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La Une CED

L’Échelle de la mort, Mamdouh Azzam (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Jeudi, 12 Mars 2020. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

L’Échelle de la mort, Mamdouh Azzam, trad. de l’arabe par Rania Samara, éd. Sindbab/Actes Sud, parution 8 janv. 2020, 12,80€

 

Moisson funeste

Le roman commence par une séquestration. Une trappe, invisible aux yeux, recouvre un trou creusé profondément, dans lequel la jeune Selma est quasiment enterrée vivante. Les geôlières (des femmes de sa propre famille), lacèrent les habits de leur prisonnière, emballent de la nourriture dans des lambeaux de ses vêtements, qu’elles lui jettent à travers la trappe. Ainsi, débute l’histoire tragique de Selma, son agonie atroce dans l’air pétrifié de la cave verrouillée. Nous apprenons lentement l’existence et la survivance de coutumes implacables, de la brutalité des privilèges d’une famille sur une autre, du droit de vie et de mort sur autrui. Des mœurs patriarcales sévissent en toute impunité, les jeunes filles « fautives » en meurent (dans des conditions épouvantables). Du reste, les familles sont bannies à jamais et déshéritées. Le jeune garçon – le promis de Selma -, éprouvé par le deuil, la perte de sa bien-aimée, subit un viol. L’auteur syrien Mamdouh Azzam, néanmoins, dédicace L’Échelle de la mort, son dernier livre, à son père.

Alors ? Tu m’aimes ?, Thomas Baignères (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 11 Mars 2020. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Alors ? Tu m’aimes ?, Thomas Baignères, Le Nouvel Athanor, décembre 2019, 85 pages, 15 €

 

Poème psychique

Ce qui est le plus intéressant pour le lecteur de poésie que je suis, et qui plus est, exprimant son sentiment et essayant de dégager de ses lectures des principes communs à la poésie, mon intérêt, donc, s’appuie sur la variété des propositions littéraires, dont certaines font univers. À ceci près que je ne disserte pas souvent sur les textes de notre patrimoine, mais plutôt sur ce qui est contemporain, ce qui paraît aujourd’hui, poésie vivante et souvent émouvante.

Ici, avec le livre de Thomas Baignères, je crois que je peux dégager une réflexion, organisée comme celle dont je parle à l’instant. Ainsi, j’ai trouvé trois mouvements distincts : un premier où l’ouvrage s’écrit à la manière d’un pamphlet, de slogans – que j’ai rapprochés dans mes notes de l’activité de l’imprimerie des Beaux-Arts de Paris –, des affiches produites en regard de la révolution de 1968, au travail graphique manifestant un goût pour la surprise, en un ton presque impertinent.

Faulkner, nid de coucou et nœud de vipères : L’idiot de la famille Compson (par Augustin Talbourdel)

Ecrit par Augustin Talbourdel , le Mardi, 10 Mars 2020. , dans La Une CED, Les Chroniques


« Si quelqu’un parmi vous croit être sage à la façon de ce monde,

qu’il se fasse fou pour devenir sage ;

car la sagesse de ce monde est folie auprès de Dieu. (…)

Le Seigneur connaît les pensées des sages ;

il sait qu’elles sont vaines ».

1 Corinthiens 3:19-21

« J’ai mis tout mon cœur à comprendre la sagesse et le savoir,

la sottise et la folie,

et j’ai compris que tout cela aussi est recherche de vent ».

Ecclésiaste 1:17

Diane & Artémis (par Catherine Boré)

Ecrit par Catherine Boré , le Lundi, 09 Mars 2020. , dans La Une CED, Ecriture, Nouvelles

 

Bien avant d’arriver au square, Mme Sanders sentit une appréhension. Elle serra plus fort, à sa droite, la main de sa fille aînée, Clarisse, et s’accrocha à la poussette où dormait son petit Eugène. La corvée commençait : c’était l’heure de la promenade au jardin public. Celui-ci apparut au bas de la rue, enclos dans les barrières vertes que bloquaient deux adolescents nonchalamment installés à califourchon. Il faudrait leur dire de partir. Elle savait que le groupe de jeunes était déjà éparpillé sur les pelouses, bruyant, prêt à en découdre avec n’importe qui. Au moment de passer la barrière, elle fut légèrement bousculée par les deux garçons, qui avaient sauté trop près de la poussette, et s’étaient sauvés en riant très fort. Eugène, réveillé, se mit à crier.

Devant elle apparaissaient les premiers toboggans. Pas un banc libre alentour. Le soleil tapait fort, en ce début d’avril, et Mme Sanders regrettait d’avoir gardé son pull sous sa veste d’hiver. Tout le monde était déjà bras nus ou en tenue légère. Elle aurait dû mettre une robe. Et si seulement Eugène pouvait cesser de hurler ! Elle le sortit de la poussette et lâcha la main de Clarisse. Comment faisaient les autres mères pour surveiller simultanément deux enfants ? Il était impossible de s’occuper de l’un sans commettre une grave imprudence, qui pouvait être fatale à l’autre.

L’œil du Quattrocento, L’usage de la peinture dans l’Italie de la Renaissance, Michael Baxandall (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Lundi, 02 Mars 2020. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Arts

L’œil du Quattrocento, L’usage de la peinture dans l’Italie de la Renaissance, Michael Baxandall, Gallimard, coll. Tel, janvier 2020, trad. anglais Yvette Delsaut, 240 pages, 14,50 €

Contempler une œuvre d’art

Dans Rome, Naples et Florence, Stendhal rapporte son arrivée à Florence. C’était en 1817. Son cœur, nous dit-il, « bat avec force » à l’approche de la cité des Médicis, là où vécurent les grandes figures de la Renaissance. Il se sent profondément ému, « hors d’état de raisonner » et se livre à sa folie « comme auprès d’une femme qu’on aime ». Un curieux trouble qui resurgira lors de sa visite de la ville et des chefs-d’œuvre qu’elle contient. On se prendrait volontiers pour Stendhal lorsqu’on ressent une émotion aussi intense à contempler les grandes peintures, notamment celles du Quattrocento, Fra Angelico, Masaccio, Botticelli, Piero della Francesca et autres…

D’ailleurs, que contemplons-nous dans une œuvre d’art ? La question n’est pas un sujet de philo au bac mais elle interpelle quiconque fréquente de telles œuvres. La vie est faite d’une succession de sensations toutes aussi éphémères les unes que les autres. Un sourire esquissé est voué à disparaître, la beauté d’un visage est condamnée à flétrir, le charme de toutes choses possède un je ne sais quoi de fugace.