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Les Livres

Little Brother, Raphaël Enthoven

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Mercredi, 07 Juin 2017. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Gallimard

Little Brother, mars 2017, 128 pages, 11 € . Ecrivain(s): Raphaël Enthoven Edition: Gallimard

 

Raphaël Enthoven a-t-il eu vraiment l’intention de réécrire les Mythologies de Roland Barthes, vaste entreprise destinée à décoder et à interpréter les signes de notre temps ? A l’instar de son inspirateur, l’auteur nous offre une trentaine de courtes réflexions qui décryptent le réel au gré de l’actualité culturelle, sociologique ou politique, allant de la sémantique de The Walking Dead à l’usage du selfie, de la cigarette électronique à l’uberisation sociétale initiée par Uber. L’ensemble est parsemé de nombreuses références philosophiques. Quelques-unes de ces chroniques attirent davantage l’œil et l’intérêt du lecteur.

Dans le chapitre La fin du monde n’aura pas lieu, à une époque où la moralisation de la vie politique fait problème, Enthoven émet deux formules saisissantes, illustrant en raccourci les fulgurances de sa pensée : « La science galope quand la morale claudique », « Ainsi naissent les savants fous et les tempéraments catastrophistes ».

A propos des émoticônes dont nous parsemons nos textes à l’envi, l’avis du philosophe est que celles-ci se contentent de répéter, sur un autre mode, ce qui vient d’être dit, message redondant et non pas, comme on pourrait le croire, interprétation personnelle d’un contenu objectif. Préciosité de notre temps digital.

Un nouveau monde, Poésies en France 1960-2010, un passage anthologique, Yves di Manno & Isabelle Garron

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Mardi, 06 Juin 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Flammarion, Anthologie

Un nouveau monde, Poésies en France 1960-2010, un passage anthologique, février 2017, 1504 pages, 39 € . Ecrivain(s): Yves di Manno & Isabelle Garron Edition: Flammarion

 

Indispensable anthologie, qui vient combler « une étrange lacune et propose pour la première fois un large panorama des écritures de poésie en France depuis 1960, tenant compte de leur remarquable diversité ».

« D’abord conçu comme une anthologie regroupant plus d’une centaine d’auteurs, [ce livre] offre aussi un récit chronologique accompagné de notices détaillées » et d’une « bibliographie générale » fort bien faite.

« Ce volume est […] un acte. Il est l’impossible, l’horrible travail que nous savons. Il pointe un manque de retour général sur ce qui a lieu depuis cinquante ans, sur ce qui se poursuit et se déroule dans le champ de cet art qu’est l’écriture de poésie ».

Un manque de « retour général » ? « Si ce volume tente […] quelque chose, c’est l’approche d’un territoire encore mal défriché dans la somme de ses possibles. Il répond au désir de conduire le lecteur vers ce que la poésie désigne, investissant un lieu de parole où le sens est repoussé aux limites de sa connaissance ».

Buenos Aires noir, anthologie présentée par Ernesto Mallo

Ecrit par Marc Ossorguine , le Mardi, 06 Juin 2017. , dans Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Amérique Latine, Anthologie, Asphalte éditions

Buenos Aires noir, anthologie mai 2016, trad. espagnol Olivier Hamilton, Hélène Serano, 215 pages, 21 € . Ecrivain(s): Ernesto Mallo Edition: Asphalte éditions

 

 

Nouvelle escale des guides noirs des éditions Asphaltes, après Londres, Barcelone, Haïti, La Havane, Marseille… c’est à Buenos Aires que nous sommes invités à faire étape pour en découvrir les coulisses, accompagnés de quelques plumes portègnes parmi des plus expertes et incisives. La vie n’est ni rose ni bleue sur les rives du Río de la Plata, mais cela ne nous surprendra pas vraiment avec ces étranges « guides touristiques » que publie régulièrement Asphalte. Pas encore assez étrange semble-t-il puisque nous avons découvert une librairie qui classe vraiment cette série d’anthologie(s) au rayon des guides touristiques. Pas sûr que cela convainque les candidats au voyage de se rendre à Buenos Aires, du coup, même si Ernesto Mallo nous annonce dès les premiers mots de sa présentation que la capitale argentine est « un endroit tellement invraisemblable ».

Déshabiller nos solitudes, Rozenn Guilcher

Ecrit par Zoe Tisset , le Mardi, 06 Juin 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Déshabiller nos solitudes, éd. Sulliver, février 2017, 195 p. 15 € . Ecrivain(s): Rozenn Guilcher

C’est un livre tout en nuances, qui évoque à pas de chat le pire comme le meilleur :

« Quand il a bien tout cassé, papa, il prend le balai et il ramasse les morceaux. Pas tout de suite. D’abord il s’assoit sur une chaise. Il en reste deux, la mienne et la sienne (…). Je me demande si son corps saura serrer mes yeux. Et dans mes choses en attente, j’ai peur finalement d’un vrai oui, d’un amour à ma taille ».

L’auteure, du bout de son stylo, trace des chemins et des trajets : tous humains. Elle cherche les mots, les empreintes de ce qui reste souvent au bord des lèvres. Histoire d’amour, de rupture, de brisure comme cette jeune fille défigurée : « Nous sommes le monde, le monde sans lèvres qui ne sait plus murmurer, qui ne sait plus dire les mots de la bouche. (…) Il y a des endroits qui ont mal. Des endroits à habiter quand on n’habite plus rien. Des endroits si douloureux qu’ils existent trop, qu’ils prennent toute la place, qu’ils hurlent la nuit ». Surtout ne pas fracturer, mais murmurer l’indicible, ce qui se tait et déborde tout à la fois. « C’est très important. C’est comme le sable. S’il n’y a pas de sable, on ne sait pas si la mer est partie. Ça mesure. Le silence aussi il mesure. Il mesure entre les mots. Le silence, le sable, il attend, il écoute. C’est important ». Le texte court dans notre tête à la manière d’une sonate, son rythme est à la fois lancinant, entêtant et fredonnant, à l’image des vicissitudes et des joies de la condition humaine.

La Reine Ginga, José Eduardo Agualusa

Ecrit par Stéphane Bret , le Jeudi, 01 Juin 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue portugaise, Roman, Métailié

La Reine Ginga, avril 2017, trad. Portugais (Angola), Danielle Schramm, 232 pages, 21 € . Ecrivain(s): José Eduardo Agualusa Edition: Métailié

 

Le roman de Jose Eduardo Agualusa est multithématique et confine à des genres très variés : Francisco, le personnage principal, est un jeune prêtre brésilien, métis d’Indien et de Portugais. Il débarque bientôt à Luanda pour devenir secrétaire de la Reine Ginga, reine d’une grande partie du territoire de ce qui va devenir l’Afrique lusophone. C’est l’Afrique des seizième et dix-septième siècle qui sert ici de décor, l’Afrique de la colonisation européenne, mais aussi des confrontations des civilisations. Le récit, parsemé de bout en bout de descriptions de batailles, de portraits de personnages hauts en couleur, est marqué par un constat fait par ce jeune prêtre : il est en proie à des doutes intenses sur l’attitude de l’Eglise face aux « Indigènes », faut-il les respecter, les anéantir, les assimiler ?

Très vite, Francisco entrevoit une déchirure inévitable, un divorce nécessaire : « En rejoignant le service de Ginga, en vérité je fuyais l’Eglise – mais je ne le savais pas encore à ce moment-là, ou peut-être le savais-je, mais je n’osais pas affronter mes doutes les plus profonds ».