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Les Chroniques

A propos de Tu ne parleras pas ma langue, Abdelfattah Kilito

Ecrit par Fedwa Ghanima Bouzit , le Vendredi, 25 Août 2017. , dans Les Chroniques, La Une CED

Tu ne parleras pas ma langue, Abdelfattah Kilito, Actes Sud, 2008, trad. arabe (Maroc) Francis Gouin, 112 pages, 17,30 €

 

Bilinguisme, traduction et territoires linguistiques

Abdelfattah Kilito est un grand lecteur. Dans ses essais comme dans ses récits, les références et les anecdotes littéraires abondent, tissées par une narration ludique et sagace. Car Kilito ne se limite pas à citer La divine comédie de Dante ou Les séances de Hamadhâni pour faire preuve d’une bonne culture littéraire, il fait de ces références des outils d’introspection et d’interrogation du monde.

Dans Tu ne parleras pas ma langue, l’auteur explore des questions propres à la langue, cet espace où nous résidons, mais aussi cet hôte qui nous habite, « un hôte pervers et têtu qui descend chez [le locuteur] sans permission, s’empare de lui et l’habite malgré lui ». Ce champ de pouvoirs, car « le pouvoir de nommer équivaut à la domination et signifie la maîtrise du monde ».

Tu ne parleras pas ma langue est une lecture riche et cocasse qui nous interroge sur notre rapport à la langue et nous donne envie de redécouvrir bien des auteurs et des pans de l’histoire sous l’angle linguistique.

A propos de Projet Anastasis, Jacques Vandroux

Ecrit par Mélanie Talcott , le Mardi, 22 Août 2017. , dans Les Chroniques, La Une CED

Projet Anastasis, Jacques Vandroux, Robert Laffont, juin 2017, 528 pages, 20 €

 

J’ignore si Jacques Vandroux connaît les conseils en écriture prescrits par Bernard Weber comme étant la recette magique du succès assuré… Toujours est-il que son ouvrage Projet Anastasis, publié par les éditions Robert Laffont, est un chef d’œuvre de marketing. Tout est pensé, pesé, agencé, contrôlé. Rien ne semble laissé au hasard tant dans le mécanisme parfaitement huilé de l’intrigue, qui joue les montagnes russes avec l’adrénaline figurée du lecteur, que dans les protagonistes principaux et secondaires de cette fiction.

Tout commence par le récit, talentueux et étonnamment évocateur dans sa réalité narrative, d’un attentat en plein Paris au cours duquel le terroriste, responsable du massacre, sauve malgré lui le petit Alexandre, fils d’un homme politique influent et de la femme qu’il vient de blesser mortellement, avant de disparaître avec l’enfant. Qui est-il ? A quelle mouvance appartient-il ? A qui obéit-il ? La réponse constitue la trame du roman.

Clap de fin de la première partie. Le décor est solidement planté pour les séquences suivantes qui se déroulent tambour battant sur cinq plans.

De la vie - À propos de La Somnambule dans une Traînée de Soufre, Catherine Gil Alcala

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 16 Août 2017. , dans Les Chroniques, La Une CED, Poésie

La Somnambule dans une Traînée de Soufre, Catherine Gil Alcala, éd. La maison brûlée, juin 2017, 13 €

 

On commence à connaître la voix de Catherine Gil Alcala, surtout en relation avec son travail de dramaturge, mais un peu moins en regard de sa poésie. D’ailleurs, les deux exercices lui procurent une originalité qui ne dément pas de livre en livre. Ce recueil, La Somnambule dans une Traînée de Soufre, qui pourrait peut-être être sous-titré par : une élégie des animaux ou une érotique du vocabulaire, est surtout un texte hybride et complexe, à la fois matière vivante et organisation de signes.

Il faudrait pour une étude scientifique (dont ces lignes d’aujourd’hui ne sont pas l’objet) se pencher sur les occurrences des noms d’animaux, et souligner en cela le caractère matériel des métaphores de la poétesse. Car c’est bien ici le secret de cette poésie où sa valeur vitale dépasse l’écriture et lui fait un climax. Cependant, en réfléchissant avant d’écrire cette note, il est apparu impérieux de rapprocher ce recueil des belles pages de Jean à Patmos, et souligner l’écho de ce texte dans le background de C. Gil Alcala, avec les figures de l’Apocalypse. Figures sexuelles aussi, dynamisantes et vives.

Manifeste de la Cause Littéraire, Mars 2011, par Léon-Marc Levy

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 02 Août 2017. , dans Les Chroniques, Editoriaux, La Une CED

« La Cause Littéraire » suggère par son intitulé l’ébauche d’un manifeste. Au moins d’une attitude : volontaire, « engagée ». L’objet de cet engagement n’est en rien idéologique, encore moins partisan : seule la littérature …

Andrée Chédid vient de disparaître. Nous étions quelques-uns alors à nous sentir bien tristes, mais au moins on a parlé d’elle ! Enfin, dans des media qui ne le font jamais, on a un peu - oh très peu - parlé de poésie ! Pendant quelques jours en tout cas. On a lu, dans « Le Parisien », ces quelques vers de la grande dame :


« Il est temps de vieillir

D’accepter ce qui te revient

D’assumer encore et encore

A chaque crépuscule

Ce qui depuis l’aube

T’appartient »

Hommage à Baudelaire (XI) – Jeanne ou le chemin de la rédemption, par Léon-Marc Levy

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Dimanche, 23 Juillet 2017. , dans Les Chroniques, La Une CED, Poésie

 

La chose est étonnante. Charles Baudelaire, reconnu à peu près universellement comme le plus grand poète de langue française (dans tous les cas l'un des plus grands), n'est pas un personnage qui suscite une sympathie spontanée. Définitivement. Il n’exerce, hors la beauté sublime de ses vers, aucune séduction, y compris sur la foule de ses admirateurs les plus passionnés. Au contraire, toute une troupe de grands poètes et écrivains français attire notre compassion, notre fascination, notre amour, un culte parfois, souvent en dépit de personnalités discutables.

François Villon, mauvais garçon, voyou sorbonnard, ivrogne, voleur, probablement même assassin, sûrement pendu par décision de justice. Pas de problème, on l'aime éperdument !

Jean-Jacques Rousseau, ombrageux, mauvais père, menteur, on lui pardonne tout !

Arthur Rimbaud, cynique, hautain, déloyal, violent. On l'adore !

Victor Hugo, orgueilleux, coléreux, méprisant avec ses confrères. On le vénère !