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Les Livres

Batelier de l’inutile, Vincent La Soudière (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 09 Juillet 2024. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Batelier de l’inutile, Vincent La Soudière, éditions Arfuyen, mai 2024, texte établi par Sylvia Massias, postface Marc Wetzel, 160 pages, 16 €

 

Incommunicabilité

Le plus difficile et cependant le plus intéressant dans ce recueil de 27 textes de Vincent La Soudière, c’est l’aspect incommunicable de son imaginaire. Oui, la relation au lecteur avance dans une sorte de mystère impénétrable où la valeur de soi en passe par une forme de folie, folie qui n’empêche pas l’écriture mais la façonne, lui donne son pli, son articulation mentale. Du reste, cette ambiance de profonde dépression confine sans doute à un certain génie, en tout cas à une base intérieure où le poème est capable d’irrationnel, de textes limites, où l’altérité est interrogée dans sa complexité, envisagée dans une relation à la conscience, intériorisation de l’aliénation de l’écrivain devenant problématique. Nonobstant il n’y a aucun pathos inutile, donc une poésie marquée au-dedans par la vie, par des sentiments pleins d’illumination (au sens propre), par quelque chose de sublime dans la bouffée délirante.

Chronique de la Grande Guerre, Maurice Barrès (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 08 Juillet 2024. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Histoire, Classiques Garnier

Chronique de la Grande Guerre, Maurice Barrès, Classiques Garnier, septembre 2023, édition : Denis Pernot, Vital Rambaud, 1040 pages, 48 € Edition: Classiques Garnier

 

Avant de présenter ce fort volume, il faut commencer par tresser une couronne de laurier aux deux éditeurs scientifiques, Denis Pernot et Vital Rambaud, qui ont accompli un travail admirable, un travail de Bénédictin, pour sélectionner, republier et surtout annoter ces textes de Barrès. L’apparat critique est minutieux et les notes, abondantes, identifient les références les plus obscures et les allusions aux personnages les plus oubliés.

Pendant les quatre années que dura la Première Guerre mondiale, Barrès, qui n’était pas un jeune homme (il avait 52 ans en 1914), donna chaque jour ou presque un article à L’Écho de Paris. Ce n’était même pas le vieux conseil de Pline l’Ancien, nulla dies sine linea, mais bien davantage. Cet ensemble impressionnant, ne serait-ce qu’au point de vue quantitatif, fut réuni après-guerre en quatorze volumes (1920-1924, réédition en 1931-1939), qu’il faut aller chercher chez les libraires d’ancien. Malraux admirait le travail fourni par son prédécesseur :

Dagon, Fred Chappell (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 04 Juillet 2024. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Christian Bourgois

Dagon, Fred Chappell, éd. Christian Bourgois, 1968, trad. américain, Maurice-Edgar Coindreau, 282 pages Edition: Christian Bourgois

Les Philistins prirent l’arche de Dieu, et ils la transportèrent d’Ében Ézer à Ashdod. Après s’être emparés de l’arche de Dieu, les Philistins la firent entrer dans la maison de Dagon et la placèrent à côté de Dagon. Le lendemain, les Ashdodiens, qui s’étaient levés de bon matin, trouvèrent Dagon étendu la face contre terre, devant l’arche de l’Éternel. Ils prirent Dagon, et le remirent à sa place. Le lendemain encore, s’étant levés de bon matin, ils trouvèrent Dagon étendu la face contre terre, devant l’arche de l’Éternel ; la tête de Dagon et ses deux mains étaient abattues sur le seuil, et il ne lui restait que le tronc. C’est pourquoi jusqu’à ce jour, les prêtres de Dagon et tous ceux qui entrent dans la maison de Dagon à Ashdod ne marchent point sur le seuil.

La Bible, Premier livre de Samuel, chapitre 5, versets 1 à 5

 

Il arrive qu’un roman fasse peur. Dagon est la peur. De la première à la dernière ligne, ce roman suinte la peur comme une maladie fait la fièvre. Comme la peste fait des bubons. C’est organique, physique.

Écarlates, Jennifer Lavallé (par Parme Ceriset)

Ecrit par Parme Ceriset , le Jeudi, 04 Juillet 2024. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Poésie

Écarlates, Jennifer Lavallé, Pierre Turcotte éditeur, mars 2024, 67 pages, 13,70 €

 

Ce recueil, qui aborde le thème difficile de l’interruption volontaire de grossesse, s’ouvre avec une immersion dans une « eau sombre éternelle » qui inonde les « couloirs vides de la souffrance ». Cet élément aquatique, qui fait écho au liquide amniotique, est gardien d’un secret : un « enfant éphémère », « oiseau chétif », fut rendu « au bleu des étoiles ». L’auteure écrit pour les « écarlates », ces femmes qui ont vécu une telle épreuve et qui choisissent d’écrire au petit être qui n’est jamais venu, « pour éliminer la peine dans les mots ».

« Je t’aime plus que je ne pourrai jamais aimer, toi qui n’auras jamais ni nom ni chagrin ». Cette décision d’avorter n’est jamais prise à la légère et elle s’accompagne d’une grande souffrance teintée de culpabilité :

« J’ai fait une croix sur toi/ tu avais l’âge de l’aurore ».

À chacun son dû, Leonardo Sciascia (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 03 Juillet 2024. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard), Italie

À chacun son dû, Leonardo Sciascia, Folio, avril 2024, trad. italien Jacques de Pressac, revue et corrigée par Mario Fusco, 192 pages, 7,40 € . Ecrivain(s): Leonardo Sciascia Edition: Folio (Gallimard)

 

À chacun son dû présente d’emblée les caractéristiques, trompeuses on le verra, d’un roman policier : dès la première page, le pharmacien Manno reçoit une lettre anonyme l’avertissant de sa mort prochaine pour un motif tu qui fera l’objet de spéculations de la part de ses concitoyens, et, effectivement, il meurt quelques pages plus tard en compagnie du docteur Roscio lors d’une partie de chasse. Celui qui mène l’enquête, puisque les brigadiers progressent peu, très peu, est un professeur de lycée et critique littéraire occasionnel, ami de Roscio, Laurana. Mais très vite, Sciascia brouille le sens de son roman, se faisant même le critique du genre policier :