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Les Livres

Le geste du regard, Renaud Ego

Ecrit par Didier Ayres , le Jeudi, 20 Avril 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Arts, L'Atelier Contemporain

Le geste du regard, mars 2017, 104 pages, 20 € . Ecrivain(s): Renaud Ego Edition: L'Atelier Contemporain

 

Il est parfois difficile de restituer le goût d’un livre à travers quelques propos dialectiques, par exemple. Ce qui est beau est compris universellement sans concept comme on le sait depuis Kant. Et, avec le très beau livre de Renaud Ego, on retrouve cette beauté, à la fois par le sujet traité et par le traitement du sujet. En effet, cette langue claire de l’ouvrage ne s’abîme pas dans le secret de l’art pariétal, mais au contraire, lui redonne une dimension supplémentaire en interrogeant la question du regard, l’acte de regarder et de saisir des images – soit ici, saisir comment l’homme est présent et quitte son habit animal.

Donc, il faut remercier Renaud Ego de nous donner à lire une étude passionnante sur le sujet de l’origine ; origine de l’homme qui se sépare de l’animal, homme de l’origine ; figures originelles, figures originaires. D’ailleurs, selon sa thèse, le début s’étire sur des millénaires de fabrication de pierres bifaces, où R. Ego imagine un au-delà de l’outil, une première forme spectaculaire de la symétrie du corps humain.

Variations du visage & de la rose, Béatrice Bonhomme

Ecrit par France Burghelle Rey , le Jeudi, 20 Avril 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Variations du visage & de la rose, L’Arrière-Pays, 2013 . Ecrivain(s): Béatrice Bonhomme

 

Dès le début du recueil, à la lecture des versets qui évoquent la nature, la chatte, puis la statue d’un visage, celui du peintre qui a vécu dans la maison, comme le dit l’exergue en italiques, le lecteur est sensible au thème sous-jacent du temps. De ce fait, à la 3° page, sonnent, à la façon des quatre notes de la 5° Symphonie, les quatre syllabes d’un « Tu te souviens ». Le choc est d’autant plus grand que Béatrice Bonhomme n’hésite pas à écrire « beau » et à choisir notamment la plus belle des fleurs, la rose, qu’elle soit réelle ou imaginaire pour laisser l’émotion envahir son texte. On y retrouve les accents que la poésie de Lydie Dattas, dont l’œuvre revendique la « beauté », a offert en son temps dans Le Livre des Anges-II : « Les roses respiraient le parfum de ton âme / ces roses mouraient en même temps que toi ». Sauf qu’ici, il y a une rose qui « brûle » encore.

C’est à propos de cette rose, de son cœur et de sang qu’au texte 4 le symbolisme des couleurs allié aux triples répétitions et au rythme des versets honore le souvenir du père disparu. S’y rencontre aussi, dès la décision du titre, un parti-pris de musique composée de variations et de leitmotivs qui définissent les litanies.

Sous les lunes de Jupiter, Anuradha Roy

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mercredi, 19 Avril 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Asie, Roman, Actes Sud

Sous les lunes de Jupiter, février 2017, trad. anglais (Inde) Myriam Bellehigue, 315 pages, 22,50 € . Ecrivain(s): Anuradha Roy Edition: Actes Sud

Livre écrit en Europe du Nord – écriture descriptive retenue et pointue – pour l’Inde, et par l’Inde, donc envahi des couleurs, odeurs, bruits, mélanges et foules, Histoire, bien sûr, si particuliers à ce pays unique. Le froid, les solitudes, les silences du grand nord, et les rues indiennes… alliage rare, précieux comme un parfum. Parfaitement réussi.

Croisement, tel un tressage, d’un même destin écartelé ; une jeune femme trempant ses racines dans le sang d’une guerre qu’on suppose civile, au bord du golfe du Bengale – le Bangladesh, peut-être celui qu’a chanté Georges Harrison, palpite juste derrière – et ayant poussé ses branches au cœur de forêts de bouleaux, et de lacs sous la lumière des soleils de minuit de ces contrées-là.

Il y a eu une enfance trucidée par la fin violente de tous les siens : « Quand on tuait les cochons ils poussaient des cris stridents à vous briser les tympans. C’est ce même cri que j’ai entendu, vite après que ma mère a coupé le pamplemousse et que les hommes ont fait irruption avec leurs haches. Leurs visages étaient voilés ». Il y a eu la fuite dans les marais – qui nous ramènent à ceux du Rwanda fuyant les machettes, ou à ce petit Aharon Appelfeld se cachant des Nazis. La fille du livre, et c’en est toute la force, porte en effet des ribambelles d’autres enfants martyrs. Partout sur la planète.

Le ciel du dessous, Jean Azarel

Ecrit par Cathy Garcia , le Mercredi, 19 Avril 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Le ciel du dessous, octobre 2016, 64 pages, 12 € . Ecrivain(s): Jean Azarel

Entre paganisme et mysticisme, la frontière est charnelle et Jean Azarel la franchit allègrement dans les deux sens, et en invente d’autres, des sens, dans une langue toute personnelle, et s’il nous guide, tel le lapin d’Alice, c’est pour mieux nous perdre dans la touffeur du ciel du dessous. Là où il n’y rien à comprendre, mais beaucoup à capter, à sentir, voire à renifler, que ce soit l’origine du monde, façon Courbet ou sa fin.

 

J’ai connu un temps

où les forêts étaient épaisses,

le gibier joyeux.

Ce qui vivait au dessus

était mû par le règne

du dessous.

d’encres verdeurs, Daniel Louis-Etxeto

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mercredi, 19 Avril 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Les Vanneaux

d’encres verdeurs, Daniel Louis-Etxeto (poèmes), Encres de Jean-Pierre Etchemaïté, 2016, 51 pages, 25 € . Ecrivain(s): Daniel Louis-Etxeto Edition: Les Vanneaux

 

D’ombres et de poudre d’éclats, les poèmes d’encres verdeurs palpitent délicatement à fleur des sens et des mots au cœur d’une « floraison d’écume », pour tenter de dire dans la verticalité de la page « les chemins de la langue » empreints d’odeurs, de senteurs, sillonés d’humus, de résine et de sable, pour trouver les mots aptes à dire

« l’âcre verdeur des feuillages

et le jour qui tremble dans les ramures ?

– Chant dont les paroles crissent aux lèvres

comme eau verte et saline »