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Les Livres

Le tour du monde du roi Zibeline, Jean-Christophe Rufin

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Lundi, 22 Mai 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Le tour du monde du roi Zibeline, avril 2017, 384 pages, 20 € . Ecrivain(s): Jean-Christophe Rufin Edition: Gallimard

 

Auguste Benjowski est le roi Zibeline, étonnant roi de Madagascar marié à Aphanasie de Nilov, qui est reçu à Baltimore chez Benjamin Franklin pour lui demander d’affrêter un bateau à destination de l’île malgache, en vue d’initier des échanges commerciaux avec l’Amérique. Tel est le point de départ de ce récit de voyage qui prend place au siècle des Lumières et de l’Encyclopédie, de sorte que le lecteur hésite entre une réécriture des philosophes des Lumières et les mémoires d’un aristocrate aventurier.

Les narrations croisées d’Auguste et d’Aphanasie font en effet alterner les univers de Voltaire, de Rousseau, de Diderot, avec un zeste de Marivaux. Ainsi, lorsque c’est Auguste qui s’exprime sur son enfance et sa formation intellectuelle, on se croirait dans Candide ou l’optimisme de Voltaire, avec Pangloss, puis dans une scène de bataille entre les Abares et les Bulgares, avec les canons. En effet, Bachelet, philosophe et précepteur du jeune comte, est détesté par le père du futur roi Zibeline et chassé du château. Auguste, lorsqu’il quitte à son tour le domaine familial de Hongrie, se trouve engagé dans la guerre de Pologne à laquelle il prend part. Dans le récit des années de formation d’Aphanasie, en revanche, c’est chez Rousseau et dans La Nouvelle Héloïse que le lecteur est transporté.

Sonnets pour un homme mourant, Burns Singer

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 22 Mai 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Iles britanniques, Poésie, Obsidiane

Sonnets pour un homme mourant, 2017, trad. Anthony Hubbar et Patrick Maury, 15 € . Ecrivain(s): Burns Singer Edition: Obsidiane

 

Tout d’abord quelques mots sur la question de la traduction que pose inévitablement ce recueil qui paraît chez Obsidiane en édition bilingue : doit-on reproduire avec fidélité ou trahir le texte original, s’effacer devant l’auteur ou faire du texte initial son propre texte ? Ici il semble que le parti est pris d’une traduction très proche du corps du texte. Il n’y a d’ailleurs ni bonne ni mauvaise attitude des traducteurs, si seulement elle nous oblige à réfléchir sur la présentation face à face du texte anglais et de la traduction. Ce qui est le cas avec ce présent recueil de 50 sonnets d’une couleur sombre et profonde. Être très proche du texte original permet au lecteur français de reconstruire la versification anglaise dans celle, différente, de la versification française (par exemple du rythme du pentamètre iambique jusqu’à des formes neuves de rythmique).

 

The time we wept in yet have no tears to dry. / Où nous pleurions, bien que nos yeux soient secs.

Mimics these infantile infinities. / Singe ces infinités infantiles.

Find that I’ve said the things I cannot say. / Je crois que j’ai dit des choses impossibles à dire.

A l’avant-garde des ruines, Christophe Bregaint

Ecrit par France Burghelle Rey , le Lundi, 22 Mai 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

A l’avant-garde des ruines, éd. du Pont de l’Europe, avril 2017, 66 pages, 10 € . Ecrivain(s): Christophe Bregaint

 

En forme d’exergue à son dernier recueil, Christophe Bregaint, comme pour annoncer sa démarche, reprend son titre en majuscules agressives écrites au feutre noir. « Aride » est, en effet, l’adjectif qu’il choisit pour incipit et qui aura pour écho le dernier mot du livre : « décousu ». Reste à apprendre en lisant celui-ci de quelles « ruines » il s’agit dans le mouvement d’un corps et d’une pensée en marche dès les premiers textes : « Ces évidences / Fuient / L’esprit / Pour / d’autres / Routes où / Se tiennent / Les entrailles / de l’obscurité / / Au garde- à-vous ». Alors suit, dans ce cheminement, hasardeux, la mise en place d’un champ lexical mortifère qui n’empêche pas la recherche d’une identité, voire d’une renaissance.

Le rythme des vers brefs mime parfaitement le cahotement de la route où l’on finit « Par émacier l’horizon ». Cette expression qui, comme d’autres, concrétise l’idée tout en provoquant la surprise est révélatrice de la sensibilité de l’auteur qui reprend à son compte à la fois la dure réalité de l’existence et le poids de la destinée humaine. Ainsi peut-on lire plus loin : « Tout le poids / Des ombres / / Au-dessus / De la fosse / Aux croyances ».

Paris Prévert, Danièle Gasiglia-Laster

Ecrit par Philippe Leuckx , le Samedi, 20 Mai 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, Gallimard, Arts

Paris Prévert, 288 pages, 39 € . Ecrivain(s): Danièle Gasiglia-Laster Edition: Gallimard

 

L’album (couverture cartonnée ; objet artistique par les couleurs choisies, la photo célèbre de Doisneau, Pont de Crimée, 1955, en couverture et toutes les autres ; la hauteur et la largeur du volume) que l’auteure consacre à notre cher Prévert est une splendeur.

Complexité des témoignages, des outils, des informations, de la recherche documentaire, filmologique et photographique, des sources nombreuses, des approches, de la « vision » par une auteure talentueuse d’un poète-scénariste unique, souvent décrié par des incultes, souvent remisé au placard des réputations surfaites, le livre que l’on tient en mains éclaire admirablement la figure elle-même complexe, plurielle, nombreuse de Jacques Prévert (1907-1977).

Arrêtons-nous sur un parcours « unique » qui traverse le siècle francophone par deux biais surtout, la poésie (et la chanson) et le cinéma. Carné, Arletty, Gabin, Morgan, Brasseur, Ledoux, Robin, Reggiani, Montand, tant d’autres figures qui ne peuvent quitter nos rétines : cela, nous le devons à Prévert, à ce scénariste de ces films magiques, du réalisme poétique (selon l’expression consacrée) : Quai des Brumes, Le jour se lève, Les enfants du paradis, Les portes de la nuit, entre autres.

Le vertige des falaises, Gilles Paris

Ecrit par Martine L. Petauton , le Vendredi, 19 Mai 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Plon

Le vertige des falaises, avril 2017, 244 pages, 16,90 € . Ecrivain(s): Gilles Paris Edition: Plon

Du Gilles Paris, de ses beaux romans qu’on connaît : fine plongée dans les ressentis et les mécanismes de ces animaux parfois étranges qui marchent à nos côtés : les enfants. Univers cerné – lieux, familles, amis – à la perfection par une écriture des plus ciselées. Récit-roman, à moins que le contraire, qui ficelle son lecteur pour quelques heures passionnées… Mais, ici, s’ajoute un autre Gilles Paris, qu’il annonce lui-même en postface : « relecture de – la maison biscornue – d’Agatha Christie, où j’ai emprunté le prénom d’Aristide, la digitaline et sans doute un zeste de suspens ». Un autre donc, et puis le même ; que du bonheur pour nous.

Une île dans l’Atlantique. Dessin si propre à l’insulaire de cercles, de ricochets dans l’eau, de monde fermé, emprisonné ? et pour autant ouvert à tous les vents, donc à tous les possibles. On veut imaginer quelque chose du côté des îles anglo-normandes, pas si loin du « Continent » bien qu’au grand large, de fait. On garde le droit de poser ailleurs son imaginaire – aucune géographie ne nous étant imposée – jusqu’en Irlande, en Amérique pourquoi pas : la fille-héroïne ne s’appelle-t-elle pas Marnie « à cause d’un film du gros chauve Hitchcock… mon nom est Marnie de Mortemer. J’ai quatorze ans. Mon pays n’a rien à voir avec celui des Merveilles… J’ai quatorze ans, j’ai cent ans, peu importe, je sais des choses… ».