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Les Livres

Une Mère, Alejandro Palomas

Ecrit par Gilles Brancati , le Mercredi, 28 Juin 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Espagne, Le Cherche-Midi

Une Mère, mars 2017, trad. espagnol Vanessa Capieu, 310 pages, 21 € . Ecrivain(s): Alejandro Palomas Edition: Le Cherche-Midi

 

C’est un voyage en émotions. Un mille-feuille. Chaque fois qu’une feuille se détache, un personnage se découvre un peu plus. Le principal, en fil rouge, est celui de la mère de deux filles et d’un garçon. Elle n’a plus pour famille que ses enfants et un frère quelque peu hâbleur. Une amie, aussi, qui lui sert tour à tour d’alibi ou de justification.

Le soir de la Saint-Sylvestre, ils sont tous réunis autour de la table familiale. Le couvert est dressé pour tous plus un autre, à une place qui reste vide. On apprendra pourquoi.

La mère pourrait paraître fantasque, mais en vérité elle détourne d’un revers de main (elle est assez maladroite) ou par un biais de langage tout ce qui pourrait contrarier l’équilibre de sa famille. Elle sait, comme une mère, les souffrances de ses enfants, leurs difficultés, plus celles qu’elle découvre ce soir-là, ce que jusqu’à présent on ne lui avait pas dit. Son devoir est de les aider à se restaurer, sans jamais tomber dans un méli-mélo dramatique, car le sujet s’y prête (et l’auteur a été très attentif à ce piège), sans jamais aller vers l’excès. Cette femme est attachante et touchante dans son efficace simplicité !

Le Puits, Ivan Repila (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 27 Juin 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Espagne, 10/18

Le Puits, 106 pages, 6,10 € . Ecrivain(s): Iván Repila Edition: 10/18

 

 

Tout lecteur risque fort d’y tomber dans ce puits, tant il est fascinant. Ce petit livre par la taille, 106 pages tout juste, est un joyau littéraire qu’on n’est pas près d’oublier après lecture. Tout, le récit, la situation, la portée symbolique, s’installe pour longtemps dans nos mémoires.

Deux frères, deux jeunes garçons, sont au fond d’un puits, on ne sait comment au début de l’histoire. Le trou fait 7 mètres de haut, avec des parois lisses et friables, impossibles à escalader. On ne saura jamais leurs noms, c’est le Grand et le Petit. Avec des majuscules, pour que ça leur serve de prénoms. Peu à peu, au fil des jours d’enfermement à ciel ouvert, ils renoncent semble-t-il à espérer sortir, s’organisent pour survivre, apprennent à manger racines, vers de terre, toutes sortes de vermine que la boue veut bien leur offrir.

Sans totem ni tabou, Regards Croisés-Correspondances, Rodolphe Oppenheimer, Sophie Sendra

Ecrit par Stella Delmas , le Mardi, 27 Juin 2017. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres

Sans totem ni tabou, Regards Croisés-Correspondances, Ramsay, mars 2017, 240 pages, 19 € . Ecrivain(s): Rodolphe Oppenheimer, Sophie Sendra

 

Avec Sans Totem, ni Tabou, des extrêmes on vient à bout…

Quand les plumes de Rodolphe Oppenheimer et Sophie Sendra, deux intellectuels psychanalystes, philosophes – plus qu’en herbe – et pour l’un politicien né – il est tombé dedans quand il était tout petit –, ensemble convolent, les faux-semblants s’étiolent. Sur les idéaux déchus elles s’épanchent et la tête aux idées reçues elles tranchent pour que du côté du cœur, l’attrait penche !

A travers leur échange épistolaire, leur regard visionnaire nous éclaire. A grands coups de ciseau humaniste, dans les étoffes de la politique, de la psychologie du genre humain et de la philosophie, elles taillent un costume sur mesure aux concepts flous… Alors tissé du fil clair de l’amitié, de la clairvoyance et de cette audace empreinte de leur authenticité sans Totem ni Tabou, ce complet nous sied à merveille et rehausse le teint des mouvements du monde de la psyché comme celui de la société et de ses tendances.

Algorithme éponyme, et autres textes, Babouillec

Ecrit par Cathy Garcia , le Mardi, 27 Juin 2017. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Récits, Rivages

Algorithme éponyme, et autres textes, 138 pages, 15 € . Ecrivain(s): Babouillec Edition: Rivages

 

Je viens enfin de terminer un livre de Babouillec. En fait, je ne savais pas exactement ce que j’allais lire mais je savais que ce serait une claque et puis au final c’est une formidable résonance. Je retrouve tellement de mes propres ressentis, de mes questionnements, mes révoltes même, dans ses mots, que je me dis que moi aussi je dois être autiste, camouflée derrière une apparente normalité et que nous sommes même peut-être tous des autistes plus ou moins intégrés dans la normalité, et alors la question s’impose : qu’est-ce que ça veut dire « être normal » ? La question que nous posent, parfois comme un flingue sur la tempe, tous les dits « anormaux », tous les « différents », peut-être pour nous montrer à quel point nous sommes éloignés, coupés de nous-mêmes, de notre être véritable, unique et extraordinaire dans son anormalité.

Qu’est-ce que ça veut dire « être normal » ?

C’est la question qui vient nous remettre en question justement, qui vient nous réveiller. Une question qui dérange notre sommeil, une sorte de sommeil collectif hypnotique.

Le Grand Sylvain, Pierre Bergounioux

Ecrit par Philippe Leuckx , le Lundi, 26 Juin 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, Verdier

Le Grand Sylvain, mars 2017, 80 pages, 25 € . Ecrivain(s): Pierre Bergounioux Edition: Verdier

 

À Gif, à Brive, ailleurs, Pierre Bergounioux s’est toujours interrogé subtilement, finement, au plus nu, sur les pertes, les « peines et profits » de l’enfance pourvoyeuse de découvertes mais aussi d’âpres chagrins.

« Tenir registre » comptable de cela : tel est le projet d’une « capture » symbolique à plus d’un sens. La Capture que propose Verdier est sous coffret cartonné, un livre, Le Grand Sylvain, et un film éponyme.

De quelles captures s’agit-il ? D’une capture psychologique où l’enfant soudain est visé comme le premier stade d’une mue irrémédiable : l’adulte qu’il sera et qui fouille déjà en soi les prolongements de sa mue.

D’une capture réelle, où l’entomologiste, à l’aune du grand Fabre, s’amuse à mesurer cet état d’enfance qui surveille, observe, perd son temps pour recueillir, sans doute, des manières de miracle : ainsi le cétoine et la mort, l’univers où il peut se révéler, le temps qu’il faut pour la « prise », « la capture ».