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La poule pond suivi de Sonica mon lapin, Michel Ohl

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret 24.03.17 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, La Table Ronde

La poule pond suivi de Sonica mon lapin, mars 2017, 128 pages, 15 €

Ecrivain(s): Michel Ohl Edition: La Table Ronde

La poule pond suivi de Sonica mon lapin, Michel Ohl

 

Créateur des éditions Schéol, adorateur de la littérature russe, ami de Rigaud, Cravan, Artaud, Crevel, proche par l’esprit de Gogol, Jarry, Allais, Queneau, Verheggen, Fénéon, et autres irréguliers de la langue, Michel Ohl a poursuivi librement ses pérégrinations terrestres, jouissives, jusqu’à sa mort en 2014. Sont réunis pour La Table Ronde son livre le plus ancien Sonica mon Lapin et un des plus récents La poule pond : de quoi montrer comment sa littérature terre une perverse patate chaude, et passé dans les mains de ce jardinier exigeant qui fait sa pluie et son beau temps selon une écriture et une ivresse exacerbées, toujours prêt à faire feu de tout bois même celle d’une jambe de même tabac.

La communion cérébrale de chaque livre propage une commotion cervicale. Les mots de lune sortent de leurs gonds si bien que le discours mycose toujours là où les images sont atteintes de mildiou. Par substrats et rempotages, la sémiologie en prend pour son grade en passant sous les fourches caudines ou le moulin à rire du créateur. L’auteur pousse les jeunes comme les grands-mères dans les buissons et orties du sens pour les fourrer selon ses mains courantes dans la vie souterraine que continua le jardinier devenu pote âgé.

Chaque livre est une « botte à niques » plus qu’un manuel végétatif. Aux meurtres dans un jardin anglais, Ohl préféra les plaisirs solitaires d’une littérature nourrie de la lecture et de la boisson. Ces adjuvants permettent des visions aussi allusives qu’ironiquement fabuleuses. Elles répandent une glose lascive là où l’auteur sait monter sur ses ergots plutôt que de cogiter les pensums du cogito.

Preuve que le fomenteur est un faux menteur. Il ne fait pas les choses à moitié. Le pur purin devient purpurin et les œuvres de Jérôme Bosch se transforment en un Coffret Bosch spécial vissage et perçage. Il y a là de la pataphysique, du pur esprit dadaïste qui préfère les prothèses aux thèses afin que la littérature claudique à souhait.

Faisant du je un il, le premier devient un autre : manière de sortir du « caveaubulaire » qu’on ferme et de prendre un peu de recul pour peu qu’on ait encore du temps à perdre pour cultiver sarcasme et ironie. Ohl se fait ainsi propriétaire d’une œuvre qui doit à bien des maîtres : ils en garantissent l’intégrité et le droit « moral ». Preuve que l’auteur n’avait rien d’un vandale, il reste un esthète qui n’a jamais trouvé réponse satisfaisante aux données immédiates de la conscience et du réel.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

A consulter Petites scènes de la vie de papier (même éditeur) et Capharnaüm n°7, numéro spécial M. Ohl, Printemps 2017, Editions Finitude.

 

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A propos de l'écrivain

Michel Ohl

 

Michel Ohl, né le 5 décembre 1946 à Onesse-et-Laharie, et mort à Bordeaux le 20 octobre 2014, est un écrivain français.

 

A propos du rédacteur

Jean-Paul Gavard-Perret

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Domaines de prédilection : littérature française, poésie

Genres : poésie

Maisons d’édition les plus fréquentes : Gallimard, Fata Morgana, Unes, Editions de Minuit, P.O.L


Jean-Paul Gavard-Perret, critique de littérature et art contemporains et écrivain. Professeur honoraire Université de Savoie. Né en 1947 à Chambéry.