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Les Livres

On n’en taire pas les fantômes, Marine Leconte (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mardi, 27 Août 2024. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

On n’en taire pas les fantômes, Marine Leconte, L’Ire de l’Ours Éditions, février 2024, 86 pages, dessins Agathe Lievens, 10 €

 

L’aire de jeux maudite acidulée de sachets de bonbons et « remplie de poudre acide » dans laquelle Marine Leconte nous attire (un peu à la façon de Marlène Tissot, Sous les fleurs de la tapisserie, publiée chez Maltaverne, l’éditeur du Citron Gare et du fanzine Traction-Brabant alias T-B), nous sidère, nous retourne comme ses poèmes nous renversent face contre terre ou nous arrachant la face après le masque, là où ça fait mal, à l’envers écorché des choses. Ça balance des mots en éclats, les fracasse en éclairs qui crèvent des « peaux d’hostie » ; ça pulvérise de petits êtres qui s’essaient à la chose fatale et chutent comme cette petite fille dans une situation titubante où passe de travers la vie courante, où, là, la vie ordinaire passe « de l’autre côté du texte »… Langage poétique à l’humour qui percute et catapulte les codes, langue blanche clinique des mots : et si c’était (f)utile parade à la pesanteur des choses ?

Le XIXe siècle à travers les âges, Philippe Muray (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 26 Août 2024. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Les Belles Lettres

Le XIXe siècle à travers les âges, Philippe Muray, Les Belles-Lettres, février 2024, 652 pages, 29 € Edition: Les Belles Lettres

 

Qu’est-ce que Le XIXe siècle à travers les âges ? L’ouvrage a le volume et l’érudition des anciennes thèses de doctorat d’État et Philippe Muray l’a d’ailleurs conçu dans un cadre universitaire (lors d’un séjour à Stanford, en 1983), mais il manque l’appareil foisonnant des références, les notes infrapaginales qui prolifèrent et remontent parfois jusqu’au titre courant, les dizaines de pages de bibliographie répertoriant ouvrages imprimés, manuscrits conservés dans les endroits les plus insolites ou les moins accessibles, la littérature secondaire recensant même des notules publiées dans des périodiques locaux disparus et oubliés, la volonté d’exhaustivité, enfin, appliquée parfois à un seul auteur, voire à une seule œuvre. Mais le projet de Philippe Muray dépassait les forces d’un homme seul, puisqu’il s’agissait d’embrasser tout un siècle au long duquel on a beaucoup pensé, écrit et publié. Il le définissait ainsi :

Séries Parisiennes, Vues de quartier, Étienne Faure (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 26 Août 2024. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Séries Parisiennes, Vues de quartier, Étienne Faure, Gallimard, juin 2024, 144 pages, 17 €

 

Plasticité

Avant d’en venir au cœur de mon impression de lecteur du dernier livre d’Étienne Faure, je voudrais un peu parler de moi. Cela sera peut-être instructif. Paris, la ville dont il est question dans l’ouvrage, ma ville natale, se présente à moi qui vis en province depuis des décennies, et qui me tourmente par son excès de civilisation, comme le lieu idéal de la pensée sensitive. Ville dont simplement la Seine contient toutes les couleurs allant du vert d’eau au gris anthracite, de l’écoulement bleuté où se mirent les nuages jusqu’aux eaux les plus noires de l’angoisse, du spleen. Et ce seul élément n’est qu’une pièce rapportée aux noms des rues, aux jardins, aux parcs, Luxembourg, Monceau, Buttes-Chaumont, aux cafés, Le Flore, Le Beaubourg, Le Dôme, et à cette population ultraraffinée, sujette à différentes langues, sociolectes, accents… Tout cela pour dire que je suis déchiré depuis longtemps par cette coupure en moi de l’ultra-éducation de la capitale, par opposition au silence et aux voix sourdes de la campagne, des petites villes de la France profonde, villages vivant sur eux-mêmes, construction antagoniste entre la poétique et les réalités.

Clémence en colère, Mirion Malle (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 23 Août 2024. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Albums, Bandes Dessinées

Clémence en colère, Mirion Malle, éditions La Ville brûle, mai 2024, 224 pages, 23 €

 

Couleur feu

Mirion Malle née en 1992 en Charente-Maritime a vécu entre Paris, Bruxelles et Montréal. Elle a étudié à l’École supérieure des arts Saint-Luc à Bruxelles, et est titulaire d’un master de sociologie et anthropologie avec une spécialité en Genre. Son nouveau roman graphique pour lequel elle a créé texte et images a pour personnage principal Clémence, une révoltée, belle rousse tatouée. L’histoire est sans doute située au Québec, car son héroïne Clémence s’exprime dans un langage émaillé d’anglais – « Les dudes me saoulent (…) Ben… que je suis pas mal fucked up (…) I wish qu’ils aient peur de mourir en nous touchant esti » –, un sociolecte relativement élaboré, en fait, afin d’appréhender son mal-être et se libérer des brutalités du passé.

Cadastre des misères, Vincent Dutois (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Vendredi, 23 Août 2024. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Cadastre des misères, Vincent Dutois, Le Réalgar-Éditions, juin 2024, 48 pages, 6 €

 

« On a beau le savoir mort et enseveli depuis longtemps, il entête toujours. Un chasseur aguerri raconte qu’il a mis en joue, dans les bois, une créature qui lui ressemblait presque, à la peau maïs, les mains baguées de verrues, traînant le même manteau de misère, dépenaillé ; et les chiens suaient d’effroi. La consigne dans les familles est donc qu’au cas où, s’il est parfois de retour, sous sa forme d’antan ou sous une autre, mieux vaut le fuir. Le vent, une feuille, une respiration derrière un mur, et tous s’égaient, en des envols d’écolières et des courses de vitesse ; les garçons poussent des cris de mue, lorsqu’on les surprend à la baignade ou au jeu ; l’estomac d’un jardinier sursaute à la brune au coup de muscle dans l’air d’une grive. On a beau le savoir mort et enseveli depuis longtemps, la ligue qui s’est formée au café aimerait, disent-ils, si la loi permet d’exhumer, en avoir malgré tout le cœur net » (p.44).