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La Une CED

Film, Samuel Beckett (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Jeudi, 14 Novembre 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques

Film, Samuel Beckett, DVD Carlotta Films, octobre 2019 (texte de Film : Les éditions de Minuit, 1972)

 

Beckett cinéaste : l’œil en trop

Au milieu des années soixante, et à mesure que l’œuvre théâtrale évolue, Beckett espère que le cinéma peut lui apporter une mise en espace suprême qu’il recherche depuis sa première mise en scène de Godot. Le cinéma depuis longtemps fascine l’auteur. En 1964, sur l’instigation d’Alan Schneider et après maintes hésitations, Beckett se rend à New-York pour tourner, rapidement, sa seule œuvre cinématographique dont le titre, à lui seul, est significatif d’un nouvel effacement et souligne un caractère expérimental.

A propos de Film, le réalisateur évoque d’emblée la phrase de Berkeley au sujet des images, « Esse est percipi » (« être c’est être perçu »). Cette phrase qui ouvre le scénario demeure capitale pour comprendre le problème généré par cette œuvre cinématographique. Le sujet de Film tourne, en effet, autour de la notion de la perception et de l’existence ; il permet aussi à son auteur de pousser plus loin ses rapports à l’image, et les rapports de l’être à l’image, au moment même où, paradoxalement, l’image n’accouche pas d’une représentation cinématographique telle qu’on la conçoit habituellement.

Les travaux et les jours (extraits 8) (par Ivanne Rialland)

Ecrit par Ivanne Rialland , le Jeudi, 14 Novembre 2019. , dans La Une CED, Ecriture, Bonnes feuilles

 

La mère

Étrange photo qui la point dans cette exposition estivale visitée à l’heure où d’autres dînent.

Exposition sur « L’envol » pleine de machines insensées, de dessins d’avions, de soucoupes, d’aéronefs bricolés et de photos de funambules.

Celle-là est accrochée en face d’un mur couvert de photos de plongeons, belles photos d’il y a un siècle de corps sculptés par la lumière, les muscles durcis par l’élan, les pieds pointés vers le ciel.

La photo est grande, étirée en hauteur, du gris duveteux des photos anciennes – ce qu’elle n’est pas. Son auteur est un presque jeune homme.

Chants du voyageur, Benjamin Guérin (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 12 Novembre 2019. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Chants du voyageur, Benjamin Guérin, Editions de Corlevour, juin 2019, 92 pages, 15 €

 

Prémices

La question de l’origine lyrique du chant poétique me paraît toujours cruciale. Ce principe dit souvent le mystère du texte, et permet de connaître ce qui engendre, et encore constitue la compréhension et autorise l’englobement du fond et de la forme. Ici, avec ces Chants du voyageur, je me suis interrogé dès le premier poème. Ce fondement, cette profondeur de l’acte métrique de l’énoncé de ces morceaux versifiés, qui m’ont d’abord apparu comme un mouvement, m’ont laissé une impression non arrêtée, marchante, et invitant à aller l’amble avec l’auteur. Et même cette pérégrination m’est restée parfois énigmatique à moins de décider que l’essence du poème serait l’ivresse. Oui, le poème se véhicule et véhicule son univers, son atmosphère, à l’instar d’un enivrement sanguin, courant par l’ensemble du système du poème comme en un système veineux.

Jeux II - Contrepoint rétrograde (par Charles Orlac)

Ecrit par Charles Orlac , le Mardi, 12 Novembre 2019. , dans La Une CED, Ecriture, Création poétique

 

II-Contrepoint rétrograde

 

Je lis un livre

Tu livres un lit

Je porte un masque

Tu masques une porte

Je bois une coupe

Tu coupes du bois

Je vois mon père

Tu perds ta voix

Zainab Fasiki* La révolution des mœurs par l’art (par Mustapha Saha)

Ecrit par Mustapha Saha , le Jeudi, 07 Novembre 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

 

La bande dessinée de Zainab Fasiki s’intitule Hshouma, mot-clé qui clignote, depuis des siècles, dans les cerveaux marocains comme une alerte culpabilisante. Une machine morale qui broie d’avance toute résistance. Le livre, rouge et noir, indocile et libertaire, se décline comme un blog réfractaire, un graff’zine pamphlétaire. L’esprit soixante-huitard souffle sur les slogans ravageurs. Le message se condense dans sa métaphore. L’image émoustille et scintille comme un sémaphore. Les slogans, les aphorismes, les fragments livrent l’insoutenable vécu dans sa crudité liberticide. Dans cette sémiotique minimaliste, le signe et le signal se répandent en écho. Le cri se fait symbole. La candeur apparente cache une ambition désarmante. Zainab Fasiki veut, à l’instar du poète Arthur Rimbaud, que son dessin soit plus qu’un dessin, qu’il soit catalyseur de révoltes salutaires et locomoteur d’une libération des mœurs, transformateur de la société et transfigurateur de la vie. Qu’il soit une onde de choc, qui délivre les âmes malades de leur tourmente héréditaire.