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Les Livres

Ni bruit ni fureur, Lucien Suel

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 03 Mai 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, La Table Ronde

Ni bruit ni fureur, mars 2017, 176 pages, 16 € . Ecrivain(s): Lucien Suel Edition: La Table Ronde

 

Pas de bruit ni de fureur mais beaucoup d’empathie pour les mondes enfouis, l’enfance, la Mer du nord, les filles du Nord, les jardins. Les disparus, à la pelle, reçoivent force hommages et mercis.

La langue de Suel offre une diversité stylistique qui donne à ses poèmes marque et personnalité. Ce sont tantôt de très longs poèmes debout, serrés ; ce sont des proses en « semailles » et « narcisses », des « tombeaux » à l’adresse de plusieurs Christophe (Tarkos, Wattel) comme des inventaires prévertiens ; ce sont des inventives litanies poétiques où il se définit « dans la cathédrale de mes os ». Cette langue, prompte à convier des mots rares, des images elliptiques, des descriptions entomologiques et botaniques, renoue avec l’enfance des sensations : « la brouette du maçon », « l’évier blanc émaillé », « la fille du jardinier (qui) récolte les haricots de l’été », les mots picards (muchelot muché), les noms du nord (Wittebecque), les os de Rachel et de tant d’autres.

Trois saisons à Venise, Matthias Zschokke

Ecrit par Michel Host , le Mardi, 02 Mai 2017. , dans Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, La Une Livres, Langue allemande, Récits, Zoe, Voyages

Trois saisons à Venise, novembre 2016, trad. allemand Isabelle Rüf, 380 p. 22,50 € . Ecrivain(s): Matthias Zschokke Edition: Zoe

« Je veux devenir comme ça : m’opposer au monde jusqu’à ce qu’il m’ait complètement laminé », Matthias Zchokke

 

L’escale de l’écrivain

Un exemple de l’impossibilité d’aller contre envieux et jaloux nous est apporté par l’écrivain suisse allemand, Matthias Zschokke. Dès l’ouverture de son dernier livre, Trois saisons à Venise, ceci : « Il n’avait pas de famille. Des amis, il ne lui en restait pas beaucoup non plus depuis que le bruit s’était répandu que la chance le favorisait d’une manière inquiétante. Il craignait que cette invitation à Venise soit considérée comme une preuve supplémentaire de cette chance supposée, ce qui inciterait ses dernières connaissances à rompre tout contact avec lui – “à se détourner de lui avec horreur” ». On reconnaît, dans cette « chance supposée », l’impossibilité d’admettre qu’il y eût à son origine quelques efforts, un peu de travail, voire un soupçon de talent. Bien des écrivains jamais invités à Venise se verront quelques points de ressemblance avec l’auteur de l’exceptionnel roman Max (voir ci-après), et le propos doit être brièvement développé.

Rancœurs de province, Carlos Bernatek

Ecrit par Cathy Garcia , le Mardi, 02 Mai 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Amérique Latine, Roman, L'Olivier (Seuil)

Rancœurs de province, février 2017, trad. Espagnol (Argentine) Delphine Valentin, 288 pages, 22 € . Ecrivain(s): Carlos Bernatek Edition: L'Olivier (Seuil)

 

Selva et Leopoldo, dit Poli. Une jeune femme un peu coincée et un homme déjà mûr, deux tranches de vies, pas très belles, amères même. Deux histoires qui sont racontées ici en alternance sans aucun lien entre elles, si ce n’est qu’elles se passent toutes deux dans la province argentine, éloignée de Buenos Aires. Deux personnages modestes, voire fades, sans envergure, qui se retrouvent chacun happé par des évènements hors de leur contrôle.

Poli, petit vendeur itinérant d’encyclopédies, qui gagne de quoi assurer un minimum qui ne suffit pas à sa famille qu’il voit peu, découvre que sa femme le trompe depuis un moment avec un riche avocat. Celle-ci le met alors à la porte sans ménagement, alors que dans un même temps il est remercié par sa boite. Il perd donc sa femme et son fils qui ont trouvé un meilleur parti, son travail, sa maison. Ne lui reste que sa camionnette et quelques encyclopédies, avec lesquelles il part au hasard, complètement largué sur tous les plans. C’est ainsi qu’il atterrit dans un petit village où une bande d’évangélistes l’embauche pour vendre des Bibles et du dentifrice…

Soleil patient, Gabrielle Althen

Ecrit par France Burghelle Rey , le Mardi, 02 Mai 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Arfuyen

Soleil patient, 142 pages, 14 € . Ecrivain(s): Gabrielle Althen Edition: Arfuyen

 

Dès le texte liminaire, les choses s’inversent : « Le mot arrive / puis il nous dévisage » au moment où la poète, dans l’appartenance à un groupe, réfléchit à une marche collective sans savoir « où va le temps » lui-même.

Des textes apparemment sans lien entre eux ne semblent obéir ni à une structure propre ni à une structure commune et offrent au rythme sa variété. On distingue, à ce sujet, une certaine obéissance au mètre et parfois également à la rime ; des surprises, d’autre part, sont ménagées comme, par exemple, quand deux versets se font face.

L’écriture, contemporaine dans la mesure où elle refuse de se plier au commentaire, ne renonce cependant pas à la beauté sincère de la métaphore : « Des perles manquent au chapelet de la parole » ou aux allitérations et aux assonances : « la foret verte égrène ses vertèbres », « Le val est vert et la saison profonde ». Rythme oblige. Ainsi lit-on encore des chutes qui chantent notamment à l’occasion d’interrogations récurrentes, de questions sur l’être, le temps, l’ailleurs.

Pour saluer la parution de Jack London dans la Pléiade (2) - Bonnes feuilles

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Samedi, 29 Avril 2017. , dans Les Livres, La Une Livres, USA, Roman, La Pléiade Gallimard

Oeuvres Jack London, 110 €, deux tomes . Ecrivain(s): Jack London Edition: La Pléiade Gallimard

 

Pour comprendre en quoi Jack London est un grand écrivain, il suffit, sans nulle glose, vêtement ici inutile, de relire la fin de son chef-d’œuvre Martin Eden, dans l’impeccable traduction de Philippe Jaworski insérée dans le deuxième tome de cette édition des Romans, récits et nouvelles.

 

« Il éteignit la lumière dans sa cabine, afin de pouvoir opérer en toute sécurité, et se glissa à travers le hublot, les pieds devant. Comme ses épaules ne passaient pas par l’ouverture, il dut recommencer en plaquant un bras contre son côté. Un mouvement de roulis du bateau l’aida, et il se retrouva au-dessus des flots, accroché au hublot par les mains. Quand ses pieds touchèrent l’eau, il se laissa tomber. Il était dans une mousse d’écume. Le flanc du Mariposa fila devant lui comme un mur sombre percé ici et là de hublots éclairés. Ce paquebot allait sûrement battre tous les records de vitesse. Sans presque s’en apercevoir, il se retrouva à l’arrière, nageant calmement dans une eau mousseuse et crépitante.