entendu que « Milon en particulier, et les athlètes en général, n’[en]ont pas fait l’objet » dans l’Antiquité elle-même. Il fallait donc s’armer de patience et de la ténacité du chercheur pour réunir, confronter, commenter tous les textes disséminés des auteurs anciens ayant contribué à dresser son portrait en l’érigeant en symbole. De ce courage, Jean-Manuel Roubineau n’a certes pas manqué, ainsi qu’en témoignent les 763 notes érudites n’occupant à la fin du volume pas moins de 58 pages.

D’emblée, l’Introduction dessine les lignes essentielles. De celui qu’au début du 1er siècle après J.-C., Strabon, situé comme « le plus célèbre des athlètes », il n’existe plus en fait aucune représentation physique tant soit peu contemporaine et notamment plus la statue de l’Altis d’Olympie qui fut le support de Pausanias. Il n’empêche qu’il est devenu un archétype, repris chez Rabelais, Hugo, Alexandre Dumas – variantes modernes laissées volontairement de côté. D’une part, il correspond à l’émergence du « sport » tel qu’on l’entend de nos jours ; d’autre part, son personnage et sa mort tragique ont connu, suscité des interprétations contradictoires.