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La Une CED

Faulkner, nid de coucou et nœud de vipères : L’idiot de la famille Compson (par Augustin Talbourdel)

Ecrit par Augustin Talbourdel , le Mardi, 10 Mars 2020. , dans La Une CED, Les Chroniques


« Si quelqu’un parmi vous croit être sage à la façon de ce monde,

qu’il se fasse fou pour devenir sage ;

car la sagesse de ce monde est folie auprès de Dieu. (…)

Le Seigneur connaît les pensées des sages ;

il sait qu’elles sont vaines ».

1 Corinthiens 3:19-21

« J’ai mis tout mon cœur à comprendre la sagesse et le savoir,

la sottise et la folie,

et j’ai compris que tout cela aussi est recherche de vent ».

Ecclésiaste 1:17

Diane & Artémis (par Catherine Boré)

Ecrit par Catherine Boré , le Lundi, 09 Mars 2020. , dans La Une CED, Ecriture, Nouvelles

 

Bien avant d’arriver au square, Mme Sanders sentit une appréhension. Elle serra plus fort, à sa droite, la main de sa fille aînée, Clarisse, et s’accrocha à la poussette où dormait son petit Eugène. La corvée commençait : c’était l’heure de la promenade au jardin public. Celui-ci apparut au bas de la rue, enclos dans les barrières vertes que bloquaient deux adolescents nonchalamment installés à califourchon. Il faudrait leur dire de partir. Elle savait que le groupe de jeunes était déjà éparpillé sur les pelouses, bruyant, prêt à en découdre avec n’importe qui. Au moment de passer la barrière, elle fut légèrement bousculée par les deux garçons, qui avaient sauté trop près de la poussette, et s’étaient sauvés en riant très fort. Eugène, réveillé, se mit à crier.

Devant elle apparaissaient les premiers toboggans. Pas un banc libre alentour. Le soleil tapait fort, en ce début d’avril, et Mme Sanders regrettait d’avoir gardé son pull sous sa veste d’hiver. Tout le monde était déjà bras nus ou en tenue légère. Elle aurait dû mettre une robe. Et si seulement Eugène pouvait cesser de hurler ! Elle le sortit de la poussette et lâcha la main de Clarisse. Comment faisaient les autres mères pour surveiller simultanément deux enfants ? Il était impossible de s’occuper de l’un sans commettre une grave imprudence, qui pouvait être fatale à l’autre.

L’œil du Quattrocento, L’usage de la peinture dans l’Italie de la Renaissance, Michael Baxandall (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Lundi, 02 Mars 2020. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Arts

L’œil du Quattrocento, L’usage de la peinture dans l’Italie de la Renaissance, Michael Baxandall, Gallimard, coll. Tel, janvier 2020, trad. anglais Yvette Delsaut, 240 pages, 14,50 €

Contempler une œuvre d’art

Dans Rome, Naples et Florence, Stendhal rapporte son arrivée à Florence. C’était en 1817. Son cœur, nous dit-il, « bat avec force » à l’approche de la cité des Médicis, là où vécurent les grandes figures de la Renaissance. Il se sent profondément ému, « hors d’état de raisonner » et se livre à sa folie « comme auprès d’une femme qu’on aime ». Un curieux trouble qui resurgira lors de sa visite de la ville et des chefs-d’œuvre qu’elle contient. On se prendrait volontiers pour Stendhal lorsqu’on ressent une émotion aussi intense à contempler les grandes peintures, notamment celles du Quattrocento, Fra Angelico, Masaccio, Botticelli, Piero della Francesca et autres…

D’ailleurs, que contemplons-nous dans une œuvre d’art ? La question n’est pas un sujet de philo au bac mais elle interpelle quiconque fréquente de telles œuvres. La vie est faite d’une succession de sensations toutes aussi éphémères les unes que les autres. Un sourire esquissé est voué à disparaître, la beauté d’un visage est condamnée à flétrir, le charme de toutes choses possède un je ne sais quoi de fugace.

Sur Azur noir d’Alain Blottière - Histoire chancelante (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Vendredi, 28 Février 2020. , dans La Une CED, Ecriture

 

Il est rare qu’à seize ans, dans un été parisien caniculaire, on craigne de devenir aveugle, des filaments, des taches, des voiles sombres obscurcissant la clarté désolante du monde. Il est rare qu’un malicieux hasard vous fasse habiter 14 rue Nicolet dans l’immeuble même (1) où M. Paul Verlaine, communard pardonné et poète, Mme Mathilde Verlaine née Mauté et Mme Mauté de Fleurville ont accueilli, fin septembre 1871, M. Arthur Rimbaud, poète lui aussi, et de quelle façon ! et fugueur. Il est rare (on s’appelle Léo et on commence à écrire des vers parnassiens dans lesquels se distingue la curieuse influence d’Olivier Larronde) qu’on voie Verlaine trembler dans son salon puis rejoindre quelques jours plus tard le trublion ardennais dans la lingerie (c’est à présent, nouveau splendide hasard ! la chambre de notre Léo) où on lui a dressé un lit et où une poitrine et un dos imberbes sont étreints et caressés. Pour Léo, ange pasolinien à sa manière, une voisine qui a l’âge de sa mère et dont l’appartement correspond à la salle à manger des Mauté puis son professeur de français caresseront et étreindront tour à tour sa nudité lisse.

La Liberté d’esprit, Fonction et condition des intellectuels humanistes, Stéphane Toussaint (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 27 Février 2020. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

La Liberté d’esprit, Fonction et condition des intellectuels humanistes, Stéphane Toussaint, Les Belles Lettres, août 2019, 260 pages, 19 €

 

Recevant en 2005 un titre de docteur honoris causa décerné par l’université de Louvain, Simon Leys prononça un discours de circonstance, « Une idée de l’Université » (qu’on trouvera dans son recueil Le Studio de l’inutilité). Il y alléguait une formule de Flaubert dans une de ses lettres à Tourgueniev : « J’ai toujours tâché de vivre dans une tour d’ivoire, mais une marée de merde en bat les murs, à les faire crouler ».

La tour d’ivoire n’est autre que l’Université en tant qu’institution, la « marée de merde », les pressions exercées de toutes parts (y compris de l’intérieur) pour en changer la nature. On ne sera pas injuste envers l’essai de Stéphane Toussaint si l’on souligne qu’il développe en 250 pages et à grand renfort de citations empruntées à des auteurs de la Renaissance italienne (la spécialité académique de l’auteur) la remarque de Simon Leys. Nous obtenons ainsi la preuve qu’entre 2005 et 2019, les choses n’ont pas changé, voire qu’elles se sont visiblement dégradées.