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La Une CED

Choix de poèmes, James Sacré (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Vendredi, 11 Avril 2025. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Poésie

Choix de poèmes, James Sacré, Éditions Unes, mars 2025, 128 pages, 10,40 €

 

Avec cette anthologie personnelle, le grand écrivain (né en 1939) que l’on sait se rend utile. Par ce choix chronologique, en effet, sobrement établi (110 pages) dans son œuvre immense, James Sacré fait mieux que nous parler : il se parle publiquement (et nous l’écoutons ainsi directement, nous avons comme part aux « gestes intérieurs d’écriture qui poussent en avant la masse des mots de (ses) poèmes », p.69). Ce serait alors ici le bienvenu autoportrait continué de sa vocation, s’il était assuré d’elle, mais non : si un monde natif l’avait enveloppé autrement (l’étage d’une petite épicerie plutôt qu’une ferme vendéenne – changeant ainsi du tout au tout son « étonnement fondamental »), il aurait été (écrit-il, p.51) un tout autre inspiré, et, peut-être même, tout autre chose qu’inspiré. Et la contingence de sa postérité lui semble bien valoir celle de sa source (« Une ritournelle anodine/ Hé, poème ! qu’elle disait, ho !/ Vaine parole humaine/ Dans l’informe bruit du temps », p.100).

Le Feuilleton, Julien Carré, Jean-Louis Rambour (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mardi, 08 Avril 2025. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Le Feuilleton, Julien Carré, Jean-Louis Rambour, éditions La Salamandre, 468 pages

 

L’ambition du travail de Julien Carré est, d’entrée, explicite : dans une lettre manuscrite adressée à l’éditeur il annonce, en effet, vouloir entreprendre « de mettre en mots le respect qu’il a de (l’)œuvre » de son pair, ancien professeur, Jean-Louis Rambour. Il s’agit pour l’élève-écrivain de se glisser dans l’univers de l’œuvre, de l’investir et d’y inscrire, par-ci par-là, un autre texte. « Jean-Louis a bâti une œuvre et dans cette œuvre je me retrouve », affirme Julien Carré qui s’y retrouve, tout au long de ce livre copieux (pas moins de 468 pages) intitulé Le Feuilleton, en écrivant son propre texte sur le manuscrit-palimpseste de la Littérature, à partir d’une réécriture du texte original de son inspirateur.

(…) Tu grattes les écrits de Jean-Louis Rambour comme un parchemin déjà utilisé, et tu inscris un autre texte. Tu effaces avec de la ponce pour t’offrir un espace où coller tes mots (…).

Labyrinthes, Christopher Okigbo (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 07 Avril 2025. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Afrique, Poésie

Labyrinthes, Christopher Okigbo, Poésie/Gallimard, mars 2025, 224 pages, 10,30 €

 

Vortex

Pure découverte que ce recueil du poète nigérian, Christopher Okigbo. Non pas que pour la couleur locale, les noms toponymiques, ceux des animaux, les descriptions des paysages d’Afrique. Cela ne s’arrête pas là, mais cherche l’union de cultures totémiques et de la poésie occidentale (dans sa version initiale en anglais, ici dans une édition bilingue). Et surtout, le vortex des mots, des images, de l’angoisse, de la mort et de l’espoir politique.

Écrire c’est ouvrir la Boîte de Pandore des inquiétudes nouvelles et qui n’ont jamais été dites. Parole de la mort qui est à la fois essence et unique moment sans nomination. Et au fond de cette boîte gît le pauvre langage humain.

Naissances buissonnières, Martine Lucchesi (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Jeudi, 03 Avril 2025. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Naissances buissonnières, Martine Lucchesi, Editions du Retour, février 2025, 138 pages, 18 €

 

L’auteur, de milieu modeste, a neuf ans, en 1962, quand elle quitte, avec sa mère – dans la débâcle que l’on sait – l’Algérie (son père, partant plus tard, les laissera sans nouvelles dix-huit mois). Elle connaît depuis plusieurs années la guerre urbaine ; a eu, seule entre ses parents dissociés, toutes les terreurs et angoisses que son âge peut y ajouter ; la voici sur un pont de navire (d’Oran à Marseille) ouvrant à un militaire menaçant, à la place de sa mère apeurée, interdite, la malle – qui leur servait de siège – qu’il voulait contrôler, en… se chargeant soudain elle-même de la remise des clés, leur récupération, le retour au calme. Son corps en un instant « désenfanté », elle devient (et restera) – improvisant initiative, sang-froid et responsabilité –, sa propre mère. Elle saura désormais lancer les gestes de ce qui l’attend, et trouver les mots de ce qu’elle voit : elle ne conservera rien de sa première vie (« Egorgé après notre départ d’Algérie, le déménageur chargé d’expédier nos affaires a souvent alimenté mes cauchemars », p.26), et, de sa vie suivante, seulement les livres (qui ont été son passé vierge, sauf, impersonnel, réfractaire à l’Histoire, inexilable).

Les Cinquantièmes hurlants, Tom Buron (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 01 Avril 2025. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Poésie

Les Cinquantièmes hurlants, Tom Buron, Gallimard, février 2025, 80 pages, 17 €

 

Géographie du monde

Géographie du monde fut le titre de mon mémoire de troisième cycle sur Le Soulier de satin de Paul Claudel. Je dis cela à dessein, car j’ai retrouvé cette émulation des mers, des voyages et des désirs sacrés, ici, dans ce recueil que Tom Buron publie chez Gallimard. J’y ai été confronté à une sorte de dérive des continents, d’un glissement du poétique. Donc, à la fois une hospitalité et à une inhospitalité des régions australes. Quelque chose d’une matière sacrée que Claudel illustre avec la présence de la Croix du Sud. Donc, un mouvement habité, un récit fusionnel.

Sommes-nous dans la quête de Pequod de Tom Buron ? Et cela fait, quel voyage au milieu des mots et des embruns ? Sommes-nous plus dans L’Odyssée que dans Moby Dick ? Dans le transport vidéographique d’Ocean Wuong ? Oui, nous demeurons en poésie.