Une Mère, Alejandro Palomas
Une Mère, mars 2017, trad. espagnol Vanessa Capieu, 310 pages, 21 €
Ecrivain(s): Alejandro Palomas Edition: Le Cherche-Midi
C’est un voyage en émotions. Un mille-feuille. Chaque fois qu’une feuille se détache, un personnage se découvre un peu plus. Le principal, en fil rouge, est celui de la mère de deux filles et d’un garçon. Elle n’a plus pour famille que ses enfants et un frère quelque peu hâbleur. Une amie, aussi, qui lui sert tour à tour d’alibi ou de justification.
Le soir de la Saint-Sylvestre, ils sont tous réunis autour de la table familiale. Le couvert est dressé pour tous plus un autre, à une place qui reste vide. On apprendra pourquoi.
La mère pourrait paraître fantasque, mais en vérité elle détourne d’un revers de main (elle est assez maladroite) ou par un biais de langage tout ce qui pourrait contrarier l’équilibre de sa famille. Elle sait, comme une mère, les souffrances de ses enfants, leurs difficultés, plus celles qu’elle découvre ce soir-là, ce que jusqu’à présent on ne lui avait pas dit. Son devoir est de les aider à se restaurer, sans jamais tomber dans un méli-mélo dramatique, car le sujet s’y prête (et l’auteur a été très attentif à ce piège), sans jamais aller vers l’excès. Cette femme est attachante et touchante dans son efficace simplicité !
Mais elle n’est pas la seule. Les autres personnages, présents ou absents, même s’ils peuvent parfois être agacés par les façons de faire de leur mère, lui vouent un amour que rien, on le sent à chaque page, ne pourra malmener. Amalia est une et indivisible et elle règne sur son petit monde avec une rare habileté.
Ils sont là, perdus dans leurs vies, chacun au bord de son désespoir. Comme chaque mère, elle le sent, elle ne sait pas l’objet et elle attend le moment opportun, celui qui lui permettra d’intervenir. Elle sait alors leur dire ce qu’il faut, leur montrer d’autres chemins, des directions à envisager. Non elle n’est pas l’idiote loufoque sous l’influence de son amie « gourou ». Amalia n’est pas un esprit dispersé, au contraire elle sait parfaitement ce qu’elle fait, même quand elle prend les choses avec une évidente désinvolture. C’est en ce sens qu’elle est habile. À aucun moment, on ne sent que cette famille va se déchirer.
Le style est sobre, net, précis, il colle exactement avec l’ambiance de cette nuit si particulière. La réussite parfaite de ce roman est d’avoir traité de sujets graves, qui pourraient affecter chacun d’entre nous, avec une dose d’humour distillée en goutte à goutte qui nous fait parfois sourire, rire, mais c’est pour masquer un désarroi.
Gilles Brancati
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