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Les Livres

L’Île Bleue, Jean Raspail

Ecrit par Mélanie Talcott , le Samedi, 14 Janvier 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Robert Laffont

L’Île Bleue, août 2016 (première édition 1987), 270 pages, 20 € . Ecrivain(s): Jean Raspail Edition: Robert Laffont

 

Ce n’est pas un grand livre, mais ce n’est pas non plus un mauvais livre. Juste une valeur sûre. Du Jean Raspail. Bien tourné. Pas un style qui dépote, non. Plutôt pépère, plutôt propret. Rien qui dépasse, mais rien qui retient non plus. Lisse comme l’histoire et ses protagonistes. La France pétainiste de juin 1940, celle du pouvoir qui se barre au nom du courage pour sauver ce qui reste soi-disant à sauver sur fond de débâcle, ministres effervescents d’inefficacité dont l’un porte le nom, comme un clin d’œil vachard, du plus célèbre bordel de l’époque où le Tout Paris nazi et collaborateur alla se délivrer studieusement du mal, maîtresses gloussantes de vulgarité et dossiers dont personne n’a plus rien à foutre, croisent d’un château à l’autre la France d’en-bas – comme on dirait aujourd’hui – celle qui s’en fout ou qui a la frousse et sauve ses meubles ou plutôt le peu qu’elle peut emporter avec elle sur les routes de l’exode en direction de nulle part, mais loin de l’envahisseur allemand qui, lui, avance aussi surpris que ravi de rencontrer si peu de résistance sur sa route.

Petits riens pour jours absolus, Guy Goffette

Ecrit par France Burghelle Rey , le Vendredi, 13 Janvier 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Gallimard

Petits riens pour jours absolus, juin 2016, 120 pages, 14 € . Ecrivain(s): Guy Goffette Edition: Gallimard

 

Le tout récent opus de Guy Goffette rassemble des textes parus ces dernières années et publiés dans des versions différentes. Un sage exergue de Robert Walser concernant la manière dont on doit vivre invite le lecteur à en savoir plus et le texte incipit le comble déjà par sa perfection à la fois sémantique et stylistique :

 

« Quand plus rien ne chante au dehors

je puise dans le sac et sème

sur la page un peu de poussière

d’oubli et le jour paraît comme

un musicien qui tend son chapeau ».

Des livres mouillés par la mer, Pensées simples III, Gérard Macé

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Vendredi, 13 Janvier 2017. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Gallimard

Des livres mouillés par la mer, Pensées simples III, novembre 2016, 144 pages, 19 € . Ecrivain(s): Gérard Macé Edition: Gallimard

Les livres autour de moi, mémoire et carapace, forment un « exosquelette »

 

Avec ce troisième volume de ses Pensées simples, intitulé Des livres mouillés par la mer, Gérard Macé nous invite à une promenade méditative faite de fragments d’histoires, contes, mythes et légendes, occasion d’évoquer la langue poétique, la littérature mais aussi comme il est d’usage dans les ouvrages composés de notes, son rapport au monde, à l’Histoire avant même les histoires.

Faisant suite à deux autres tomes, il commence par le chapitre VII.

A quoi reconnaît-on une langue ? se demandait Darwin en imitant les habitants de la Terre de feu… Les enfants sont capables d’inventer une langue imaginaire… Wilde ne sait pas autrement penser qu’en contes, et Gide ne nous rappelle-t-il pas que la pensée ne se résume pas au langage mais qu’elle doit trouver une forme ? « Rien ne sert de parler de sirènes et de licornes si personne ne vous croit, rien ne sert de raconter une histoire vraie si elle paraît invraisemblable ». Les histoires comme les licornes ne sont intéressantes que parce qu’elles n’existent pas… « Personne ne se serait vanté d’avoir rencontré le diable si on avait pu le voir ».

Très chère Ursule, Mano Gentil

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Vendredi, 13 Janvier 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Serge Safran éditeur

Très chère Ursule, janvier 2017, 229 pages, 17,90 € . Ecrivain(s): Mano Gentil Edition: Serge Safran éditeur

 

Mano Gentil a le sens de l’architecture. Et du talent pour disposer du temps comme d’un accessoire. Elle manie les évènements comme elle déplacerait le mobilier dans son appartement ou le vôtre, cette table au centre plutôt que contre le mur, elle sélectionne les tissus, lisse les tentures, coud les ourlets des rideaux, accentue les plis qui confondront les êtres de ses compositions, pire, les mettront en lumière. Elle range, elle aménage.

Les placards de ses personnages.

Elle affectionne la poussière glissée sous les tapis, la laisse volontiers gonfler, prend un malin plaisir à l’éparpiller. Elle a le goût du mécanisme théâtral. Et la correction de ne répéter ni les sujets, ni les tonalités, d’un livre (à) l’autre. « Nous étions jeunes et larges d’épaules », « Dans la tête des autres », « Boucher double », « Le cri du Gecko », entre autres.

Le Titanic fera naufrage, Pierre Bayard

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Jeudi, 12 Janvier 2017. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Les éditions de Minuit

Le Titanic fera naufrage, octobre 2016, 176 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Pierre Bayard Edition: Les éditions de Minuit

 

Dans quelle mesure les écrivains et les artistes bénéficient-ils d’un talent particulier qui leur permettrait de prévoir l’avenir et de le retranscrire dans leurs écrits ou productions artistiques ?

La thèse de l’ouvrage de Pierre Bayard s’inscrit dans cette problématique que l’on peut caractériser d’intégrationniste (c’est-à-dire qui envisage des relations possibles entre le monde réel et le monde créé par la fiction), en se situant entre deux avis opposés, celui des coïncidences que défend Gérald Bronner, plutôt ségrégationniste en ce qu’il ne perçoit pas de relation de causalité entre les écrits fictionnels et les événements réels, et celui de la précognition, que soutient Bertrand Méheust, et duquel Bayard se rapproche.

Contrairement à Cassandre, à qui « les dieux avaient donné […] le don de prophétie, en la privant de la capacité d’être entendue », le pouvoir prédictif des écrivains a un impact politique fort, dans la mesure où il permet aux hommes sinon de modifier l’avenir, du moins de mieux s’y préparer.