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La Une CED

Ici, Pierre Dhainaut (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 06 Avril 2021. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Poésie, Arfuyen

Ici, Pierre Dhainaut, éditions Arfuyen, février 2021, 96 pages, 12 €

 

Le poème horizon

Quel est cet ici ? Je n’ai trouvé la clé de ce livre vers la toute fin du recueil, d’une part parce que je me suis laissé imprégner, infuser par le texte, et aussi grâce au dernier chapitre qui m’a convaincu. De quoi ? Que la poésie peut penser, peut réfléchir, peut agir comme intellection. Ce poème-là n’est jamais une ornementation, mais un travail vers la nudité. Et céans, ce sont des images, une lumière nordiste à l’éclat blanc, transparent, presque froide. J’en parle en connaissance de cause ayant vécu deux ans à Valenciennes étant enfant, et mes premiers souvenirs d’écolier sont liés à cette lumière.

Cette clé dont je parle en supra, c’est donc l’horizon, celui de la Mer du Nord, ligne flottante qui indique une quête, qui collecte ce délinéament qui toujours se repousse, et ainsi recule en se rendant inatteignable. Cet horizon est encore celui du monde intérieur que le poète explore pour y fourbir son poème.

Pussyboy, Patrick Autréaux (par Pierrette Epsztein)

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Vendredi, 02 Avril 2021. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Pussyboy, Patrick Autréaux, éditions Verdier, mars 2021, 128 pages, 14 €

 

En regardant la photo du bandeau qui entoure la couverture du livre de Patrick Autréaux, Pussyboy, le lecteur qui s’attend à découvrir un roman pornographique sera étonné de ne pas s’y reconnaître. Le libertin esthète, qui compte discerner dans ce récit un livre érotique qu’on conserve précieusement à l’abri pour quelques privilégiés et qu’on dévoile comme un trésor précieux, sera déconcerté.

Certes, il y a bien dans ce roman une intrigue. Le narrateur de ce récit nous introduit dans une rencontre hasardeuse entre deux garçons qu’au départ tout oppose et que rien ne laissait prévoir. Toute l’histoire se déroule dans un huis-clos, « une grotte », soigneusement entretenu, qui préserve les deux partenaires de toute intrusion intempestive. Elle risquerait de détruire leur intimité. Quand l’extérieur intervient, c’est pour que l’un des deux retrouve un espace de respiration, une échappée vive qui permet au narrateur d’accepter d’autant mieux le retour vers ce qui l’attire comme un aimant. Dans une chorégraphie savante, le narrateur s’érige en maître de ballet. Son danseur étoile, Zakaria, porte un prénom, qui évoque l’ailleurs, le lointain, le différent.

La Styx Croisières Cie-II Février 2021 (par Michel Host)

Ecrit par Michel Host , le Jeudi, 01 Avril 2021. , dans La Une CED, Les Chroniques

Ère Vincent Lambert, An III

Humain, citoyen le plus vulnérable, la République française, la médecine, la banque et la magistrature réunies, t’ayant baptisé Légume, te tueront.

Ère Samuel Paty. An II

Tu veux expliquer aux enfants la pensée et le dire libres. Alors « La religion » te saisira au cou et te décapitera sur un trottoir. Citoyen libre, sache à quoi t’attendre !

 

« Le plus artiste ne sera pas de s’arrêter à quelque gros œuvre, comme la fabrication d’un roman, par exemple, où l’esprit tout entier devra se plier aux exigences d’un sujet absorbant qu’il s’est imposé ; mais le plus artiste sera d’écrire, par petits bonds, sur cent sujets qui surgiront à l’improviste, d’émietter pour ainsi dire sa pensée. De la sorte rien n’est forcé. Tout a le charme du non voulu, du naturel. On ne provoque pas : on attend ».

Jules Renard, Journal, 13 septembre 1887

L’intime dense, Pascal Boulanger et Mais le Merle n’a aucun message, Lambert Schlechter (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 01 Avril 2021. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Poésie

L’intime dense, Pascal Boulanger, Editions du Cygne, janvier 2021, 50 pages, 10 €

Mais le Merle n’a aucun message, Lambert Schlechter, Editions Phi, novembre 2020, ill. Lysiane Schlechter, 103 pages, 22 €

 

« Qui dans le lointain / devient reconnaissable / sinon celle dont les baisers / sont comme des reflets du ciel ? / Là où le vent léger, quelques nuages, / adoucissent celui qui marche ; / l’agréable de ce monde / quand veille celle au souffle qui se penche / sur l’arc de vie / en bleu l’école de ses yeux » (Pascal Boulanger).

 

« ne pas chercher ne plus chercher / laisser faire laisser voir /

qui cherche ne trouve pas / qui trouve ne cherche plus /

la feuille qui tombe / est une feuille qui tombe /

un cœur qui bat / va s’arrêter de battre /

savoure la merveille de l’instant » (Lambert Schlechter)

Les Furtifs, Alain Damasio (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 31 Mars 2021. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Science-fiction, Folio (Gallimard)

Les Furtifs, février 2021, 944 pages, 11,50 € . Ecrivain(s): Alain Damasio Edition: Folio (Gallimard)

 

Qui aujourd’hui peut prétendre à inventer une langue ? Une langue pas juste littéraire s’entend, une langue-univers, une « sangue » – autant citer Les Furtifs sans préciser, que tout le monde s’y perde pour comprendre ? On croise de pauvres petites phrases averbales, de pauvres petites figures de style convenues au possible, des expérimentations creuses – mais une langue, une vraie, une porteuse d’un univers ? Non, rien. Puis il y a Damasio, depuis La Zone du dehors, coup d’essai magistral, et surtout La Horde du contrevent, chef-d’œuvre magistral, équipée sauvage dans la langue, tant à inventer qu’inventive, et dans un désert habité de multiples aventures. Car là se trouve le nœud de l’énigme Damasio : il offre à la langue une fureur vibrante rare tout en racontant des histoires haletantes. Damasio, c’est la rencontre de Valère Novarina et de Maurice Dantec, ou la sublimation des deux, et dans une époque où la littérature semble devenue un jeu intellectuel à destination de ceux qui sachent ou une petite suite d’histoires sordides aux personnages bidimensionnels, c’est un compliment absolu. Damasio, c’est l’auteur absolu pour dire le monde dans lequel nous vivons – et ses cauchemars à venir, mais aussi, surtout ! son désir poétique, virulent, enflammé.