Une chance folle, Anne Godard
Une chance folle, septembre 2017, 144 pages, 14 €
Ecrivain(s): Anne Godard Edition: Les éditions de Minuit
Sauvée après avoir été brûlée par de l’eau bouillante suite à un accident domestique, lorsqu’elle était bébé, Magda, la narratrice, survit avec une blessure qui peine à se refermer. Elle s’élargit même, eu égard à ce qu’on en dit. Si bien que le corps au lieu d’être carapace devient un territoire presque « abject » d’exposition aux yeux du monde. Au fil de sa narration, Magda tente de remonter l’histoire de sa vie et de son corps dont le haut à l’exception d’un visage (superbe) a été altéré.
Cette histoire, elle la connaît trop. Sa mère n’a cessé de la ressasser devant tous ceux qu’elle croisait comme pour justifier son propre chemin de croix. De toute ces douleurs, la narratrice tente de se débarrasser en précisant au lecteur : « Pardon pour la laideur infligée, j’étais petite, je ne me souviens plus, mais vous avez le droit à des explications, ma mère m’en a légué tout un sac, tenez, écoutez, et ensuite laissez-moi passer, je ne veux pas déranger ».
L’auteur tente de se prendre en charge pour s’apaiser en auto-guérisseuse d’une peau et ses greffes et d’un poids mental, physique et affectif d’une estropiée. Elle s’apprend à faire avec ce corps, lui offre une nouvelle chance plus profonde et au-delà des stigmates. L’objectif est de sortir de son statut d’« infirme » pour qu’une renaissance ait lieu. Et que finisse la blessure d’enfance puis de l’adolescence spoliée entre opérations et de cures thermales douteuses. Le livre, quoique moins convainquant que L’Inconsolable (Minuit, 2006) reste puissant. La narratrice a certes du mal à proposer sa propre version.
Mais c’est là que le roman est fort : il bégaie subtilement… « Je m’étais promis de l’écrire » dit-elle en croyant « qu’il suffisait d’écrire, en suivant le fil jusqu’à ce que la bobine soit dévidée ». Mais sous la version « officielle » s’en cachent bien d’autres. Et il faut tout l’espace du roman afin qu’une rémission ait lieu là où les mots d’Anne Godard créent une autre opération (entendons ouverture) qui permettra enfin au corps et à l’âme de cicatriser.
Jean-Paul Gavard-Perret
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