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La Une CED

Ses semelles sont d’écorce, Laurence Fritsch (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mardi, 02 Juillet 2024. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Poésie

Ses semelles sont d’écorce, Laurence Fritsch, Bleu d’Encre Éditions, 2024 (Ill. Cécile A. Holdban, Préface Patrick Devaux), 104 pages, 15 €

 

Les ponts vivants ou ponts de racines vivantes se construisent ingénieusement à mains nues, aériennes, par des hommes du quotidien en prise avec les lianes aléatoires de la Vie passante, passagère, aventurière ou qui tente de s’extirper de l’ornière soporifique des habitudes comme on se force à sortir de sa zone de confort pour ne pas se résigner, se laisser aller. Les ponts vivants s’édifient par la force minérale et lumineuse des arbres aux racines aériennes et si, pour parler du poète/du baroudeur, rêveur ou bourlingueur, ces « semelles sont d’écorce », c’est que les marches du promeneur de l’existence que nous sommes, nos pas, nos traversées, soulèvent autant la terre qui nous habite et nous porte, que le ciel appelle l’air libre de ses racines. C’est cela que pointe le nouveau recueil de Laurence Fritsch, éminemment.

Colis piégé (par Sandrine Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Lundi, 01 Juillet 2024. , dans La Une CED, Ecriture, Récits

 

Amis Français d’ici ou d’ailleurs, good morning !

J’ai toujours la même émotion lorsque j’aperçois ma valise, sur le tapis roulant. À l’aéroport. Après l’angoisse de l’avoir perdue, la joie de la retrouver, je suis comme les parents qui attendent leur gamin à la sortie de l’école. Je suis comme ça. Ma valise s’appelle Loulou et elle a déjà fait deux fois le tour du monde, parfois même en solitaire. Vol Miami/Paris. L’aéroport, puis le bus puis le métro, je viens de débarquer à Orly. Avec vingt-cinq kilos à porter, en montant, en descendant, pas d’escalators, ou juste à la sortie, c’est pratique, alors je traîne, je tire, je porte ma valise. En solitaire. Je supporte. Debout. L’affluence. Elle, elle est assise. Elle est furieuse. C’est une honte de monopoliser autant d’espace, les gens comme moi devraient prendre un taxi, on n’a pas idée de se déplacer avec une valise si imposante, je suis bien d’accord mais en quoi je la dérange. Elle bafouille, là n’est pas la question, c’est un scandale voilà tout. Je la remercie pour son amabilité, je suis moqueuse, je souris et je lui réponds que c’est mon ex petit ami qui est découpé en morceaux dans ladite valise.

L’Origine des lèvres, Jacques Cauda (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mardi, 25 Juin 2024. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Poésie, Tarmac Editions

L’Origine des lèvres, Jacques Cauda, éditions Tarmac, mars 2024, 52 pages, 11,50 €

 

D’aucuns émettent l’idée qu’écrire proviendrait peut-être de la nécessité (compulsive) d’un règlement de compte déclenchant un processus de revanche sur la vie à s’offrir/souffrir – à se payer cash sans entrave – jusqu’à l’extase érotique du souffle, avec la dévoration/dévotion d’un ogre de malices et de sainteté dont, Vivant parmi les vivants, nous prenons toutes et tous plus ou moins le masque, à nous en arracher la face, dans l’excès même d’excéder selon G. Bataille. Bataille : nous y revoilà ! « Bataille pour livrer “bataille” », écrit Cauda… Bataille et Cauda semblent se rejoindre là dans l’entreprise scripturale/scripturaire sacrale, à faire de l’expérience biographique à la fois sacrée et « tache aveugle », une donnée anthropologique mettant la question du reste (reliquat), produit de l’excès humain, au centre de ce qu’est l’homme. Ecce homo c/o Cauda remet à l’art du « peindrécrire » le pouvoir, par la fiction ou la (Sur)figuration, de faire de « la représentation » de ce qu’est la part maudite chez l’homme, cette part de l’intraitable, cette présentation absente qui fait reste et dont l’œuvre par son inachèvement essentiel tente de restituer, dans la couture à vif des mots, l’impossibilité même de son excès.

Au-delà du ciel sous la terre, Aleš Šteger (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 24 Juin 2024. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Poésie

Au-delà du ciel sous la terre, Aleš Šteger, Gallimard, Coll. Du Monde Entier, avril 2024, trad. slovène, Guillaume Métayer, 140 pages, 16,50 €

 

Le haut et le bas

La poésie de Aleš Šteger que je découvre dans la fameuse Collection Du Monde Entier, de Gallimard, représente à mon sens une tentative osée de faire correspondre dans une même expression les deux pôles de notre condition humaine : le ciel et la terre. Cette conception du monde est figurée par une écriture que je serais tenté de traiter d’oxymorique. Le bas et le haut, l’espoir et le désespoir, le noir et le blanc, le bien et le mal, le beau et la laideur, la présence et l’absence, le monde physique et métaphysique, le temps et l’éternité tout à la fois. Il y a donc deux mondes, le palpable et l’impalpable, deux mondes qui luttent au sein d’un débat axiologique, où matière et esprit sont l’étayage des poèmes, son bois d’œuvre.

Œuvres en prose, Hugo von Hofmannsthal (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Jeudi, 20 Juin 2024. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Le Livre de Poche

Œuvres en prose, Hugo von Hofmannsthal, Le Livre de Poche, La Pochothèque, 2010, trad. Jean-Yves Masson, 911 pages, 24 €

 

Sur Une lettre de Hofmannsthal

La Lettre de Lord Chandos à Francis Bacon de Hofmannsthal, publiée en 1902 dans le journal berlinois Der Tag (je me réfère à la traduction d’É. Hermann à laquelle Charles Du Bos, dit-on, aurait contribué, rééditée en 2010 dans les Œuvres en prose de l’écrivain viennois, pp.491-502) et datée du 22 août 1603, peut être lue comme un examen personnel, Hofmannsthal se cachant derrière le « fils cadet du comte de Bath » pour relater une « crise » : l’impossibilité d’écrire, l’adieu aux armes, c’est-à-dire à la littérature – adieu qui au contraire de ceux de son personnage ou de Rimbaud avec les Illuminations n’en sera pas un pour l’auteur lui-même puisque, s’il s’éloignera de la poésie, il ne renoncera jusqu’à sa mort brutale le 15 juillet 1929 ni à la fiction narrative ni au théâtre ni aux interventions dans les revues et quotidiens de son époque.