« L’écriture est une science où l’on ne sait jamais de quoi l’on parle ni si ce qu’on dit est vrai »
Jean Ristat, Du coup d’Etat en littérature (1970)
1) Tu n’es ni argentin ni uruguayen ; tu n’es pas né à l’embouchure du Rio de la Plata ; tu ne te targues d’aucune ascendance gaucho. Mais tu lis L’Autre ciel, de Julio Cortázar.
2) Dans L’Autre ciel, il est question de passages. Tu aimes les passages (une de tes tantes habitait rue de Choiseul, dans ton enfance, avant de déménager à Vincennes) ou de façon plus précise la littérature des passages : Baudelaire revu par Benjamin, Céline, Aragon, Julien Green. Tout passage est un hétérotope ; dans tout passage, nous changeons d’échelle, de climat, de ciel. Syntagmes de la flânerie : vitrines ; enseignes ; marquises ; café ; petit théâtre à l’étage ; heureux détours ; rôdeurs-apaches aux yeux gris-vert ; cartes et estampes ; constellation des voûtes ; miroir qui renvoie, narquois, à quelqu’un d’autre que soi-même. On n’échappe pas au monde marchand dans un passage ; mais la marchandise s’y trouve (chargée d’ombre ou lavée de lumière pluvieuse ; dépistée dans un couloir, en haut d’un escalier ; dissimulée dans une arrière-boutique) comme repolie, réagencée, réinventée avec subtilité. Tu regrettes que l’ère des passages soit, sinon dans une logique touristique, révolue.