Novembre, Joséphine Johnson
Novembre, mars 2017, 204 pages, 14 €
Ecrivain(s): Joséphine Johnson Edition: Belfond
Les éditions Belfond publient dans leurs collections Vintage d’anciens romans. Novembre, de Josephine Johnson, est de ceux-là. Il s’inscrit dans le droit fil des romans de la Grande dépression tels que Les raisins de la colère de Steinbeck, ou Le petit arpent du bon Dieu, d’Erskine Caldwell. Ce dernier, décrivant la vie de petits blancs dans le deep south américain, peut se relier à Novembre.
C’est le sort d’une famille de fermiers, les Haldmarne, qui viennent s’installer dans une ferme du middle West, déjà hypothéquée et dont l’exploitation est très difficile, les rendements sont bas, le sol ingrat, la main-d’œuvre rare et trop chère pour le patriarche, Arnold Haldmarne, père taciturne, s’extériorisant peu, et dur à la tâche. Ses trois filles, Margot, Kerrin et Merle l’aident du mieux qu’elles peuvent dans l’exploitation de la ferme. Mais cette famille qui vient d’échapper à la dureté retrouve la cruauté de l’existence dans ses nouvelles terres : « Nous quittions un monde mal agencé et embrouillé, qui maugréait contre lui-même, pour arriver dans un monde non moins dur (…) mais qui tout au moins lui donnait quelque chose en retour ».
Pourtant, la narratrice Margot, seule narratrice dans le roman, fait peu à peu entrevoir sa vision des choses. Celle-ci tente de ménager un espoir en établissant une distinction, précieuse à ses yeux, entre la vie extérieure « faite de choses sur lesquelles on pouvait poser les mains » et la vie souterraine, intérieure. Cette vie autorisait encore l’espoir, restait ouverte à toutes les interrogations sociales, religieuses, métaphysiques.
Au cours du roman, Grant Koven vient rejoindre la ferme pour aider Arnold Haldmarne. Deux filles de la fratrie, Kerrin et Margot, tomberont secrètement amoureuses de cet homme, qui finit par quitter la ferme. C’est la prééminence du désespoir que dépeint Josephine Johnson, à travers le portrait de cette famille maudite, dont l’un des membres Margot avoue pourtant que la haine est inutile, même si elle est près d’y succomber vis-à-vis de sa sœur : « C’était inutile de haïr. Je me dis ceci : Nous n’avons pas le temps de haïr (…) Kerrin voulait Grant, le voulait plus qu’aucune autre chose qu’elle eût jamais cherché à agripper ». Le dénouement est terrible : un incendie ravage les champs cultivés par Arnold Haldmarne, la mère meurt, ce qui plonge la famille dans une déréliction définitive. Les notions de justice et de récompense perdent alors tout sens.
Beau roman, très dur dans son réalisme exacerbé, illustration de destins brisés et anéantis concurremment par leur époque et la nature.
Stéphane Bret
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