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La Une CED

Tourne et tourne le vent, Anne Rothschild (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 28 Août 2024. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Tourne et tourne le vent, Anne Rothschild, Le Taillis Pré, mai 2024, 78 pages, 15 €

 

Dans un précédent livre, Anne Rothschild (née en 1943, belgo-suisse aujourd’hui gardoise, qui allie l’écriture à son travail de graveuse et peintre) voyageait dans une Chine que, soixante-dix ans plus tôt, ses parents étaient partis habiter pour raisons professionnelles, en la confiant à ses grands-parents en Europe – précaution qu’elle prit à tort pour un abandon. L’auteure venait ainsi découvrir ce lointain pays qui l’avait en quelque sorte évincée, souhaitant comprendre sur place, en s’attachant à lui, la fascination d’alors (délétère pour elle) de ses parents. C’était (Au pays des Osmanthus) un journal d’empathique confrontation, et de nuances salutaires, aigu et tendre – avec la lucidité impérieuse et douce à la fois qui émeut chez cette écrivain.

Aujourd’hui, ici, autres abandons : le vent de la vie a encore « tourné », et cette errance du sort, une nouvelle fois, tourne mal. Anne Rothschild est laissée seule, trois fois, semble-t-il : d’abord par un compagnon qui soudain reprend sa vie avec lui, repart avec tout ce qu’il avait donné en choisissant activement l’absence ! :

On n’en taire pas les fantômes, Marine Leconte (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mardi, 27 Août 2024. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Poésie

On n’en taire pas les fantômes, Marine Leconte, L’Ire de l’Ours Éditions, février 2024, 86 pages, dessins Agathe Lievens, 10 €

 

L’aire de jeux maudite acidulée de sachets de bonbons et « remplie de poudre acide » dans laquelle Marine Leconte nous attire (un peu à la façon de Marlène Tissot, Sous les fleurs de la tapisserie, publiée chez Maltaverne, l’éditeur du Citron Gare et du fanzine Traction-Brabant alias T-B), nous sidère, nous retourne comme ses poèmes nous renversent face contre terre ou nous arrachant la face après le masque, là où ça fait mal, à l’envers écorché des choses. Ça balance des mots en éclats, les fracasse en éclairs qui crèvent des « peaux d’hostie » ; ça pulvérise de petits êtres qui s’essaient à la chose fatale et chutent comme cette petite fille dans une situation titubante où passe de travers la vie courante, où, là, la vie ordinaire passe « de l’autre côté du texte »… Langage poétique à l’humour qui percute et catapulte les codes, langue blanche clinique des mots : et si c’était (f)utile parade à la pesanteur des choses ?

Séries Parisiennes, Vues de quartier, Étienne Faure (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 26 Août 2024. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Séries Parisiennes, Vues de quartier, Étienne Faure, Gallimard, juin 2024, 144 pages, 17 €

 

Plasticité

Avant d’en venir au cœur de mon impression de lecteur du dernier livre d’Étienne Faure, je voudrais un peu parler de moi. Cela sera peut-être instructif. Paris, la ville dont il est question dans l’ouvrage, ma ville natale, se présente à moi qui vis en province depuis des décennies, et qui me tourmente par son excès de civilisation, comme le lieu idéal de la pensée sensitive. Ville dont simplement la Seine contient toutes les couleurs allant du vert d’eau au gris anthracite, de l’écoulement bleuté où se mirent les nuages jusqu’aux eaux les plus noires de l’angoisse, du spleen. Et ce seul élément n’est qu’une pièce rapportée aux noms des rues, aux jardins, aux parcs, Luxembourg, Monceau, Buttes-Chaumont, aux cafés, Le Flore, Le Beaubourg, Le Dôme, et à cette population ultraraffinée, sujette à différentes langues, sociolectes, accents… Tout cela pour dire que je suis déchiré depuis longtemps par cette coupure en moi de l’ultra-éducation de la capitale, par opposition au silence et aux voix sourdes de la campagne, des petites villes de la France profonde, villages vivant sur eux-mêmes, construction antagoniste entre la poétique et les réalités.

Cadastre des misères, Vincent Dutois (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Vendredi, 23 Août 2024. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Cadastre des misères, Vincent Dutois, Le Réalgar-Éditions, juin 2024, 48 pages, 6 €

 

« On a beau le savoir mort et enseveli depuis longtemps, il entête toujours. Un chasseur aguerri raconte qu’il a mis en joue, dans les bois, une créature qui lui ressemblait presque, à la peau maïs, les mains baguées de verrues, traînant le même manteau de misère, dépenaillé ; et les chiens suaient d’effroi. La consigne dans les familles est donc qu’au cas où, s’il est parfois de retour, sous sa forme d’antan ou sous une autre, mieux vaut le fuir. Le vent, une feuille, une respiration derrière un mur, et tous s’égaient, en des envols d’écolières et des courses de vitesse ; les garçons poussent des cris de mue, lorsqu’on les surprend à la baignade ou au jeu ; l’estomac d’un jardinier sursaute à la brune au coup de muscle dans l’air d’une grive. On a beau le savoir mort et enseveli depuis longtemps, la ligue qui s’est formée au café aimerait, disent-ils, si la loi permet d’exhumer, en avoir malgré tout le cœur net » (p.44).

Garder la terre en joie, Pascal Commère (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Jeudi, 22 Août 2024. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Poésie

Garder la terre en joie, Pascal Commère, Tarabuste Editeur, mars 2024, 162 pages, 16 €

 

Garder la terre en joie, garder la terre en vie, garder en joie la terre de sa vie… Et si l’écrire/en écrire, en retraçant ainsi le territoire/terroir existentiel d’une vie, permettait, en somme, d’en mieux restituer ce qui coule de source malgré la tâche affairée de poser des mots justes sur des passages, des paysages éphémères vécus, sur des voyages plus ou moins longs ou lointains (ici Stockholm, l’Allemagne, l’Italie, un jardin, …)… Étapes éphémères mais décisives, jalonnant le cours d’une vie. Cendrars titrait l’un de ses recueils Au cœur du monde entier et écrivit, en bourlingueur, les mots aux dents comme on mord la pulpe, la chair d’un fruit dont l’arbre se déplacerait au gré de nos aventures entre ciel et terre, tout en se nourrissant d’un même sol nourricier, celui de la terre, en y ajoutant l’encre du Langage pour en grandir encore les racines et les nuancer par la transfiguration roborative que provoque toute restitution/tout récit d’une temporalité aléatoire ou événementielle.