Identification

La Une CED

L’œil du Quattrocento, L’usage de la peinture dans l’Italie de la Renaissance, Michael Baxandall (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Lundi, 02 Mars 2020. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Arts

L’œil du Quattrocento, L’usage de la peinture dans l’Italie de la Renaissance, Michael Baxandall, Gallimard, coll. Tel, janvier 2020, trad. anglais Yvette Delsaut, 240 pages, 14,50 €

Contempler une œuvre d’art

Dans Rome, Naples et Florence, Stendhal rapporte son arrivée à Florence. C’était en 1817. Son cœur, nous dit-il, « bat avec force » à l’approche de la cité des Médicis, là où vécurent les grandes figures de la Renaissance. Il se sent profondément ému, « hors d’état de raisonner » et se livre à sa folie « comme auprès d’une femme qu’on aime ». Un curieux trouble qui resurgira lors de sa visite de la ville et des chefs-d’œuvre qu’elle contient. On se prendrait volontiers pour Stendhal lorsqu’on ressent une émotion aussi intense à contempler les grandes peintures, notamment celles du Quattrocento, Fra Angelico, Masaccio, Botticelli, Piero della Francesca et autres…

D’ailleurs, que contemplons-nous dans une œuvre d’art ? La question n’est pas un sujet de philo au bac mais elle interpelle quiconque fréquente de telles œuvres. La vie est faite d’une succession de sensations toutes aussi éphémères les unes que les autres. Un sourire esquissé est voué à disparaître, la beauté d’un visage est condamnée à flétrir, le charme de toutes choses possède un je ne sais quoi de fugace.

Sur Azur noir d’Alain Blottière - Histoire chancelante (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Vendredi, 28 Février 2020. , dans La Une CED, Ecriture

 

Il est rare qu’à seize ans, dans un été parisien caniculaire, on craigne de devenir aveugle, des filaments, des taches, des voiles sombres obscurcissant la clarté désolante du monde. Il est rare qu’un malicieux hasard vous fasse habiter 14 rue Nicolet dans l’immeuble même (1) où M. Paul Verlaine, communard pardonné et poète, Mme Mathilde Verlaine née Mauté et Mme Mauté de Fleurville ont accueilli, fin septembre 1871, M. Arthur Rimbaud, poète lui aussi, et de quelle façon ! et fugueur. Il est rare (on s’appelle Léo et on commence à écrire des vers parnassiens dans lesquels se distingue la curieuse influence d’Olivier Larronde) qu’on voie Verlaine trembler dans son salon puis rejoindre quelques jours plus tard le trublion ardennais dans la lingerie (c’est à présent, nouveau splendide hasard ! la chambre de notre Léo) où on lui a dressé un lit et où une poitrine et un dos imberbes sont étreints et caressés. Pour Léo, ange pasolinien à sa manière, une voisine qui a l’âge de sa mère et dont l’appartement correspond à la salle à manger des Mauté puis son professeur de français caresseront et étreindront tour à tour sa nudité lisse.

La Liberté d’esprit, Fonction et condition des intellectuels humanistes, Stéphane Toussaint (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 27 Février 2020. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

La Liberté d’esprit, Fonction et condition des intellectuels humanistes, Stéphane Toussaint, Les Belles Lettres, août 2019, 260 pages, 19 €

 

Recevant en 2005 un titre de docteur honoris causa décerné par l’université de Louvain, Simon Leys prononça un discours de circonstance, « Une idée de l’Université » (qu’on trouvera dans son recueil Le Studio de l’inutilité). Il y alléguait une formule de Flaubert dans une de ses lettres à Tourgueniev : « J’ai toujours tâché de vivre dans une tour d’ivoire, mais une marée de merde en bat les murs, à les faire crouler ».

La tour d’ivoire n’est autre que l’Université en tant qu’institution, la « marée de merde », les pressions exercées de toutes parts (y compris de l’intérieur) pour en changer la nature. On ne sera pas injuste envers l’essai de Stéphane Toussaint si l’on souligne qu’il développe en 250 pages et à grand renfort de citations empruntées à des auteurs de la Renaissance italienne (la spécialité académique de l’auteur) la remarque de Simon Leys. Nous obtenons ainsi la preuve qu’entre 2005 et 2019, les choses n’ont pas changé, voire qu’elles se sont visiblement dégradées.

Les veines du réel, Jean-Yves Guigot (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mercredi, 26 Février 2020. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Les veines du réel, Jean-Yves Guigot, éditions Littérales, 2015

Via cette ardente et rude traversée (ardoyante) dans Les veines du réel, à la recherche de la source en dépit du poids des pierres, le poète Jean-Yves Guigot nous offre par cet opus poétique (Prix Littérales en 2015) une plongée où s’expérimente la quête de l’unité. Quête du Vivre et du Verbe poursuivie malgré « la fatalité du néant », recherche opiniâtre du réel à même « l’ombre » le traversant, au risque encouru et fécond de rencontrer « en chemin le devenir du doute ». Cet opus s’énonce comme un tableau de George de La Tour peut pénétrer et refléter par le nouveau regard qu’il projette sur elle la réalité quotidienne en sa profondeur, jouant son approche du réel dans un jeu de lumière et d’ombres. Tableau en clair-obscur d’entrée, Les veines du réel nous introduit sur cet autre versant, du côté de la nuit, où êtres et choses dévoilent leur mystérieuse présence, révèlent leur plénitude, acquièrent une autre dimension, propageant une lumière réflexive, comme spirituelle, voire mystique.

 

« Je perçois une lampe et sa flamme m’endort,

comme s’éveille à soi-même qui s’éveille la nuit. »

Gérard de Cortanze, Le goût des arbres ET François Bott, Un amour à Waterloo (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 25 Février 2020. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

 

Gérard de Cortanze, Le goût des arbres, Mercure de France, Le petit mercure, 2019, 128p., 8,20€.

 

La collection « Le goût de » regorge de petites merveilles. Chaque fois, un écrivain recueille des textes d'écrivains autour d'un thème célébré.

L'anthologie, introduite par un auteur qui s'est souvenu des « érables sycomores », propose de fouiller dans la littérature « des arbres ».

S'ils sont, ces arbres, de « la famille » d'un Jules Renard, dont le regard est aussi acéré que certains troncs, ils parsèment les champs littéraires, même si , comme chez Flaubert « ils n'ont plus de feuilles » lors d'une promenade d'automne.