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Les Livres

Attachement féroce, Vivian Gornick

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 31 Janvier 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Récits, Rivages

Attachement féroce (Fierce Attachments), traduit de l’américain par Laetitia Devaux, Février 2017, 222 p. 20 € . Ecrivain(s): Vivian Gornick Edition: Rivages

Quelques clichés dans les premières pages, inévitables dans la période où le livre a été écrit (1985) : la mère juive, les rues juives de New York. Mais qu’on se rassure pleinement, l’intelligence et la justesse du trait de Vivian Gornick emportent très vite l’adhésion, et s’éloignent de tout pathos pour bâtir le superbe récit d’une terrible histoire de femmes.

Une mère juive prototypique (et communiste au demeurant, dans les années 50 ça se faisait beaucoup). Une fille juive qui ne l’est pas moins mais que la modernité aspire vers l’émancipation sociale, sexuelle. Toutes les deux sont soudées par un lien monstrueux, fait de passion. Passion filiale et maternelle, tissée par un authentique amour et une haine farouche non moins authentique.

Le cadre de cette liaison – on peut parler de liaison au sens amoureux du terme – c’est New York. Pas le New-York gigantesque et flamboyant dont on a l’habitude en littérature. Un New York-Village, provincial, presque rural, dans lequel les deux femmes habitent le quartier juif, entre le Bronx, Brooklyn et Manhattan. Un village que mère et fille arpentent avec conviction, rue après rue, à pied le plus souvent, parfois en bus et qui, peu à peu, se constitue en décor topographique au roman.

Adrienne Bolland ou les ailes de la liberté, Coline Béry

Ecrit par Jean Durry , le Lundi, 30 Janvier 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, Récits, Le Passeur

Adrienne Bolland ou les ailes de la liberté, septembre 2016, 335 pages, 21 € . Ecrivain(s): Coline Béry Edition: Le Passeur

 

Adrienne Bolland, une belle figure de l’aviation française, dont ces pages réinventent l’existence avec chaleur et conviction.

Lorsque fin novembre 1919, Mademoiselle Bolland, qui n’a pas encore tout à fait 24 ans, prend le train à la Gare du Nord, tout est à inventer d’une vie et d’une trajectoire aérienne. Rejoignant au Crotoy l’Ecole de pilotage internationale Caudron, où elle est la seule élève féminine, elle va pourtant s’imposer, montrant d’emblée un « sens de l’air » et une volonté exceptionnels, obtenant le Brevet de pilote civil, devenant ainsi la treizième aviatrice depuis les débuts si récents du vol des plus lourds que l’air. En 7 mois à peine, non seulement elle est jugée par son constructeur René Caudron apte à s’aligner – seule encore – parmi les 40 concurrents du meeting de Buc, vers lequel convergent la foule, les vedettes du spectacle, et les têtes couronnées – Georges VI, Alphonse XIII, sans oublier le Maharadjah de Kapurthala ; mais elle y affirme un talent remarquable, et y rencontre René Duperrier qui deviendra son mécano attitré. En décembre 1920, tous deux embarquent pour l’Argentine.

Hôtels d’Amérique du Nord, Rick Moody

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Samedi, 28 Janvier 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, L'Olivier (Seuil)

Hôtels d’Amérique du Nord, octobre 2016, trad. anglais (USA) Michel Lederer, 240 pages, 21 € . Ecrivain(s): Rick Moody Edition: L'Olivier (Seuil)

 

Hôtels d’Amérique du Nord est un livre étrange, déconcertant, totalement original. Qui d’entre nous n’a pas un jour cliqué sur TripAdvisor pour lire les évaluations d’un hôtel avant d’effectuer une réservation. Reginald Edward Morse, l’énigmatique héros du roman, rédige des articles pour le site NotezVotreHotel.com, clone de celui que vous avez l’habitude de consulter. Coincées entre une préface aussi improbable que délirante du président de l’Association nord-américaine des hôteliers et aubergistes, et une postface de Rick Moody himself en quête de l’auteur des articles, s’enchaînent dans le désordre chronologique 38 chroniques sur des hôtels, motels, une gare, un parking Ikea ou une aire de repos, pour la plupart américains mais aussi étrangers qui existent dans la réalité (vérification effectuée).

De 2012 à 2014, Reginald Morse, comme le note Rick Moody dans sa postface, « avait publié une fois par mois, ou de temps en temps deux fois, des critiques qui, dès le début, se montraient souvent ambitieuses tant par leur longueur que par leur portée et qui, dans certains cas, ne s’intéressaient guère aux hôtels concernés, lui permettant d’écrire sur l’identité, la vie privée, la solitude et l’amour » (p.224).

Les vies de papier, Rabih Alameddine

Ecrit par Anne Morin , le Samedi, 28 Janvier 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Pays arabes

Les vies de papier, Les Escales, août 2016, trad. anglais Nicolas Richard, 330 pages, 20,90 € . Ecrivain(s): Rabih Alameddine

 

Une traductrice qui, après avoir été libraire, ne publie pas ses traductions, qui les enserre jalousement dans « la chambre de bonne » de son appartement, et qui plus est, fait des traductions de traductions… si l’on replace le tout dans le Beyrouth traversé par toutes les guerres, souvent fratricides, on aura une vue assez panoramique de ce roman :

« Je choisissais de mourir dans mon appartement plutôt que de vivre sans. Dans les marges du matin, je m’accroupissais derrière ma fenêtre et observais les thanatophiles adolescents avec des semi-automatiques qui, tels des cafards, couraient en zigzags. Le clair de lune sur le canon des fusils de seconde main. Tandis que les nébuleuses des bombes éclairantes coloraient les cieux en indigo, je voyais les étoiles cligner avec incrédulité face à l’orgueil démesuré qui faisait rage en bas, sur la terre ferme » (p.40).

« Quand les seigneurs de guerre ont achevé leur interlude quelques jours plus tard, je me suis sentie protégée entre les quatre murs de mon appartement, veillant avec la kalachnikov proche de ma poitrine.

Aaliya l’élevée, la séparée » (p.58).

Au-delà de la nuit, Alix Lerman-Enriquez

Ecrit par Martine L. Petauton , le Vendredi, 27 Janvier 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Au-delà de la nuit, éd. Les Poètes Français, 4ème trimestre 2016, 56 pages, 15 € . Ecrivain(s): Alix Lerman-Enriquez

 

 

Qui ne le sait ou le pressent : la poésie est consolation, vaut – dit-on – toutes les thérapies. Elle est une sauvegarde, pour celui qui lit, et, pas moins, celle qui écrit. Où, mieux qu’au creux des vers – même les plus modestes – niche-t-on sa peine, ses angoisses et quand même, quelque espoir en lueur… La poésie est mélancolie comme cette ancienne gravure, au coin d’un livre sur le Romantisme, dont c’était le titre. Noire et grise, je crois, sous une lune froide ; assise, une femme qui pleure… Gravure qu’on pourrait associer au petit opus d’Alix Lerman-Enriquez, si elle n’avait choisi des arbres d’hiver, face branches noires, criant, sous un ciel plombé.

Tristesse avec Chopin – on l’écoute en lisant, juste ce qu’il faut d’assourdi – ces poèmes, dont les itinéraires font sens, et cognent à notre cœur, en quelques chemins simples.