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Les Livres

Une chance minuscule, Claudia Pineiro

Ecrit par Martine L. Petauton , le Jeudi, 22 Juin 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Amérique Latine, Roman, Actes Sud

Une chance minuscule, mars 2017, trad. espagnol (Argentine) Romain Magras, 261 pages, 22 € . Ecrivain(s): Claudia Piñeiro Edition: Actes Sud

 

Absolument prenant. Au croisement – subtil mélange – du récit peut-être autobiographique ou pas loin, du thriller, du drame intimiste. Plongée en apnée au fond des composantes troublantes d’un « soi » qui n’est pas celui de n’importe qui. Vraie réussite que ce Une chance minuscule, peut-être parce qu’il est composé de tout ce qui définit la littérature, dans le vaste comme le simple : d’abord une histoire racontée, des personnages et situations qu’on enfourche sans redescendre, et puis, une écriture et une architecture. Sans oublier une musique, un rythme, qu’on n’oubliera pas…

En Argentine, de nos jours – ce n’est pas sans intérêt – mais transférable partout, pour peu qu’on reste dans une bourgeoisie bienséante et catholique. Une famille, maison, école – le chic collège Saint Peter dans le grand Buenos Aires ; la femme qui parle y enseigne un peu pour s’occuper sans doute et son fils y est scolarisé. Usages précisément détaillés de riches contemporains comme il en est ailleurs. Elle s’ennuie et le mari – chirurgien – amasse. Terre et ciel, comme on dit de certains. Des familles en arrière-plan, la sienne, modeste, bercée par Piazzolla, celle de l’époux, abondante, quelque peu invasive, se voulant protectrice comme on sait l’être en Amérique Latine. Un seul enfant, un garçon, le héros-double, reflet présent/absent de l’histoire de sa mère.

En amitié, Portraits, Jean Blot

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 22 Juin 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits

En amitié, Portraits, La Bibliothèque, Les Cosmopolites, 2015, 208 pages, 16 € . Ecrivain(s): Jean Blot

 

Le romancier, critique et essayiste Jean Blot, fonctionnaire à l’Unesco, bardé de prix littéraires prestigieux (Cazes, Valéry-Larbaud, des Critiques, etc.), né en 1923, exact contemporain de Bernard Pingaud, et que les lecteurs de Phoenix, revue phocéenne, connaissent bien pour ses chroniques brillantes, propose avec ce bel En amitié dix portraits d’écrivains-amis dont il parle avec chaleur et ferveur.

Chaque étude, accompagnée d’une photographie noir et blanc de l’écrivain, est le fruit de rencontres, de lectures, d’une amitié fervente. Ainsi, Pierre Emmanuel, Albert Camus, Eugène Ionesco, Marcel Arland, Albert Cohen, Roger Caillois, Lawrence Durrell, Nathalie Sarraute, Louis Guilloux, Denis de Rougemont, forment un panthéon intime, tissé d’une attention à l’autre, à sa personnalité unique, à l’aura qui se dégage de l’œuvre, à la qualité d’une relation qui a favorisé des points de vue et une approche singuliers : Jean Blot dépèce (même si le mot peut paraître paradoxal pour ces échanges de l’ordre de l’intime) le contexte dans lequel l’écrivain a surgi, s’est nourri, a « retenu » le lecteur privilégié.

Le cave du Vatican, Étienne Liebig

Ecrit par Guy Donikian , le Jeudi, 22 Juin 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Le cave du Vatican, La Musardine, avril 2017, 208 pages, 16 € . Ecrivain(s): Étienne Liebig

 

Elle, c’est Lorna, une très jolie fliquette, qui a ses méthodes pour obtenir les renseignements nécessaires au bon déroulement d’une enquête. Lui, c’est Glossu, son collègue, qui a aussi ses méthodes, mais plus classiques, puisqu’il distribue des mandales sans hésiter. Lorna, elle, se donne corps et âme pour aboutir lors d’enquêtes difficiles, et de son corps elle use et abuse, même si cela doit « débaucher » un jeune prêtre qui est raide dingue de ce corps.

Mais n’anticipons pas. Un premier meurtre est commis au Vatican, sur la personne d’un malfrat, connu des services de police à Paris. Et Lorna le connaissait « personnellement ». Elle est donc chargée de l’enquête avec son collègue Glossu. Ils se rendent alors à Rome pour éclaircir ce meurtre. Les différentes personnes interrogées vont mener ce duo de choc dans des lieux que, normalement, la prêtrise et le clergé en général ne sont pas censés fréquenter. Ainsi voit-on certains prélats rendre visite régulièrement à des prostituées, ou encore certains s’adonner à des pratiques sado-maso qui feraient pâlir le pire des maquereaux.

Canari, Duane Swierczynski

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mercredi, 21 Juin 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Rivages

Canari, avril 2017, trad. anglais Sophie Aslanides, 408 pages, 22 € . Ecrivain(s): Duane Swierczynski Edition: Rivages

 

 

Serafina Holland, dite Sarie, étudiante particulièrement brillante, admise à suivre le cursus des « honors students » à la faculté de lettres de Philadelphie, est aussi une belle jeune femme, longiligne et bronzée de type mexicain. Pour son père, Kevin, addictologue, elle est une enfant remarquable, sortant assez peu, ne buvant pas, ne fumant pas, ne se droguant pas, un modèle pour son jeune frère Marty et un soutien pour la famille. Sarie a perdu sa mère, Laura. Elle y pense souvent et a hérité de sa Civic au volant de laquelle elle se déplace dans Philadelphie. Au cours d’une soirée précédant la fête de Thanksgiving, elle va cependant commettre l’irréparable : boire une gorgée de bière et aspirer une bouffée de « joint ». Et, il n’en faudra pas plus à notre étudiante exemplaire pour transgresser ses codes et accepter nuitamment d’emmener « D. », pour qui cette jeune femme pratiquement sobre est une aubaine, à un mystérieux rendez-vous.

Ce léger rien des choses qui ont fui, Alain Duault

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mercredi, 21 Juin 2017. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Gallimard

Ce léger rien des choses qui ont fui, mai 2017, 208 pages, 19 € . Ecrivain(s): Alain Duault Edition: Gallimard

 

Pour Alain Duault l’essence de l’amour participe aux lèvres du temps : de l’aurore au soir de la vie peut en jaillir le même goût. Mais les mains aussi comme le reste du corps participent à l’énigme intime qui paradoxalement arrive à effacer celui de l’univers. Il ne s’agit pas dans ce but de ressasser le passé mais de revenir à un éternel présent. Il n’est pas sans passé mais ne fait pas injure au possible.

Echantillon du vacarme ou souffle à peine, l’amour est bien plus qu’un soubresaut. Prenant appui sur le silence, naissant de ses abîmes, le poète l’intègre à son rythme comme une secrète respiration peu à peu restituée au temps. Et qu’importe si celui-ci conduit irrémédiablement à la nuit. Il faut croire qu’un jour « se lèvera demain », ici même, et « continuer à chercher la sortie du labyrinthe » revient à accepter de s’y perdre afin de refuser de s’apparenter au néant.

Duault touche au plus profond, comme dans les lieder de Schubert, dans les quelques lignes mélodiques de Beethoven ou dans les partitions musicales demandées de Philip Glass. Le poète crée sa musique paradoxale, à la limite du murmure, l’union des contraires : présence et absence, force et faiblesse. C’est là la manière du poète afin d’appréhender ce Grand Secret cher à Henri Michaux et qu’il convient à tout créateur digne de ce nom de se saisir.