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Les Livres

Ivanhoé, Walter Scott

Ecrit par Didier Smal , le Vendredi, 03 Février 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Folio (Gallimard)

Ivanhoé, avril 2016, trad. anglais Henry Suhamy, 880 pages, 8,70 € . Ecrivain(s): Walter Scott Edition: Folio (Gallimard)

 

Dans un texte qui ne cesse de remuer les neurones du lecteur amateur (au sens premier, celui qui aime), Calvino posait la question cruciale : pourquoi lire les classiques ? Sa réponse finale est satisfaisante : pour le plaisir de les avoir lus. Mais franchement, pourquoi se taper les huit cents pages d’Ivanhoé (1819), le neuvième roman de Walter Scott (1771-1832) alors qu’il suffit de regarder les cent quarante minutes de Robin des Bois, d’un autre Scott (Ridley de son prénom), pour avoir grosso modo la même histoire ? Car après tout, on la connaît par cœur, l’histoire de Richard Cœur de Lion qui revient de Palestine pour détrôner son félon de frère, ce Jean qu’une enfance passée sous influence disneyienne incitera à tout jamais à voir sous les traits d’un lion aussi malingre que sournois sous sa couronne trop richement ornée pour être honnête, et ce avec l’aide d’un Robin des Bois que Kevin Costner dans une autre adaptation n’interprétait pas trop mal, à la réflexion. D’autant que, finalement, ce roman intitulé Ivanhoé raconte une histoire qui se déroule pour l’essentiel sans son personnage principal, puisque celui-ci est blessé quasi à sa première apparition et reste allongé durant plus de cinq cents pages. Bref, aussi classique qu’il soit, la question se pose : pourquoi lire Ivanhoé en 2016 alors qu’on sait depuis longtemps que les usurpateurs sont au pouvoir et que, comme chantait le groupe anglais Housemartins sur Flag Day, « too many Florence Nightingale, not enough Robin Hoods » ?

Trois poèmes préislamiques Le Cédrat, La Jument et La Goule

Ecrit par Didier Ayres , le Vendredi, 03 Février 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Pays arabes, Sindbad, Actes Sud

Trois poèmes préislamiques Le Cédrat, La Jument et La Goule, présentés et traduits de l’arabe par Pierre Larcher, octobre 2016, 16 € Edition: Sindbad, Actes Sud

 

Mystère des temps

Ces trois poèmes préislamiques que présente ici Pierre Larcher, constituent une petite partie de ce livre que publient les éditions Sindbad Actes sud, sachant que l’ouvrage est doté d’un important appareil critique, très développé et savant. Au reste, on peut s’autoriser plusieurs lectures : celle de l’ensemble, texte et apparat critique, ou celle d’un mélange des deux lectures, la savante et la sienne propre, ou encore ne lire que les poèmes – ce qui n’est pas tout à fait impossible. Car il est net que quelle que soit la lecture choisie, nous sommes devant une poésie mystérieuse et profonde. Car comment aborder ce continent enfoui sous les siècles de l’Islam, créé avant l’Hégire, sinon comme une sorte d’objet archéologique, à l’instar des Hymnes Védiques ou des énigmes de la Kabbale ? Il faut surtout abandonner la raison raisonnante et se fier aux « couleurs » du texte, à ce rythme, comme le considère Nietzsche dans le Gai savoir, où le philosophe explique la naissance de la poésie par le rythme qui suivrait l’évolution de la civilisation, et qui en serait le témoin.

Une nuit, Markovitch, Ayelet Gundar-Goshen

Ecrit par Anne Morin , le Jeudi, 02 Février 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Presses de la Cité, Israël

Une nuit, Markovitch, août 2016, trad. hébreu Ziva Avran, Arlette Pierrot, Laurence Sendrowicz, 476 pages, 23 € . Ecrivain(s): Ayelet Gundar-Goshen Edition: Presses de la Cité

 

Yaacov Markovitch, le transparent, celui qu’on ne voit pas, qu’on ne remarque pas, sur qui les regards glissent, n’a qu’un ami, Zeev Feinberg, son opposé : Si Yaacov est mince, fluet, insipide, pâle aux yeux pâles et se fond dans le paysage, Zeev est un colosse à moustache luxuriante, grand amateur de femmes :

« Yaacov Markovitch, pour vous servir !

(…) Bref, son intervention tomba comme un cheveu sur la soupe. Le lieutenant-commandant le toisa d’un regard identique à celui du médecin de campagne qui examine un prélèvement de selles, puis reprit le fil de sa conversation » (p.36).

Le premier est prêt à tout pour son seul ami, le seul qui l’ait remarqué et pour qui il donnerait sa vie. Après avoir été surpris par le mari de Rachel, boucher grand égorgeur de moutons, Feinberg et Yaacov qui a tenté de détourner l’attention du mari sont expédiés de toute urgence en Europe par le lieutenant-commandant ami de Feinberg. Nous sommes au temps de la montée du nazisme, des Juifs célibataires sont envoyés en Europe pour y épouser – en mariage blanc – et ramener en Palestine de jeunes femmes Juives européennes.

Asinus in fabula, Guido Furci

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 02 Février 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Cardère éditions

Asinus in fabula, avril 2015, 61 pages, 12 € . Ecrivain(s): Guido Furci Edition: Cardère éditions

 

Asinus in fabula. Certes, l’âne est dans la fable depuis longtemps, l’âne est un personnage littéraire depuis la littérature, au moins depuis Apulée. Comment cet asinus in fabula est-il devenu le titre de ce singulier recueil de Guido Furci ? L’âne est présent, au milieu du recueil, dans une très courte fable originale d’une page en italien faisant face à une page en français, fable dont il est le héros. Grâce à ses oreilles en forme d’hélices, il vole jusqu’à la lune, s’y pose, et constate : « La lune est une énorme ricotta. C’est juste qu’elle ne bouge pas à droite et à gauche comme un flan… ». L’âne est capable de voir ce que le commun des hommes mortels ne voit pas. L’âne est capable de comprendre la lune. L’âne est un poète. L’auteur est un poète. L’auteur est un âne. L’auteur âne poète a des oreilles en forme d’hélices. Tous les poètes auraient-ils des oreilles d’âne en forme d’hélices ?

L’ouvrage est structuré de façon symétrique comme un diptyque dont le centre est le conte de l’âne. D’un côté, et de l’autre, deux compositions de versets numérotés de un à vingt-quatre, soit quatre-vingt-seize au total. Le lecteur est incité à mettre en correspondance, une à une, les compositions qui précèdent le conte de l’âne avec chacune de celles qui le suivent.

William Shakespeare, Hamlet, Aki Kuroda

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mercredi, 01 Février 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Gallimard, Arts, Théâtre

William Shakespeare, Hamlet, octobre 2016, trad. anglais Jean-Michel Déprats, Illustrations Aki Kuroda, 200 pages, 45 € . Ecrivain(s): Aki Kuroda Edition: Gallimard

 

Il fallait Aki Kuroda pour tenir la corde face au Hamlet de Shakespeare. Le texte risquait de manger l’image. Et il n’était pas évident de trouver un bouclier face à la pièce qui dévore tout – même ses personnages.

Face à une mise à mort – puisque tout se termine dans un « Allez, donnez l’ordre aux soldats de tirer » – Kuroda a su offrir à la fois du même, du dissemblable et du disparate en tout un jeu d’inserts là où les formes se découvrent en avançant. Si bien que le livre se lit et se regarde comme un ouvrage quasiment pieux. Mais fidèles au texte, les œuvres restent néanmoins pleines de désarroi et de discorde.

Kuroda ajoute donc ses touches au texte, ce qui tient d’une véritable gageure. L’image n’illustre pas la tragédie shakespearienne : il la « présage » comme il la « dissemble ». Au pouvoir terrifiant d’Hamlet répond la sidération des images. Le format du livre leur donne toute sa puissance. D’autant que l’art de Kuroda n’étale pas, il condense en transposant le texte dans un autre champ de perception non seulement intellectuelle mais sensorielle.