« Quand vint la fin, le mardi 19 octobre 1999 au matin, elle se redressa sur son oreiller et déclara : C’est fini », dit Ann Jefferson dans le livre qu’elle consacre à Nathalie Sarraute (1). La biographe ne manque pas de relier ces dernières paroles au très beau texte qui ouvre le recueil L’Usage de la parole (1980), « Ich sterbe » (« je meurs » en allemand), où Sarraute élabore une rêverie poétique autour des deux mots qui furent lucidement prononcés par Tchekhov juste avant de mourir dans une ville balnéaire allemande.
Depuis des années, des mois, des jours, depuis toujours, c’était là, par derrière, mon envers inséparable… et voici que d’un seul coup, juste avec ces deux mots, dans un arrachement terrible tout entier je me retourne… Vous le voyez : mon envers est devenu mon endroit. Je suis ce que je devais être. Enfin tout est rentré dans l’ordre : Ich sterbe (2).