Identification

La Une CED

Ayn Rand (par Mélanie Talcott)

Ecrit par Mélanie Talcott , le Vendredi, 20 Août 2021. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

Lire Ayn Rand, c’est pénétrer dans un ghetto intellectuel, un univers sulfureux, compliqué, fascinant, touffu, contradictoire et ambigu. La lecture de La Source Vive, de La Grève et de La vertu d’égoïsme, deux romans-plaidoyers, le premier écrit en 1943 et le second en 1957, et le dernier, une compilation d’articles publiés entre 1961 et 1964, n’est pas aisée, tant se mêle à l’intrigue une harangue apolégétique, parfois confuse, voire indigeste et souvent réitérative, des convictions de l’auteure. L’exercice ressemble à détricoter un pull sans jamais tirer un fil unique, d’autant plus qu’étant riches en digressions, il faut les lire et les relire pour s’imprégner du message d’Ayn Rand.

Pour saisir sa pensée, il faut d’abord la jalonner de quelques faits. Ayn Rand est née Alissa Zinovievna Rosenbaum, à Saint-Pétersbourg en 1905, au sein d’une famille de la petite bourgeoisie juive. Son père était propriétaire d’une pharmacie, et sa mère, femme au foyer, en charge de l’éducation de ses trois filles. Alissa avait douze ans lorsqu’en pleine première guerre mondiale, la Révolution Russe de 1917 renversa le tsar et le remplaça par le gouvernement provisoire d’Aleksander Kerenski, un régime parlementaire qui accorda l’égalité politique et juridique aux Juifs.

Firmaman, Jean-Paul Gavard-Perret (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Jeudi, 19 Août 2021. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Firmaman, Jean-Paul Gavard-Perret, éditions Sans escale, mai 2021, 30 pages, 13 €

Sexe

J’espère avoir fait une lecture juste de ce petit livre où pèsent, se mesurent, se développent la chair amoureuse et les organes sexuels. Du reste, les textes calquent davantage l’action que le jouir, pour mettre en exergue la corporalité naturelle des étreintes sexuelles. Il y a donc quelque chose de Molinier, pour les cuisses gainées, les dessous chics, ou de Bellmer pour le bizarre parfois des positions et des points de vue. Et puis, on connaît aussi Paul-Armand Gette qui travaille depuis longtemps, légèrement amusé, sur les culottes des femmes, posées sur des sapins de Noël par exemple. Nous sommes donc en terrain connu.

Ce qui est neuf toutefois, c’est le traitement du sujet. On entrevoit Sade, mais pas le sadisme, plutôt le sadien, avec me concernant, la peur ressentie à la vision du Salo de Pasolini. Ainsi, Firmaman n’est pas tout à fait un poème, mais davantage une performance linguistique, des récits courts, un texte récitatif plutôt que contemplatif. Pour tout dire, l’auteur est en action. Il me semble aussi que l’on pourrait utiliser le terme homérique dans les deux sens du terme. Quant à moi, j’ai pensé à l’Iliade, avec ses différentes morts toujours nouvelles dans leur facture. Les scènes érotiques de J.-P. Gavard-Perret sont variées, et on voit presque la réalité des corps à corps amoureux. Donc pas de lyrisme mais de l’épique.

L’hybridation est le propre de la littérature (par Gabrielle Halpern)

Ecrit par Gabrielle Halpern , le Mercredi, 18 Août 2021. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

« Je suis un amphibien, un centaure (…). Je suis partagé en deux moitiés : l’une est celle de l’usine, je suis un technicien, un chimiste. L’autre, c’est celle avec laquelle j’écris (…). Être chimiste aux yeux du monde et sentir couler dans mes veines un sang d’écrivain me donne le sentiment d’avoir deux âmes dans le même corps (…). Je suis resté une impureté, une anomalie en tant qu’écrivain franc-tireur, non pas issu du monde des lettres ou de l’université, mais de celui de l’industrie », raconte le chimiste-écrivain et écrivain-chimiste, Primo Levi, à l’occasion d’un entretien (2). Et si c’était le propre de tous les écrivains d’être des centaures (3) – c’est-à-dire des figures par excellence de l’hybridation ? Leur fonction ne consiste-t-elle pas à hybrider la fiction et la réalité, à hybrider les parcours singuliers des personnages avec l’universalité de l’expérience humaine, à entrecroiser – parfois sans le vouloir – le regard d’un auteur avec la voix d’un narrateur ? A procéder à des combinaisons hétéroclites de mondes radicalement différents, voire contradictoires, par le truchement de l’imagination ? C’est l’écrivain Elias Canetti qui nous offre la meilleure définition de l’hybridation : « jeter son ancre le plus loin possible » (4), c’est-à-dire sortir sans cesse de soi-même et aller vers l’altérité radicale pour devenir sempiternellement autre.

Hautes Huttes, Gérard Pfister (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 17 Août 2021. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Poésie

Hautes Huttes, Gérard Pfister, éditions Arfuyen, juin 2021, 384 pages, 19,50 €

Le poème obombré

J’avais quelques scrupules à indiquer que ce recueil de 1000 poèmes, de Gérard Pfister, a agi en moi comme un moment de dialectique, interaction donc dynamique et profonde entre le sujet qui raconte et ce que raconte le sujet. Puis, en consultant des définitions – philosophiques –, j’ai pensé que ces poèmes pouvaient vraiment articuler une part du réel et un univers, une vision, un style – se démarquant ainsi de la terminologie d’Engels sur le raisonnement dialectique. Car en regardant quelques mots de ces quatrains comme cendre, lampe, la brume, la pénombre des eaux, je crois que l’on peut dire non seulement que cette poésie fait mouvement intellectuel autour d’un dialogue philosophique, mais également fonctionne comme un glacis.

Cendre qui indique l’essence des choses prises dans une ordalie poétique, cendre de la cendre (chère à Derrida) ; matière résiduelle et impalpable de la brume, gouttelettes de pluie formant un écran vernissé ; ou encore lampe qui dans son cercle tremblant confine l’âme du poète dans une inquiétude et presque une douleur ; pénombre de l’eau, où l’écran des eaux du ruisseau fabrique une couche aqueuse sur le lit de pierre du cours d’eau.

L’Espoir musicien, Alain Lévêque (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 07 Juillet 2021. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

L’Espoir musicien, Alain Lévêque, éditions La Coopérative, mai 2021, 80 pages, 12 €

Chercher

Chercher est le premier mot qui m’a traversé à la lecture de L’Espoir musicien. Et cela grâce à une implication poétique de l’auteur, qui signe ici son deuxième recueil de poésie, mais qui a publié des études, des essais, des livres traitant de l’art contemporain par exemple.

Univers ? Sans doute. Surtout, poète qui va à la découverte intérieure (du soi-même, si je puis dire) et qui, de cette manière, reste fluide, ouvert, mouvant, meuble. La découverte de soi en passe là par l’étude poétique d’un mouvement, d’une équation vectorielle.  De là encore l’impression d’un allant, d’un amble du poème, flux capable de faire cohabiter le lecteur avec l’idée du seuil, du passage.

Et cet écoulement, cet exorde amoureux qui se poursuit en quelque sorte, sollicite autrui, l’autre, l’Autre peut-être. Toujours est-il qu’il y a une adresse à l’Aimée (fût-elle celle du Cantique). L’amour de l’autre étant devenu une mémoire des gestes, des humeurs, de la joie et de la tristesse. Il demeure une figure de lumière. Ce qui me rappelle nettement mon premier sentiment à l’égard des Yeux d’Elsa. On y reconnaît avec inquiétude presque, l’empreinte d’une sensation d’amour, et ce faisant, d’une quête.