Droit de réponse – A Michel Host pour sa chronique sur « L’inconfort de je » aux éditions Jacques Flament, par Arnaud Genon
Cher Michel Host,
Vous venez de rendre compte, pour La Cause littéraire, du livre intitulé L’inconfort du je, dialogue sur l’écriture de soi (publié aux éditions Jacques Flament) que j’ai co-écrit avec Laurent Herrou. Sans ironie aucune, je vous en remercie. (Lire ICI la chronique en question)
Je voudrais toutefois revenir sur votre lecture, non pas pour la contester (je ne viens pas ici défendre mon livre), mais pour corriger quelques erreurs qui semblent avoir orienté, elles, le regard que vous avez daigné porter sur notre humble ouvrage.
L’anecdotique…
Vous nous désignez comme « deux universitaires ». Sans savoir quelle connotation vous accordez à cette dénomination – je l’imagine péjorative à lecture de votre recension – je dois vous signaler, si l’on s’accorde sur le sens de « personne qui enseigne à l’université », qu’elle est fausse. J’ai en effet effectué des études universitaires (je suis docteur en littérature française), j’ai publié quelques études, des articles mais je n’ai jamais enseigné dans une université. Je suis enseignant dans le secondaire depuis dix-sept ans et n’entretient à proprement parler qu’une relation occasionnelle et distante avec le « cercle » que vous mentionnez. Quant à Laurent Herrou, il a bien étudié la médecine une année, il y a plus de 20 ans, je ne crains que ce passage sur les bancs de la faculté ne suffise pas à faire de lui un « universitaire ». Par ailleurs, à ma connaissance, il n’est jamais intervenu en tant qu’écrivain dans une quelconque université et ses relations avec le « cercle universitaire » sont encore plus restreintes que les miennes.
Poursuivons. Je serais un universitaire « toulousain ». Je suis né à Pau, puis j’ai vécu à Saint-Jean-de-Luz, j’ai étudié à Bordeaux. J’ai ensuite enseigné à Troyes, une petite dizaine d’années (années durant lesquelles j’ai préparé ma thèse par correspondance avec une université britannique) avant de partir au Maroc (trois ans) puis de m’installer en Allemagne, depuis 2012, pour y travailler là aussi, comme enseignant dans le secondaire. Il est vrai que j’ai passé une nuit à Toulouse, en 1998, à l’occasion la fête de la musique (vous semblez bien me connaître). Cependant cette courte villégiature ne saurait être la raison suffisante pour faire de moi un « toulousain »… Je passe aussi beaucoup de temps au Pays basque, et au moins deux semaines par an (depuis une dizaine d’années) en Espagne. Cela pourrait faire de moi, je suppose, un basco-espagnol et, par voie de conséquence, un potentiel membre d’E.T.A… Or je ne tiens à avoir aucun problème avec la police…
Le plus gênant…
Continuons. Notre « particularité », à Laurent Herrou et à moi-même, serait d’être « gay »… Etre « gay » serait une « particularité », un trait distinctif et nous ne serions réductibles qu’à cette orientation sexuelle. Je ne savais pas qu’être hétérosexuel était aussi une « particularité »… Serait-ce la vôtre ? Si c’était le cas, il se trouve que nous aurions, vous et moi, la même « particularité », celle d’être « hétérosexuel ». En effet, ne vous en déplaise, je suis marié, père de deux jeunes enfants, un garçon et une fille, âgés respectivement de 6 et 8 ans. Je vis en couple avec mon épouse depuis vingt ans. Cependant, une de mes « particularités », parmi bien d’autres, est d’aimer la littérature, le sport (le tennis, plus spécialement), d’être impatient et de détester la mauvaise foi. J’adore cuisiner les pâtes, aussi, comme Laurent Herrou qui, lui, est effectivement « gay » même si, quant à moi, je n’ai jamais fait de son orientation sexuelle une « particularité ». Ce qui le particularise, à mes yeux, c’est son sens de l’amitié, le courage de ses livres, son rapport à la langue, à l’écriture, son écriture qu’on peut par ailleurs ne pas apprécier (même si moi, de mon côté et à ma petite mesure, j’essaie de la défendre). Mais je crois comprendre la raison de votre erreur, du raccourci intellectuel que vous empruntez. Je lis Laurent Herrou, j’ai travaillé sur Hervé Guibert, j’apprécie le travail de Mathieu Simonet (que nous citons tous les deux, dans notre texte) ou d’Abdellah Taïa donc, par voie de conséquence, je ne peux être « que » gay. Cela va de soi (de même que d’avoir été une nuit à Toulouse, en 1998, fait de moi un toulousain). (Mais je suis aussi un grand lecteur de Flaubert que je tiens pour le plus grand écrivain, de Serge Doubrovsky ou de Camille Laurens ; je tenais à vous en informer…). Par ailleurs, vous nous reprochez ou vous étonnez de nous voir citer Christine Angot… « Est-elle entrée dans la compagnie lesbienne ? » vous interrogez-vous. Qu’est-ce à dire ? Que nous ne devrions nous intéresser qu’à des auteurs dont l’orientation sexuelle serait identique à la nôtre ? Monsieur Host, saviez-vous que l’on peut aimer Colette sans être « lesbienne », lire Gide sans être « pédéraste » et apprécier Patrick Modiano en étant « gay »? Notre livre ne vous a rien appris (je le conçois), gageons que cette réponse aura au moins des vertus instructives indéniables… Soit dit en passant, vous accordez beaucoup plus d’importance dans votre article à Christine Angot que nous n’en accordons, nous, dans notre livre.
La déontologie du critique…
De même, je n’ai pas le souvenir d’avoir parlé du SIDA dans le livre que vous semblez avoir lu, sinon de manière anecdotique (mais parlant d’Hervé Guibert il paraissait difficile d’y échapper). Cependant, si nous avons effectivement évoqué, comme vous le dites, « les stupéfactions et les souffrances inouïes des années 60, lorsque les communautés homosexuelles furent frappées par le SIDA », je m’en veux énormément. Tout d’abord, parce que le SIDA, dans les années soixante, n’existait pas encore, deuxièmement, parce que Laurent Herrou était encore un nourrisson peu concerné par les choses du sexe (il est né en 1967) et que je n’étais moi-même pas encore né (ne fût-ce que dans l’imagination de mes parents qui ne se connaissaient pas encore). « Les années 70 et 80 virent naître les premiers espoirs d’amélioration, puis de guérison différée avec les trithérapies » ajoutez-vous… Sommes-nous, Laurent Herrou et moi-même, les auteurs de telles bêtises ? Ou en assumez-vous l’entière paternité ? Je vous mets au défi de trouver dans notre texte (que vous ne semblez plus vraiment avoir lu) les propos que vous nous attribuez. Le SIDA apparaît, pour mémoire, en 1981 et la trithérapie en… 1996. Mais nous ne sommes pas à une approximation près…
Comme vous, Monsieur Host, j’aime beaucoup les livres. Beaucoup. Je n’ai pas votre talent, mais j’ai au moins l’honnêteté de parler des livres que j’ai lus, même si c’est pour dire que je ne les ai pas aimés. D’autres personnes n’aimeront pas notre livre, je n’en doute pas, aussi bavards soient-ils (« Cela ahane et s’étend sur des pages et des pages, cela n’intéresse aucun lecteur du commun des mortels, et on peut se demander si les bavards y trouvent eux-mêmes de l’intérêt »). J’espère juste qu’ils le liront mieux que vous ne l’avez fait.
Les bavards ne sont pas toujours ceux que l’on croit…
Arnaud Genon
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