Nous vivons une époque géniale, où les génies se croisent au détour de la moindre page d’un magazine culturel, du moindre programme télévisé – cinéastes, acteurs, chanteurs, écrivains, sportifs, tous semblent s’être donné le mot pour nous abreuver de génie. Jusqu’à plus soif ou jusqu’à la nausée, au choix. L’esprit critique peut à tout le moins se montrer dubitatif face à cet assaut de génialité : il écoute, il voit, il lit, et se demande si tout cela est bien raisonnable.
C’est à ce stade de la réflexion qu’arrive à point l’essai de Darrin M. McMahon, historien américain spécialiste du XVIIIe siècle et déjà auteur d’un Happiness : A History (2006), dont la renommée anglo-saxonne appelle une traduction, surtout s’il est du même tonneau que le présent Fureur Divine. Une Histoire du Génie (2013, première publication en anglais), cet essai appartenant au genre peu couru en francophonie de l’histoire des idées. C’est-à-dire que l’essai de McMahon n’analyse pas une idée dans une époque donnée, mais en montre l’évolution au fil des siècles – en l’occurrence, de l’Antiquité grecque à l’époque actuelle, en sept chapitres d’une clarté limpide. Cet historique permet de comprendre comment ce mot, « génie », a pu passer de l’évocation du plus rare à celle du plus commun.