Prendre les loups pour des chiens, Hervé Le Corre (2ème critique)
Prendre les loups pour des chiens, janvier 2017, 320 pages, 19,90 €
Ecrivain(s): Hervé Le Corre Edition: Rivages
Si l’on cherchait à caractériser l’ouvrage d’Hervé Le Corre, Prendre les loups pour des chiens, on hésiterait entre « polar psychologique » et « roman noir à suspense », avec la dose de violence et de déviance qui convient pour entretenir le malaise chez le lecteur.
A l’instar de son précédent roman, Après la guerre, la scène se situe dans la région de Bordeaux, d’où l’auteur est originaire. Mais ici il s’agit d’une histoire très contemporaine, qui se déroule dans la moiteur étouffante d’un été du XXIe siècle, et qui n’est pas ancrée sur une toile de fond historique – Après la guerre prenait place dans les années 1950 en mettant au jour les stigmates de la Seconde Guerre mondiale.
Dans la première moitié du roman, le lecteur est lancé sur la fausse piste du triangle adultère : Fabien, le mari absent, parti en Espagne pour affaires et qui tarde à revenir, Franck, le jeune frère tout juste sorti de prison et hébergé dans la famille de la compagne de Fabien, Jessica, provocante et paumée à souhait.
Se greffent autour de ce trio des personnages qui recèlent tous une part de mystère : l’énigmatique Rachel, fille de Jessica, pour le moins excessivement renfermée sur elle-même, le père de Jessica, le Vieux, qui fait du trafic de voitures avec Serge, dit le Gitan, un homme louche et qui inspire aussitôt à Franck une bonne dose de méfiance, mais aussi Soler, Pascal ou Ivan le Serbe, tous plus maléfiques et dangereux les uns que les autres…
La violence sourd des pages de ce livre comme la sueur des pores d’un homme qui a peur. La seule façon d’agir ou de réagir des protagonistes semble être la loi du talion : œil pour œil, dent pour dent, baignant dans une mare de sang. Mais le ton se fait aussi très sensuel, respectant les codes du roman noir américain, lorsqu’il s’agit de décrire les femmes et le désir qu’elles inspirent – Nora, une ex de Franck, mais surtout Jessica, la belle-sœur interdite et constamment désirée :
« Elle était maintenant collée à la vitre de l’étal, dressée sur la pointe des pieds ».
« Puis elle s’est avancée et s’est assise à califourchon puis s’est couchée sur lui en se frottant et il a ouvert les bras sans oser la toucher ».
Le rythme lent et étouffant de l’intrigue, oscillant sur le bord de la catastrophe, s’accélère brutalement dans le dernier tiers du roman avec un déferlement de violence, des réglements de compte, la cavale, la survie, puis la découverte finale et la scène de lutte animale.
Même les chiens finissent par mourir, seuls les loups continuent à hurler à la mort.
Sylvie Ferrando
Lire la critique de Léon-Marc Levy sur la même oeuvre
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