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La Une CED

Le Poudroiement des conclusions, Cédric Demangeot (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 06 Avril 2020. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Le Poudroiement des conclusions, Cédric Demangeot, L’Atelier contemporain, février 2020, ill. Ena Lindenbaur, 144 pages, 20 €

 

Faux-semblants

Pour moi, concevoir un livre comme une entreprise de disqualification du poème au profit de la pensée, est une entreprise plutôt saine, salutaire, qui vaut pour elle-même. Car interroger les faux-semblants de la littérature tel que l’écrit Cédric Demangeot, de la poésie notamment, en critiquant son versant « protorococo », finit par aboutir à une expression saillante, mordante si je puis dire, et qui garde quand même une confiance relative dans le pouvoir d’écrire, dans le poème, et aussi dans la lecture conçue comme moment de création pour le lecteur. J’ai du reste pensé aux Aveux et anathèmes de Cioran, lesquels sont également une combinaison d’idées propres à mettre en doute, à décrire une mise en crise des chimères de l’être, et cela au profit d’un certain désespoir et d’une tension vers la hantise du suicide par exemple. J’ai aussi songé aux pages de Nietzsche, de son Zarathoustra, car le philosophe ne fait confiance à personne ni à rien, quand seules quelques créatures bizarres et inadaptées font un dernier ensemble de disciples à son héros en quelque sorte.

Le faux-fils, Jean-Louis Mohand Paul (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 03 Avril 2020. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Le faux-fils, Jean-Louis Mohand Paul, éditions Al Manar, 2019, 124 pages, 17 €

 

La part de Kabyle

Le début du roman Le faux-fils est dramatique, à l’instar des films du cinéma français juste après-guerre ou de ceux des années 1960, au sein d’un vieil immeuble d’un quartier populaire parisien, surpeuplé, où l’ombre des couloirs dissimule des locataires sujets à bien des privations et des douleurs. L’histoire est celle d’un petit enfant victime du sadisme familial, un peu comme le Antoine Doinel des Quatre Cents Coups de François Truffaut. Ici, l’enfance n’est pas cet îlot de rêve et de bonheur, ce cocon d’amour mais un abandon sans mesure, une jeunesse martyre. La colère, la peur, la crédulité, traversent le petit protagoniste (re)nommé Jean-Pierre, souffre-douleur du couple, ce qui l’entraîne vers une étrangeté radicale. Une revanche à prendre, par l’auteur, pour défendre un enfant amputé par le non-dit et le ressentiment, pour lequel on apprend à ne pas parler, à ne pas dire.

Chengyu, Les expressions chinoises en quatre caractères, Pauline Jubert (par Michel Host)

Ecrit par Michel Host , le Jeudi, 02 Avril 2020. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Chengyu, Les expressions chinoises en quatre caractères, Pauline Jubert, éditions Librio, février 2020, 126 pages, 3 €

 

« Shí nián shù mù, bai niàn shù rén »

« Il faut dix ans pour faire pousser un arbre et cent ans pour former un homme »

 

Sagesse des mondes

La sagesse, lorsqu’elle se donne pour telle, fait rire aujourd’hui. Nous sommes loin, désormais, des coquecigrues antiques, des rabat-joie confucéens, stoïciens et des autres empêcheurs de ne pas penser. Nous fûmes disciples d’Occam (– Qui c’est, ce mec ? – « Le mot Dieu existe, mais Dieu existe-t-il ? » – C’est celui qui ne laisse pas dormir les autres ! Le nominaliste en chef !)… Nous fûmes aristotéliciens, platoniciens, kantiens (c’est à voir), marxistes ou sartriens (c’est à revoir), puis structuralistes (plus facile, Cécile !)… Avec le Chengyu, nous voici Chinois, et depuis quatre millénaires au moins. Antiques donc, comme tout un chacun.

El Ninõ de Hollywood, Óscar & Juan José Martínez (par Cathy Garcia)

Ecrit par Cathy Garcia , le Mercredi, 01 Avril 2020. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

El Ninõ de Hollywood, Óscar & Juan José Martínez, Métailié, février 2020, trad. Espagnol (Salvador), René Solis, 332 pages, 22 €

 

« Je voudrais pouvoir revenir en arrière, et pas aller avec la Mara…

Aux mioches, moi je leur dis, ne le faites pas, disait El Niño »

 

Miguel Ángel Tobar, celui qui fut d’abord El Payaso, Le Clown, puis El Niño de Hollywood, du nom de la branche de la Mara Salvatrucha 13 à laquelle il appartenait, les Hollywood Locos, dont il fut l’un des plus redoutables sicario, avant de devenir un misérable témoin protégé de l’État salvadorien, après avoir dénoncé un bon nombre de mareros, dont son pandillero, son chef, Chepe Furia. Chepe Furia, de son vrai nom José Antonio Terán, avait été dans les années 70 un policier de l’ultra brutale police d’État, la Garde Nationale de sinistre mémoire où il était alors connu sous le nom d’El Veneno, le Poison, ce n’est que bien plus tard qu’il reviendra au Salvador, sous le nom de Chepe Furia, membre de la Mara Salvatrucha 13.

Europe Odyssée, Jean-Philippe Cazier (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 30 Mars 2020. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Poésie

Europe Odyssée, Jean-Philippe Cazier, éditions Lanskine, janvier 2020, 48 pages, 13 €

 

Chant choral des réfugiés

Écrire sur une action dramatique, voire sur une actualité brûlante et sans doute limitée dans le temps, sujette justement au sort de l’événementiel et de son traitement médiatique, représente une difficulté. Ici, traiter du parcours des réfugiés venus d’Asie ou d’Afrique jusqu’aux plages de Calais, ou pour être plus précis, vers tous les lieux de rétention, jungle ou autre colline au crack, ne cesse, ne se finit pas en sa propre description, sauf à trouver une langue qui ne tourne pas court, capable de suivre le temps à la fois ancestral et contemporain de la migration humaine. Ainsi, il est possible d’écrire le voyage et sa part brutale, où les langues justement, tiennent un rôle primordial. Cette expression, ce chant si l’on veut, est une supplique d’hommes qui pérégrinent, qui souffrent, sont incompris, et rejoignent en un sens le vaste langage, le « poème » tragique, le rang du chœur tragique de l’Antiquité d’Euripide ou de Sophocle. Europe Odyssée choisit le camp de l’odyssée, de l’Odyssée, de la rhapsodie, du récit des inconnus de la terre, des réprouvés, du monde épique et tragique des migrants en leur nouvelle définition sociale.