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La Une CED

Svetlana Alexievitch : la littérature au-delà de la littérature (par Nathalie de Courson)

Ecrit par Nathalie de Courson , le Vendredi, 13 Décembre 2019. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Svetlana Alexievitch : la littérature au-delà de la littérature, Jean-Philippe Jaccard, Annick Morard, Nathalie Piégay, La Baconnière, octobre 2019, 175 pages, 20 €

 

Ce livre devrait dissiper définitivement les doutes des lecteurs qui hésitent encore à qualifier de littéraire l’œuvre de Svetlana Alexievitch (prix Nobel de littérature 2015), sous prétexte qu’elle explorerait la mémoire soviétique avec des méthodes propres au journalisme.

L’ensemble est composé de sept contributions de spécialistes d’histoire ou de littérature (1), encadrées par deux textes d’Alexievitch inédits en français : une admirable allocution prononcée à l’Université de Genève lors de la réception de son prix de Docteure Honoris Causa en 2017 : « À la recherche de l’homme libre (une histoire de l’âme russo-soviétique) », et un entretien de 2013 avec Natalia Igrounova : « Le socialisme a disparu, mais nous sommes toujours là ».

Le TAS ou l’atavique esprit de résistance (par Mustapha Saha)

Ecrit par Mustapha Saha , le Mardi, 10 Décembre 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

Paris. 18 Novembre 2019. Un ami de toujours m’informe par courriel de la victoire de l’équipe de football de deuxième division TAS à la finale de la Coupe du Trône face à la Hassania d’Agadir de première division. Contingence insignifiante à l’échelle mondiale, sacre historique pour les marocains. Les souvenirs d’enfance remontent volcaniquement à la surface. Le terrain d’Al-Hofra (le trou) surplombe l’école franco-musulmane. L’intitulé évite toute référence à la marocanité pour prévenir d’éventuelles contaminations nationalistes. Le lexique colonial, confessionnaliste à souhait, d’un côté les chrétiens, de l’autre côté les musulmans, ressuscite la nostalgie des croisades. La raison religieuse ne se discute pas.

Difficile d’imaginer à l’époque une cité plus surréaliste que les Carrières Centrales. Les bidonvilles labyrinthiques accueillent, dans la spontanéité solidaire, les ruraux proches et lointains. Les ruelles plongées dans la boue transforment la marche en acrobatie périlleuse. Les merveilleux patchworks de couleurs, les costumes ethniques, au milieu des djellabas noires et des haïks blancs, révèlent les provenances.

Le Drageoir aux épices, Joris-Karl Huysmans (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 09 Décembre 2019. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Le Drageoir aux épices, Joris-Karl Huysmans, Poésie/Gallimard, octobre 2019, 288 pages, 9,30 €

 

Regard

Parcourir les poèmes du Drageoir aux épices est une source continuelle d’interrogations. En effet, ces textes sont une matière poétique profuse, parfois ambiguë où le regard joue un rôle essentiel. Car cette poésie, qui vacille entre le confinement de la description littéraire, telle que Huysmans le pratique dans son œuvre romanesque – et particulièrement dans À rebours – et le réalisme, voire un naturalisme qui viendrait de Zola et des soirées de Médan, d’un Zola non documenté, est juste appareillée d’une vision personnelle du monde. Cette poésie ébranle le statut du texte poétique. Bien sûr on songe au Spleen de Paris qui, à bien des égards, fait le lit d’une matière toute neuve et vive – et qui résiste au vérisme malgré tout et impose une modernité augurale. Ou encore au Gaspard de la nuit, lequel défriche le terrain nouveau de la poésie en prose, et ici sans perdre de l’étrangeté nécessaire à la poésie. Textes donc qui tremblent entre réalisme et refuge confiné. Et ce tremblement de la lecture qui opère aujourd’hui encore fait le lit des questions où on ne cesse de prendre parti de la langue contre la réalité, puis de la réalité contre le langage, acrobatie qui nous conduit dans un Paris de 1870, calfeutré et digne d’un des Esseintes.

Eloge des voix douces (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Jeudi, 05 Décembre 2019. , dans La Une CED, Ecriture, Création poétique

 

Eloge des voix douces, du chuchotement.

Eloge des chemins du bord des fleuves.

Eloge des pas dans la neige.

Eloge du silence en forêt quand les sentiers bifurquent ou se confondent.

Eloge de la rouille, de la mousse, des palissades lépreuses, des façades ravagées où cent tableaux intriguent.

Eloge d’une route pavée où l’herbe regimbe.

Eloge d’un cimetière à l’abandon près d’une église dont on a égaré les clefs.

Eloge d’un parc dont il faut escalader les grilles.

Eloge des ruines tenaces, des quartiers poussiéreux, des squares blafards.

Une histoire de sang contaminé, Les disparus des années écarlates, Méda Seddik (par Pierrette Epsztein)

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Mercredi, 04 Décembre 2019. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Une histoire de sang contaminé, Les disparus des années écarlates, Méda Seddik, Les impliqués Editeur, septembre 2019, 212 pages, 20 €

 

Dès le prologue, le narrateur nous met la puce à l’oreille. C’est un matin ordinaire. Il est très tôt. Son radioréveil diffuse « une chanson de Marc Lavoine, Paris, qui me procurait une émotion mêlée à de la nostalgie ». Alors qu’il sort lentement de son sommeil, il entend à la radio qu’il est question de la distribution des produits sanguins contaminés dans le monde, principalement dans les pays du Sud, les plus pauvres bien entendu. Tout le monde médical et politique est en alerte. Il est très en colère, lui qui a été amené par les hasards de ses nominations à connaître tous les ravages de cette sombre affaire. Il a côtoyé de trop près des malades hémophiles, particulièrement des jeunes qui n’ont pas survécu à cette tragédie de l’apparition du sida, pour ne pas être révulsé par la méconnaissance de tous les intervenants qui s’emparent du sujet. « Mon exaspération était à son comble… Une boule au ventre me tenaillait depuis mon lever. Une envie de révolte, de cris, de soulagement ! ».