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La Une CED

Les travaux et les jours 10 (extraits) (par Ivanne Rialland)

Ecrit par Ivanne Rialland , le Lundi, 23 Mars 2020. , dans La Une CED, Ecriture, Bonnes feuilles

 

 

La mère

Alors que la banlieue lui semblait un lieu de changements perpétuels où, comme dans un film en accéléré, les grues ne cessaient jamais d’arracher à des tas de décombres des résidences flambant neuves aux noms de villes romaines, Paris, au fil de ses promenades du week-end, lui paraissait inchangé depuis ses années d’étudiante, et elle retrouvait chaque fois la même lumière du ciel près de la Seine, la même rumeur, les mêmes odeurs d’essence et de platanes. Seule la situait dans le temps la prolifération aux terrasses des cafés de ces petits tubes de plastique soufflant comme une haleine une incolore vapeur blanche, qui faisaient de ces modernes fumeurs de très discrets joueurs de pipeau.

Le chagrin d’aimer, Geneviève Brisac (par Pierrette Epsztein)

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Vendredi, 20 Mars 2020. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Le chagrin d’aimer, Geneviève Brisac, Grasset, février 2018, 162 pages, 16 €

 

Dans Le chagrin d’aimer, Geneviève Brisac explore, avec finesse mais sans concession, les relations qu’elle a entretenues avec une mère équivoque et fantasque. On déroule les pages, comme on tournerait celles d’un album de famille.

Cet ouvrage met en lumière à quel point les rapports mère-fille sont très souvent d’une surprenante complexité. Ils oscillent fréquemment entre amour inconditionnel et rejet, entre agacement et attendrissement, entre exaspération et patience, entre fierté et honte, entre douceur et violence, entre rapprochement et abandon. Ce sont tous ces sentiments irrationnels que Geneviève Brisac sonde en se fiant à l’éclosion de sa mémoire, depuis son enfance jusqu’à la mort de sa mère.

Dans ce récit, Geneviève Brisac ne cherche nullement à nous égarer dans de longues digressions. Poussée par l’urgence du dire, elle nous plonge au cœur de ses émotions. Pour aller à l’essentiel, elle utilise une écriture sèche et nerveuse, ne se privant ni d’une langue triviale, parfois crue, ni d’une ironie cinglante.

La Styx Croisières Cie - Février 2020 (par Michel Host)

Ecrit par Michel Host , le Jeudi, 19 Mars 2020. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

 

 

Ère Vincent Lambert, An II

Humain, citoyen le plus vulnérable, la République française, la médecine, la banque et la magistrature réunies, t’ayant baptisé Légume, te tueront.

 

« Le fanatique, lui, est incorruptible : si pour une idée il tue, il peut tout aussi bien se faire tuer pour elle ; dans les deux cas, tyran ou martyr, c’est un monstre. Point d’êtres plus dangereux que ceux qui ont souffert pour une croyance : les grands persécuteurs se recrutent parmi les martyrs auxquels on n’a pas coupé la tête » (E. M. Cioran, Précis de décomposition, Généalogie du fanatisme).

 

Une Lumière au cœur de la nuit, Georges Banu (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 17 Mars 2020. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Une Lumière au cœur de la nuit, Georges Banu, Arléa, février 2020, 128 pages, 17 €

 

Mémoire de la lumière

Aller dans la lecture du dernier livre de Georges Banu, c’est un peu comme aller au spectacle. Non pas seulement parce que beaucoup de ces pages relatent et témoignent de différents spectacles, mais aussi pour le profit que l’on acquiert de la personne du critique. Ce dernier nous permet à la fois de vagabonder dans les théâtres, dans les villes, et pour finir, avec sa personne elle-même. La base, d’ailleurs, de la dissertation élégante et juste assez brève de cet ouvrage, permet par son sujet, le lustre, de revenir à l’enfance, en une manière proustienne, enfance d’un Roumain qui a choisi adulte la France. Et puisque j’évoque Proust, il me vient à l’esprit ce que dit Walter Benjamin de la phrase proustienne, qu’il considère comme une crue, la crue du Nil qui enfle et se dilate. Ici, c’est le lustre lui-même dont la lumière s’agrandit et se diffuse, de la petite enfance jusqu’à l’histoire de l’auteur depuis son installation à Paris en 1970 et la découverte d’un spectacle de Robert Wilson. Ce Roumain venu d’un pays angoissé, disons mieux, terrorisé par des années où l’éclairage était rationné par le gouvernement de Ceausescu, l’arrivée à Paris et ce premier spectacle parisien en sa débauche de feux et d’illuminations situent bien le contexte de ce livre important, qui déborde de beaucoup la stricte critique théâtrale.

Ma Jian (par Mélanie Talcott)

Ecrit par Mélanie Talcott , le Vendredi, 13 Mars 2020. , dans La Une CED, Les Chroniques


« La vie : on croit avoir tout vu comme par la vitre d’une voiture qui roule à travers les villes, les foules, les campagnes, mais les choses n’ont fait que défiler ».

« La mémoire se fourvoie dans une histoire imaginaire qui ressemble à la vie. La petite enfance, l’âge amoureux, les jours malheureux : c’est le lot de tous. Pour nous qui menons des existences identiques, qui vivons dans les mêmes logements, avons les mêmes idées, les mêmes sourires, une crise de larmes ou un fou rire sont salutaires »

(Ma Jian, Nouilles Chinoises)

Journaliste, photographe, peintre, poète, être multifacette et turbulent, à l’allure peu orthodoxe, en rupture du monochromatisme dans lequel est enfermé le peuple chinois, Ma Jian est sommé en 1983 de faire son autocritique publique dans le cadre de la campagne contre la « pollution spirituelle » lancée par Deng Xiaoping (successeur de Mao).