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La Une CED

Quinze notules sur Jean Lorrain (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Jeudi, 26 Mars 2020. , dans La Une CED, Ecriture

 

« La vie est une tombe au détour d’un sentier »

J.L. (épitaphe composée par L. lui-même en 1886)

 

1- Lire, c’est mettre en rapport, c’est relier, c’est raccorder, parfois de façon hasardeuse ou téméraire. Il n’y a pas de littérature sans intertextualité. Or l’intertextualité (me) rend heureux.

2- Relisant Monsieur de Phocas de mon cher Jean Lorrain, je pense à Baudelaire, au Huysmans d’A Rebours et au Wilde du Portrait de Dorian Gray, auxquels Lorrain doit tant. Je pense à Gide : Thomas Welcôme est une sorte de cousin précurseur du Ménalque de L’Immoraliste. Mais Gide, lui, comme Huysmans, s’est sorti de l’ornière décadente où Lorrain est resté embourbé. Je pense à Proust avec qui il se battit en duel.

Monseigneur de B. - La Peste Noire (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Mercredi, 25 Mars 2020. , dans La Une CED, Ecriture, Nouvelles

 

– C’est à vous, Monseigneur… Monseigneur ?

– Qu’est-ce qui peut donc bien distraire Monseigneur ? scanda le Marquis.

– Taisez-vous donc, s’insurgea la Marquise, encore toute remuée par la cérémonie expiatoire que l’évêque avait célébrée le jour même sur le Grand Cours.

L’ecclésiastique, comme revenu à la partie, lança mollement les dés.

– Perdu ! Je cède ma place. Chevalier, appela-t-il en avisant un jeune-homme qu’on lui avait présenté avant le souper sans qu’il retienne son nom, à vous de tenter votre chance.

Il se retira près de la fenêtre dont l’entrebâillement avait été âprement discuté. Certains, en faisant suffoquer l’assemblée, prétendaient se protéger de l’épidémie mais Monseigneur de B. avait assuré qu’au deuxième étage, dans ce salon donnant sur la mer, on ne risquait rien.

Les travaux et les jours 10 (extraits) (par Ivanne Rialland)

Ecrit par Ivanne Rialland , le Lundi, 23 Mars 2020. , dans La Une CED, Ecriture, Bonnes feuilles

 

 

La mère

Alors que la banlieue lui semblait un lieu de changements perpétuels où, comme dans un film en accéléré, les grues ne cessaient jamais d’arracher à des tas de décombres des résidences flambant neuves aux noms de villes romaines, Paris, au fil de ses promenades du week-end, lui paraissait inchangé depuis ses années d’étudiante, et elle retrouvait chaque fois la même lumière du ciel près de la Seine, la même rumeur, les mêmes odeurs d’essence et de platanes. Seule la situait dans le temps la prolifération aux terrasses des cafés de ces petits tubes de plastique soufflant comme une haleine une incolore vapeur blanche, qui faisaient de ces modernes fumeurs de très discrets joueurs de pipeau.

Le chagrin d’aimer, Geneviève Brisac (par Pierrette Epsztein)

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Vendredi, 20 Mars 2020. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Le chagrin d’aimer, Geneviève Brisac, Grasset, février 2018, 162 pages, 16 €

 

Dans Le chagrin d’aimer, Geneviève Brisac explore, avec finesse mais sans concession, les relations qu’elle a entretenues avec une mère équivoque et fantasque. On déroule les pages, comme on tournerait celles d’un album de famille.

Cet ouvrage met en lumière à quel point les rapports mère-fille sont très souvent d’une surprenante complexité. Ils oscillent fréquemment entre amour inconditionnel et rejet, entre agacement et attendrissement, entre exaspération et patience, entre fierté et honte, entre douceur et violence, entre rapprochement et abandon. Ce sont tous ces sentiments irrationnels que Geneviève Brisac sonde en se fiant à l’éclosion de sa mémoire, depuis son enfance jusqu’à la mort de sa mère.

Dans ce récit, Geneviève Brisac ne cherche nullement à nous égarer dans de longues digressions. Poussée par l’urgence du dire, elle nous plonge au cœur de ses émotions. Pour aller à l’essentiel, elle utilise une écriture sèche et nerveuse, ne se privant ni d’une langue triviale, parfois crue, ni d’une ironie cinglante.

La Styx Croisières Cie - Février 2020 (par Michel Host)

Ecrit par Michel Host , le Jeudi, 19 Mars 2020. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

 

 

Ère Vincent Lambert, An II

Humain, citoyen le plus vulnérable, la République française, la médecine, la banque et la magistrature réunies, t’ayant baptisé Légume, te tueront.

 

« Le fanatique, lui, est incorruptible : si pour une idée il tue, il peut tout aussi bien se faire tuer pour elle ; dans les deux cas, tyran ou martyr, c’est un monstre. Point d’êtres plus dangereux que ceux qui ont souffert pour une croyance : les grands persécuteurs se recrutent parmi les martyrs auxquels on n’a pas coupé la tête » (E. M. Cioran, Précis de décomposition, Généalogie du fanatisme).