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Les Ecrits, Journaux et lettres (1941-1943), Etty Hillesum (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 11 Décembre 2024. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Pays nordiques, Seuil

Les Ecrits, Journaux et lettres (1941-1943), Etty Hillesum, Seuil, 2008, trad. néerlandais Philippe Noble, Isabelle Rosselin, 1088 pages, 37 €

 

Etty Hillesum grandit plus vite que son ombre. Sa pleine humanité mûrit en deux ans (1941-1943), et de manière d’autant plus surprenante et émouvante qu’elle croît – en responsabilité, en justesse – déjà à peu près (historico-politiquement) condamnée, certaine de finir vite et lamentablement sa vie, comme Juive traquée de la Hollande vaincue. Bref : elle se sait grandir (d’esprit et de destin – puisque l’adolescence est terminée) pour autre chose que sa propre vie adulte (dont elle n’aura à peu près, comprend-elle, aucune chance de jouir). Son immense effort n’avait donc, consciemment, pas elle-même pour but. Une jeune femme de 27 ans, très sensuelle et infiniment vive, s’avouant – dès les premières lignes de son Journal – « je ne suis en tout cas pas mon but », cela étonne et promet.

Griffes 15 (par Alain Faurieux)

Ecrit par Alain Faurieux , le Mardi, 10 Décembre 2024. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

 

Le Club des enfants perdus, Rebecca Lighieri, éd. POL, août 2024, 528 pages, 22 €

D’après une revue fort sérieuse « Le roman de la Génération Z qui fait enrager les réacs ». Passons sur l’expression « faire enrager », gentille niaiserie. Rager, ça, ça aurait eu du punch. Et sur de quelle génération sont les réacs. En fait un roman SUR la génération Z, puisque Lighieri, née en 1966, est une Génération X.

Trois monologues se suivent. Tout d’abord Papa (un X tardif, artiste, infect, ego boursouflé, caricature d’un aveuglement (de genre ? De classe ? De génération ?). Vient ensuite La Fille : ego boursouflé, clamant haut et fort (mais secrètement) sa différence difficilement visible dans une personnalité reproductible à perte de vue. Et on finira par Papa, inchangé.

PLOUF (par Sandrine-Jeanne Ferron)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Mardi, 10 Décembre 2024. , dans La Une CED, Ecriture

 

Amis Français d’ici ou d’ailleurs, good morning ! Des histoires ! des histoires ! raconte-moi une histoire alors voilà, imaginons que tu es un plongeur et que tu as assez d’argent pour vivre à Miami Beach. Tu es sur un bateau, avec combinaison, bouteilles, tuyaux et un petit groupe de gens que tu ne connais pas la plupart du temps mais dont tu dépends. Toi, ton truc, ce sont les épaves. Tu as passé tes paliers et tu vas plonger régulièrement à Key Largo parce qu’elles sont là-bas, parce que ce n’est pas très loin de Miami Beach. Le reste du temps, tu fais des longueurs en apnée dans ta piscine semi-olympique. Régulièrement, ça signifie une fois par mois. Key Largo, tu y restes quatre nuits, toujours le même motel en face du club de plongée et du restaurant qui porte le nom d’un poisson. Ici, le poisson est rare, on te le vend et c’est du bébé requin que tu ingères. Le menu du petit-déjeuner est américain, le déjeuner est mexicain, le soir tu es trop crevé et tu as l’estomac dans les mâchoires. À Key Largo, il y a des gueules et des histoires.

Marigold et Rose, Un récit, Louise Glück (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 09 Décembre 2024. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Marigold et Rose, Un récit, Louise Glück, Gallimard, novembre 2024, trad. anglais (États-Unis), Marie Olivier, 76 pages, 12 €

 

Partage

J’ai bu à petites gorgées le récit de Louise Glück que publient les éditions Gallimard, et je me suis enivré de cette histoire d’enfance où l’écrivaine américaine distille l’ironie, laquelle ouvre des portes vers le monde de l’intellection, permettant de réfléchir à la question de l’identité féminine, et cela avec une dose d’humour parfois. Nonobstant, le thème principal est celui du partage, de la description d’une vie clivée, d’une schize.

Et a priori la gémellité des sœurs aide grandement ce dédoublement de la parole infantile – qui n’est pas du tout ici un babil, mais une langue savante et très chantante. L’on y voit bien sûr en creux la personne de la poétesse dans son identité partagée entre son père et sa mère, et surtout mettant en lumière le lien charnel avec sa sœur Rose, l’une des jumelles.

Patchwork, Christian Ducos (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 04 Décembre 2024. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Patchwork, Christian Ducos, Le Pauvre Songe Éditions, octobre 2024, 64 pages, 12 €

 

« Qu’adviendrait-il d’un oiseau en vol si par malheur il venait à prendre conscience de son état d’oiseau ? Il est probable que son vol s’en ressentirait gravement, la fine mécanique des plumes n’aurait plus la même précision, la même spontanéité d’action, d’adaptation au vent, le surplomb du gouffre durant le vol probablement se teinterait d’une sensation jusqu’alors inconnue de vertige. Expulsé de l’impensé, de l’incalculé, contraint à la pénétration brutale dans l’atmosphère de la conscience de soi, comment l’oiseau pourrait-il survivre à pareille violence ? Que resterait-il alors de la légèreté du vol, de l’innocence de l’envol ? Mais en irait-il autrement si à la place du mot oiseau on trouvait le mot poète, saint ou savant ? Comment la légèreté d’être, l’innocence créatrice pourraient-elles sans disparaître supporter pareille chute dans l’image de soi ? » (p.29).