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Les Livres

Je t’écris mon amour suivi de Xitation, Emmanuel Darley

Ecrit par Marie du Crest , le Lundi, 13 Mars 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Théâtre, Actes Sud/Papiers

Je t’écris mon amour suivi de Xitation, janvier 2017, 90 pages, 15 € . Ecrivain(s): Emmanuel Darley Edition: Actes Sud/Papiers

 

« Et à la fin, l’amour »

Les éditions Actes Sud Papiers viennent de réunir et publier, un an après la mort d’Emmanuel Darley, un volume de deux pièces, dont l’amour, le désir constituent la matière primordiale. La fin d’une œuvre ? La lecture accomplie d’un destin littéraire dont le dernier acte, l’ultime geste d’écriture serait ce qui n’a pas pu être dit tout à fait auparavant : la force vitale de la passion amoureuse ? Les deux pièces s’organisent autour de la distribution de deux couples : ELLE ET LUI dans Je t’écris mon amour et la jeune femme, le jeune homme pour Xitation.

Il y a dans le titre même de la première pièce, justement, la volonté sans doute de poser la question conjointe d’une écriture dramatique repensée et de son objet. Je t’écris mon amour sans mettre de virgule entre le verbe et « mon amour » montre bien qu’il ne s’agit pas là d’une simple adresse, d’une déclaration à quelqu’un, mais de s’engager dans la révélation du comment écrire cela aujourd’hui, dans un texte contemporain.

No home, Yaa Gyasi

Ecrit par Theo Ananissoh , le Samedi, 11 Mars 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Calmann-Lévy

No home, janvier 2017, trad. anglais (USA) Anne Damour, 408 pages, 21,90 € . Ecrivain(s): Yaa Gyasi Edition: Calmann-Lévy

 

Une idée simple – un peu biblique – et un accomplissement ample, très ample. Prendre ce jeune étudiant américain apparemment noir et la jeune femme, également noire, à côté de lui, là, dans ce musée de San Francisco, et remonter la généalogie de chacun des deux. Non ; pas remonter, mais faire un saut dans le passé lointain puis reconstituer à partir de là la trame respective des multiples existences, des multiples histoires, des multiples lieux qui précèdent l’un et l’autre. Chaque être a dans son dos une foule d’autres vies, une infinie ramification.

Au milieu du XVIIIe siècle, sur la côte de ce qui, quelque deux cents ans plus tard, sera nommé le Ghana, les peuples, les ethnies ou les tribus comme on veut, minuscules ou grands, se font sans cesse la guerre. Et comme partout ailleurs et de tout temps dans les affaires humaines, les vainqueurs de la veille sont à leur tour vaincus le lendemain à la faveur d’un changement d’alliance, d’une ruse ou d’un intense désir de vengeance. Yaa Gyasi, vingt-huit ans, est une romancière disons de la tradition balzacienne. Elle sait qu’un roman, ce sont des personnages. Au cours d’une de ces guerres à répétition et du lot des captifs du moment, elle isole une femme nommée Maame. Horreur encore bien de notre époque évoluée, Maame est violée par un des hommes de la tribu victorieuse. Elle accouche d’une fille prénommée Effia.

La filière écossaise, Gordon Ferris

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Samedi, 11 Mars 2017. , dans Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Seuil

La filière écossaise, février 2017, trad. anglais Hubert Tézenas, 472 pages, 22,50€ . Ecrivain(s): Gordon Ferris Edition: Seuil

 

Automne 1946, nous retrouvons Douglas Brodie (déjà présent dans La Cabane des pendus et Les Justiciers de Glasgow (1), reporter à la Glasgow Gazette, en train d’enquêter pour son ami le tailleur Isaac Feldmann. Ancien flic avant guerre puis ex-officier interprète à Bergen-Belsen au procès des anciens criminels nazis, l’intrépide et perspicace Brodie doit tenter d’élucider le mystère de plusieurs vols de bijoux ayant eu lieu le jour de shabbat dans la communauté juive de Garnethill. Tandis que son amie avocate et logeuse, la belle et intelligente Samantha Campbell, part pour Hambourg afin de participer au procès pour crimes de guerre contre les fonctionnaires du camp de concentration de Ravensbrück, Brodie découvre que se cache derrière les brigandages sur lesquels il enquête une « route des rats ». Á la classique filière qui permettait aux criminels de guerre de s’enfuir en Amérique du sud via l’Autriche et l’Espagne, il en existerait une autre partant de Hambourg, allant à Glasgow pour rejoindre les Etats-Unis.

Dictionnaire amoureux des Ecrivains et de la Littérature, Pierre Assouline

Ecrit par Philippe Leuckx , le Samedi, 11 Mars 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Anthologie, Plon

Dictionnaire amoureux des Ecrivains et de la Littérature, août 2016, 896 pages, 25 € . Ecrivain(s): Pierre Assouline Edition: Plon

Les dictionnaires amoureux sont parfaitement subjectifs – c’est leur cachet – et celui du membre de l’Académie Goncourt ne déroge pas à l’office qu’il se donne : faire résonner le plaisir de lecture, quel que soit le nom choisi. Et, en fait de noms, les plus grands s’y trouvent et quelques incongrus aussi (fallait-il y loger des Rebatet, Robbe-Grillet ou Nothomb ?). Mais tel livre comporte, au-delà des noms, des chapitres brefs consacrés aux ateliers d’écriture, à la critique, à la machine à écrire, aux tombes, aux titres… que sais-je encore.

Certaines notices un peu lapidaires montrent qu’on ne peut pas aimer tout le monde (Sagan, Diderot…) ; d’autres réjouissantes parce qu’elles offrent un autre regard sur des écrivains véritablement doués (Quignard, Drieu, Proust, Green). La quête d’Assouline fouine un peu partout et ses trésors sont multiples pour qui veut prendre la peine de lire des notes copieuses (Thomas Bernhard, entre autres), apprendre des secrets de fabrication, des propos de boudoir, assumer certains choix (Céline), éveiller à la conscience littéraire, se convaincre du génie de certains (Gracq, etc.). Mais Zola, Morante, Pasolini, me direz-vous ? L’épée de l’électeur a tranché sa matière et le lecteur chagrin n’aura qu’à se plaindre sans légitimité. Certaines œuvres, en revanche, sont choisies et donnent lieu à des notices : Brèves de comptoir, Contre Sainte-Beuve, Le deuxième sexe, Journal de Kafka, Stendhal, Le livre de l’intranquillitéLa route, etc.

L’abandon des prétentions, Blandine Rinkel

Ecrit par Frédéric Aribit , le Vendredi, 10 Mars 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Fayard

L’abandon des prétentions, janvier 2017, 240 pages, 18 € . Ecrivain(s): Blandine Rinkel Edition: Fayard

 

« Sans doute, n’aimons-nous jamais que les énigmes » : de celles, merveilleuses, qui voient par exemple un livre s’ouvrir sur une phrase d’Annie Le Brun. Le ton est donné : Blandine Rinkel, d’emblée, place son premier roman à un niveau d’exigence littéraire qui force le respect. Annie Ernaux ? Pierre Michon ? L’abandon des prétentions lorgne en effet vers de sacrés aînés qui en intimideraient plus d’un.

Appelons donc cela roman, puisque c’est marqué sur la couverture. Une jeune femme fait le portrait kaléidoscopique de sa mère, Jeanine, prof d’anglais à la retraite à Rezé, petite ville près de Nantes. 65 ans et, pour elle, 65 chapitres brefs écrits à la première personne – 66, en comptant ce chapitre 0 qui affiche le projet d’une fille vis-à-vis de sa mère, « regarder à travers la lucarne organique qu’est son propre regard pour enfin aller à sa rencontre » – et qui forment autant de fragments de tendresse à l’égard de celle qui n’existe que par, et pour les autres. Moussa l’ingénieur syrien, Alvirah la vieille Algérienne perdue au supermarché, Nicolas et Kareski les détenus récidivistes, Sarah la chauffeuse de poids-lourds et sa cohorte de camionneurs fêtards, Carmen la mythomane espagnole, un étrange marin russe ancien danseur du Bolchoï, Ruth l’Américaine, Brenda d’Ottawa, le jeune couple Sébastien et Romaric…