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Les Livres

Trois saisons à Venise, Matthias Zschokke

Ecrit par Guy Donikian , le Lundi, 20 Février 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Récits, Zoe

Trois saisons à Venise, novembre 2016, trad. allemand Isabelle Rüf, 384 pages, 22,50 € . Ecrivain(s): Matthias Zschokke Edition: Zoe

 

Matthias Zschokke est invité en 2012 à Venise par une fondation qui met à sa disposition un appartement en plein cœur de Venise. Ce sont trois saisons qu’il va mettre à profit pour « travailler », c’est en tout cas son désir, et l’idée de se retrouver en plein cœur de la Sérénissime ne peut, pense-t-il, que faciliter ce travail, sauf que, une fois sur place, il va partager son bonheur en écrivant des courriels à son frère, à sa tante, à son éditeur et à certains de ses amis et à des relations professionnelles.

Dans les réponses qu’il adresse à « l’ami de Cologne », il décrit un quotidien ordinaire à Venise : « Sous mes fenêtres glissent des gondoles, des bateaux-cargos avec des pianos, de temps en temps des pompiers, des ambulances, des bateaux-taxis, avec au fond un Dottore ou un Onorevole, qui rentre chez lui ou va au théâtre… ». On imagine sans peine ce que le lecteur à Cologne peut ressentir à la lecture de ce courriel.

Les Livres et la vie, Jacques Ancet

Ecrit par France Burghelle Rey , le Lundi, 20 Février 2017. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Poésie

Les Livres et la vie, éditions Centrifuges, 2015, 130 pages . Ecrivain(s): Jacques Ancet

 

« La poésie, c’est le bruit que fait le monde quand je parle » (1)

« Le poème n’existe pas, seule existe la trace qu’il en reste » (2)

Pour le lecteur, surtout s’il est lui-même écrivain, l’essai de Jacques Ancet est un livre complet, une bible dans laquelle, avec une mémoire chronologique parfaite de son travail, celui-ci évoque tout ce que l’on peut attendre comme expériences poétiques, comme influences orales et écrites ou comme aventures éditoriales. C’est l’ouvrage que chaque poète ne peut que souhaiter réaliser un jour.

Après le « flot verbal », de nouveaux écrits naissent qui, au-delà du ton baroquisant, sous l’influence sans doute des traductions espagnoles, vont plus loin. C’est le moment aussi, après les récits d’une grand-mère et la lecture de Giono, pour « d’autres lectures essentielles » : Jaccottet, Paz ou Nietzsche, et pour la découverte du fait que la poésie est à la fois « quête de racines » et plongée dans l’ici et le maintenant.

Parade Jeunesse d’Eternité, Zoé Balthus

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Dimanche, 12 Février 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Parade Jeunesse d’Eternité, Gwen Catalá Editeur, janvier 2017 . Ecrivain(s): Zoé Balthus

 

Dans ses écrits esthétiques, Zoé Balthus n’ignore jamais les dérapages de la langue plastique lorsqu’elle devient complice de l’impensable. C’est sans doute pourquoi son premier roman ramène à une des aubes majeures d’un tel langage. Preuve qu’au commencement était le Verbe mais aussi l’Image. Le livre débute au chevet d’un blessé de guerre au seuil de la mort : Guillaume Apollinaire, un éclat d’obus fiché dans le crâne. Pablo Picasso lui annonce que Jean Cocteau, poète inconnu à l’époque, lui propose de réaliser les décors d’un « ballet réaliste » qu’il veut créer pour les Ballets Russes. Le compositeur Erik Satie est déjà de la partie. Le livre réinvente une fraternité au milieu des arts dont les jeunes officiants refusent à un usage communal ou classique.

Certes des nuages traversent les cieux, mais l’ombre permet aux personnages de devenir non une projection, résultat d’années de recherches, de lectures, d’écritures et de réécritures tant l’auteure est à la fois passionnée et perfectionniste. Le roman, en dépit de son retour amont, n’a rien d’une consolation nostalgique. La narration devient un appel à la beauté en train de se créer dans les labyrinthes et les vicissitudes de ceux qui la fomentent. Chaque personnage exprime à la fois l’histoire d’une solitude et d’un appel à l’autre.

Seules les bêtes, Colin Niel

Ecrit par Philippe Chauché , le Samedi, 11 Février 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Le Rouergue

Seules les bêtes, janvier 2017, 224 pages, 19 € . Ecrivain(s): Colin Niel Edition: Le Rouergue

 

« La tourmente.

Oui, certains disaient qu’Evelyne Ducat avait été emportée par la tourmente, comme autrefois. La tourmente, c’est le nom qu’on donne à ce vent d’hiver qui se déchaîne parfois sur les sommets. Un vent qui draine avec lui des bourrasques de neige violentes, qui façonne les congères derrière chaque bloc de roche, et qui, disait-on dans le temps, peut tuer plus sûrement qu’une mauvaise gangrène ».

Seules les bêtes est ce roman de la tourmente. Le roman du vent glacial qui saisit les hommes et les femmes du plateau, qui vient griffer ce territoire oublié, perdu, saisi par le givre. La tourmente des corps et des âmes est au cœur de ce roman polaire. Une femme disparaît dans la tourmente, seule reste sa voiture abandonnée, et cette étrange disparition va révéler ces vies, ces rêves, ces fantasmes qui sommeillent entre les fermes sombres et isolées, dans les ornières des chemins boueux, et dans les bergeries où se blottissent les brebis.

Tocqueville, Brigitte Krulic

Ecrit par Vincent Robin , le Samedi, 11 Février 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, Folio (Gallimard), Histoire

Tocqueville, février 2016, 318 pages, 10 € . Ecrivain(s): Brigitte Krulic Edition: Folio (Gallimard)

 

Comprendre et définir la personnalité singulière, à la fois privée et publique, de celui qui se rendit célèbre à plusieurs titres durant la première moitié du XIXe siècle sous le nom authentique d’Alexis-Henri-Charles Clérel, comte de Tocqueville, requiert imparablement aujourd’hui un champ de vision élargi au cadre détaillé des évolutions sociales et politiques que connut la France pendant, mais aussi avant le cycle de son existence. Incontestablement nantie d’une connaissance sérieuse de toutes les secousses qui bousculèrent tour à tour les structures et le mode culturel de l’Etat, quelquefois même au-delà des strictes limites du pourtour national, également assurée d’une analyse objective des positions et agissements d’un seul à travers les contrecoups sismiques hérités du grand séisme révolutionnaire de 1789, Brigitte Krulic restitue de façon alerte et clairvoyante le cheminement vital du penseur et écrivain politique devenu après La Fayette sûrement le plus inconditionnel défenseur hexagonal de la démocratie à la mode étasunienne.